Demandez si le président de la République voulait manger de la viande de brousse, ironise le procureur lors du procès jeudi dans le nord du Gabon d’un préfet, en détention préventive depuis six mois pour avoir fait chasser pour son compte des animaux dans une zone protégée, notamment des singes, un toucan et des antilopes.
Préfet de l’Okano (nord), Olivier Bassiva et les deux chasseurs, tous têtes basses, passent un mauvais moment dans la petite salle du tribunal d’Oyem, quatrième ville du Gabon, située près de la frontière camerounaise. Les autorités veulent donner valeur d’exemple à ce procès pour faire cesser la pratique ancienne et toujours courante du braconnage, ainsi que l’impunité des responsables.
Les deux chasseurs, en prison depuis avril, ont été pris en février en flagrant délit par un agent des Eaux et Forêts : dans leur véhicule, en fait celui du préfet : trois mandrills et un céphalopode, deux espèces totalement protégées, ainsi qu’un toucan et trois antilopes. Pour se justifier, alors que la chasse n’était pas ouverte et qu’il est de toute façon interdit de chasser dans cette zone protégée, les chasseurs avaient exhibé un ordre de mission du préfet.
Celui-ci s’était ensuite rendu sur place pour porter secours à ses chasseurs. Il avait giflé l’agent, lui disant Allez vous plaindre au ministre!.
Il se comportait comme un roi sur ses terres, a estimé Me Rufin Nkoulou, avocat de la Direction de la Faune et de l’agent des Eaux et Forêts.
Pour lui, le procès a une portée pédagogique pour la protection de la faune, mais aussi en raison du rang du préfet. La faune est une richesse du Gabon, rappelle-t-il à propos d’un pays recouvert aux trois quarts par de la forêt tropicale et qui fait partie du bassin du Congo, considéré comme le deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie.
Depuis son accession au pouvoir en 2009, Ali Bongo Ondimba, fils d’Omar Bongo, cherche à se positionner comme un défenseur de la nature en promouvant le Gabon vert. Il a fait brûler 5 tonnes d’ivoire en juin, une première en Afrique centrale.
Comment la localité peut-elle se développer si le préfet est le premier à fouler les lois?, s’est interrogé Me Rufin Nkoulou.
Le procureur Ulric Nzoundou, qui a requis 18 mois de prison, affirme qu’arrêter le préfet a été un casse-tête chinois et veut en faire un exemple: Il n’y a pas que les plus petits (…) mêmes des autorités doivent subir les foudres de la loi.
Le préfet Olivier Bassiva, 46 ans, a reconnu la plupart des faits, affirmant qu’il avait agi de manière exceptionnelle en vue d’une réception à laquelle devait assister le président de la République et qu’il ne faisait que poursuivre des pratiques anciennes.
J’ai mal apprécié. J’ai pensé qu’en période exceptionnelle on peut faire fi des dispositions légales (…) J’ai pensé, peut être maladroitement que je pouvais initier des parties de chasse, a-t-il dit.
L’avocat du préfet, Me David Foumane, a resitué les événements dans le contexte gabonais, soulignant que le braconnage était une pratique courante et acceptée. On ne peut pas rouler sans trouver du gibier accroché aux branches (sur le bord de la route, les automobilistes s’arrêtent pour l’acheter). Est-ce que je suis le seul à faire la route?.
Qu’on fasse le tour des congélateurs! Si vous devez poursuivre les chasseurs, vous aurez des audiences similaires toutes les semaines!, a lancé le prefet, n’hésitant pas à mettre les pieds dans le plat : L’ancien président de notre pays (Omar Bongo), pour faire plaisir à Chirac et Sarkozy, il prenait l’hélicoptère et tirait sur des buffles dans des réserves, des zones totalement protégées! Tout le peuple gabonais le sait !.
Le président du tribunal Sylvain Lendira n’a pas apprécié, contrairement aux personnes présentes dans la salle qui ont salué l’intervention par des cris et des rires.
Le tribunal rendra sa décision le 6 décembre.



