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Gabon bleu : des couacs dès le berceau

Le programme Gabon bleu que certains présentent comme le 4e pilier de «L’avenir en confiance» pose déjà des problèmes avec ses ministères partenaires. Certains fonctionnaires ont déjà écopé pour avoir voulu brandir les normes et procédures, alors que la définition de ce programme n’est toujours pas connue.

Un quatrième pilier vient de s’ajouter aux trois déjà connus du projet de société du président Ali Bongo. C’est le pilier «Gabon bleu». Initié par Lee White, secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), et l’explorateur Mike Fay, ex-sociétaire de l’ONG Wildlife Conservation Society (WCS), précédemment directeur technique de l’ANPN, ce nouveau pilier n’a pas été présenté à l’opinion nationale encore moins aux départements gouvernementaux avec lesquels il devra travailler en synergie.

On note simplement que le Conseil des ministres du 27 décembre dernier a nommé le Dr J. Michael Fay, «conseiller spécial du président de la République chargé du Programme Gabon bleu». Pour le moment aucun décret, aucun texte ne défini ce qu’est ce programme ni n’en fixe les missions et les prérogatives.

Zèle, entorse à la loi et premières victimes collatérales

D’ailleurs, le Gabon bleu a commencé à travailler bien avant l’annonce, en Conseil des ministres, de la nomination de Mike Fay. Ce qui, déjà, n’a pas manqué de poser des problèmes avec certaines administrations. Notamment avec la Direction générale de la Pêche et de l’Aquaculture où quelques fonctionnaires ont été bannis pour avoir objecté quelques désidératas du Gabon bleu. Le directeur des Pêches industrielles, celui des Affaires juridiques et de la Surveillance, celui de la Qualité et des inspections sanitaires, celui de l’Aquaculture ainsi que le directeur provincial des Pêches de l’Ogooué-Maritime, ont tous été remplacés à l’issue du dernier Conseil des ministres.

Julien Nkoghé Békalé, ministre de l’Agriculture, de l’Élevage, de la Pêche et du Développement rural, a préféré sacrifier ses collaborateurs parce que ceux-ci se sont opposés à la traduction en justice, par le programme Gabon bleu, des marins des bateaux de pêche interceptés, mi-décembre 2012, au large de Port-Gentil. Une affaire qui a laissé transparaitre le zèle et la volonté absolue des acteurs du Gabon bleu de montrer au chef de l’État que le programme est efficace.

La loi 15/2005 du 08 août 2005 portant Code des pêches et de l’aquaculture en République gabonaise codifie, en effet, la surveillance, la constatation et la répression des infractions en matière de pêche et d’aquaculture au Gabon ainsi que la procédure de liquidation des contentieux y relatifs. Mais, selon des sources proches du dossier, Mike Fay et ses acolytes de l’ANPN, se sont empressés à faire emprisonner les marins fautifs alors que la loi ne les y autorise pas. On devrait pourtant garder à l’esprit qu’en octobre 2010, l’arraisonnement et une procédure viciée contre un bateau congolais appartenant à Agimex avait fait perdre un procès à l’État gabonais qui a finalement déboursé des centaines de millions de francs CFA.

Toutefois, face à l’insistante du procureur de la République près le tribunal de première instance de Port-Gentil et des techniciens de la Direction générale de la Pêche et de l’Aquaculture à faire respecter la procédure juridique, Julien Nkoghé Békalé, qui tablait sur 250 millions de francs CFA d’amende, s’est résolu à entrer en scène, ainsi que le stipule la loi si les amendes préconisés sont supérieurs à 100 millions de francs CFA. La loi 15/2005 indique, dans ce cas là, qu’une commission soit mise en place. Ce qui a été fait et, au finish, cette commission a conclu à une amende de 60 millions de francs CFA. Ce que le ministre aurait pu déterminer, toujours au regard de la loi, sans la mise en place d’une commission. Éhonté, il s’en est pris à ses collaborateurs et, à titre de sanction, ceux-ci ont été démis de leurs fonctions à la faveur du dernier Conseil des ministres. À peine officiellement annoncé, le Gabon bleu a déjà enregistré des victimes dans l’administration.

La problématique d’une définition du Gabon Bleu

Au moment de son annonce, certains ont pensé que le programme Gabon bleu consisterait à procéder à un aménagement de la zone économique exclusive qui s’étend au-delà de la limite extérieure de la mer territoriale et sur laquelle le Gabon a la possibilité d’exercer des droits souverains en matière d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles des fonds marins, mais aussi d’en exercer d’autres à des fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents marins.

D’autres ont pensé qu’il était question d’une refonte du secteur, à l’exemple du Sénégal où un super ministère de l’Économie maritime a été créé. Celui-ci englobe les secteurs traditionnels de la pêche, et de l’aquaculture, auxquels s’ajoutent les industries de transformation de la pêche, le trafic maritime international, ainsi que la gestion et l’exploitation des fonds marins.

Il n’en est visiblement rien. Selon les sources du ministère gabonais en charge de la Pêche, qui oppose sa logique d’exploitation à celle de conservation du Gabon bleu, ce programme risque de réduire considérablement les zones de pêche sur le littoral gabonais et, par conséquent, le ravitaillement du marché intérieur en produits de pêche. Il est en effet préconisé de créer 20 % de zones maritimes protégées sur les 885 km (dernier chiffre) de côtes dont dispose le pays sur sa façade Atlantique. On note par exemple qu’il est envisagé de créer autour de Wonga-Wongué, qui est une réserve terrestre, une zone tampon de 5 km sur l’océan. Ce qui y empêchera résolument la pêche. Déjà, les dispositions légales interdisent la pêche dans un rayon de 5 km autour des exploitations pétrolières. Or, le Gabon envisage le développement de 42 blocs pétroliers en offshore profond et ultra profond. Couplé à la zone tampon de 5 km autour de chacun de ces blocs, il ne restera pratiquement plus de zones pour la pêche traditionnelle. Seule la pêche industrielle en haute mer, destinée aux marchés européen et asiatique, pourra alors se poursuivre.

Certaines sources bien au parfum indiquent que le Gabon bleu consistera principalement à développer un tourisme aquatique sur la façade Atlantique du pays, à l’instar du projet touristique d’Aman Resorts dans le département du Komo-Océan et autres Clubs Med annoncés qui réduiront tout autant les zones de pêche artisanales.

Si les choses se passent telles qu’actuellement décrites ou annoncées, le Gabon bleu ne sera donc qu’un prédateur du secteur de la pêche nationale, parent pauvre de la culture de rente du pays, alors que son potentiel démontre qu’il pourrait fortement contribuer au Produit intérieur brut national. D’ailleurs, daté du 9 janvier 2013, un communiqué du ministère en charge de la Pêche a indiqué que «dans le cadre du programme «Gabon bleu», une suspension temporaire de la délivrance des licences et des autorisations de pêche est en vigueur depuis le 1er janvier 2013 aux fins de : repréciser les conditions et les critères d’accès aux ressources halieutiques ; repréciser les zones affectées aux activités de pêche», etc. etc. Chaud devant !

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