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2025 : l’émergence peut-être, mais sans éléphants

2.-Turkalo-2008-dead-elephant-1medLes éléphants de forêts d’Afrique auront disparu en 2025 si rien de véritablement efficace n’est entrepris de toute urgence. Une étude publiée dans le journal en ligne Plos One montre de manière ahurissante qu’à travers leur aire de répartition en Afrique Centrale, 62% de tous les éléphants de forêts ont été abattus pour leur ivoire au cours des dix dernières années.

«L’analyse confirme ce que les défenseurs de la nature craignaient : une tendance rapide vers l’extinction des éléphant de forêt – potentiellement dans la prochaine décennie», indique le Dr. Samantha Strindberg de Wildlife Conservation Society (WCS), l’un des auteurs principaux de l’étude. «Sauver l’espèce requiert un effort mondialement coordonné depuis les pays où vivent les éléphants, tout au long des routes de contrebande de l’ivoire, jusqu’à la destination finale en Extrême Orient. Nous n’avons plus beaucoup de temps avant que les éléphants n’aient disparu» ajoute l’autre auteur principal, le Dr. Fiona Maisels, également de WCS.

L’étude, qui est également la plus vaste conduite à ce jour sur cette espèce, intègre les travaux de plus de 60 scientifiques entre 2002 et 2011 et repose sur un immense effort consenti par les techniciens de terrain nationaux qui ont consacré 91 600 hommes par jours au suivi des éléphants dans 5 pays (Cameroun, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Gabon et République du Congo), marchant 13 000 kilomètres pour enregistrer les 11 000 échantillons utilisés par cette analyse.

Un tiers des forêts où vivaient ces animaux leur sont désormais interdites parce que beaucoup trop dangereuses. Co-auteur de l’article, le Dr. John Hart de la Fondation Lukuru ajoute : «Historiquement, les éléphants occupaient toute les forêts de la région sur plus de 2 millions de kilomètres carrés, mais maintenant ils se recroquevillent dans moins du quart de cette zone. Bien que des forêts persistent, elles sont vides d’éléphants, démontrant que ce n’est pas un problème de dégradation de l’habitat. C’est presqu’entièrement dû au braconnage.» Les récentes études en RDC ont montré l’effondrement des éléphants dans la Réserve de Faune des Okapi, qui était considérée comme le dernier bastion de l’espèce dans la région.

Le Professeur Lee White, secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux du Gabon, explique : «Une forêt tropicale sans éléphants est un endroit stérile. Les éléphants lui donnent vie, ils maintiennent les clairières en forêt et ouvrent les pistes utilisées par les autres animaux, ils dispersent les graines de bien des arbres des forêts pluviales – à grande échelle, les éléphants sont les jardiniers de la forêt. Leurs barrissements qui retentissent à travers les arbres nous rappellent la grandeur de la nature originelle. Si nous ne redressons pas la situation rapidement, l’éléphant d’Afrique est condamné. Ces nouveaux résultats illustrent crûment à quel point la situation est devenue dramatique. Notre action dans la prochaine décennie déterminera si cette espèce emblématique survivra.»

Les recherches menées par le programme Sites-Mike ont montré que l’augmentation du braconnage à travers l’Afrique depuis 2006 est fortement corrélée à la croissance de la demande des consommateurs d’Extrême Orient ; le niveau du braconnage est également lié à la gouvernance au niveau national et à la pauvreté au niveau local. Tout cela a abouti à une escalade des massacres d’éléphants dans des zones auparavant réputées sans dangers.

«Nous avons mené des enquêtes dans les forêts du Gabon depuis plus de 10 ans et au fur et à mesure des années, nous avons constaté un nombre croissant de carcasses d’éléphants» expliquent Rostand Aba’a, de l’Agence nationale des parcs nationaux du Gabon, et Marc Ella Akou, du WWF Gabon.

Et indéniablement, la volonté réelle de lutter contre ce trafic suicidaire ne semble pas aussi forte sur le terrain que dans les discours. La réserve de Minkébé, dans le Haut-Ivindo, zone transfrontalière avec le Cameroun, est sous le joug d’un réseau de braconniers très organisé, a révélé le rapport Tri- nationale Dja-Odzala-Minkébé (Tridom) de la mission binationale Gabon-Congo, menée avec la collaboration du programme DFC/WWF-Minkébé. Selon le chef de brigade de faune de Minkébé-Est, le commandant Jean Samuel Edzang Obame, à la tête de la mission Tridom, qui visait à suivre les activités anthropiques qui sont associées par fois au grand trafic d’ivoires dans ce secteur, les conclusions sont alarmantes : «Les pygmées Bakas en provenance de Djoum, au Cameroun, seraient les principaux auteurs commandités en majorité par des hommes d’affaires basés au Cameroun, mais aussi des autochtones, côté gabonais qui pratiquent la chasse dans le parc de Minkébé.» Pourtant, le site de Minkébé, autrefois envahi par les orpailleurs, a été évacué en juin 2011 afin de laisser la place à une entreprise minière concessionnaire. D’après le gouvernement «le site de Minkébé est fermé pour tous, en dehors des militaires qui y ont pris leurs quartiers pour veiller à la sécurité du site». On ne peut que s’étonner de l’ampleur du braconnage dans cette zone, sachant que les militaires sur place quadrillent le terrain afin d’empêcher tout retour des chercheurs d’or. Comment font-ils pour ne pas repérer alors les convois de 4×4 transportant des hommes armés jusqu’aux dents et des dizaines de défenses d’éléphants ? De fait, de nombreux témoignages assurent que ces réseaux de braconniers paient pour ne pas être dérangés. Et il est difficile de croire que le gouvernement ignore cet état de fait.

Aujourd’hui, au Gabon, un trafiquant d’ivoire pris sur le fait risque «de 3 à 6 mois de prison avec des amendes allant de 100 000 à 10 millions de francs» d’après l’ONG Conservation Justice. Des peines négligeables au regard de ce qu’il gagne chaque jour avec la vente de l’ivoire et qui ne peuvent pas être dissuasives. D’autant que daprès un militant qui travaille sur le terrain, «la chaîne de corruption inclus trop de responsables, trop hauts placés, pour pouvoir être dénoncée sans risques par les ONG. Seul le gouvernement et la présidence pourraient sans doute enrayer le processus en appliquant de véritables sanctions et en formant un corps d’éco-gardes enquêteurs, armés et correctement payés pour ne pas être soumis à la tentation. Mais les pressions et les intérêts sont si importants que cela demanderait un courage politique qui, pour le moment, fait défaut. Alors ils se contentent de faire des discours et des actions symboliques en direction de l’opinion internationale». Pendant ce temps, les éléphants sont abattus et dépecés en masse, au vu et au su de ceux qui sont théoriquement là pour lutter contre le trafic.

Mais si le trafic s’amplifie ainsi, c’est aussi que la demande d’ivoire explose. Pour tenter d’enrayer le massacre, il est également essentiel d’améliorer le contrôle des importations et des ventes de trophées fauniques dans les pays destinataires ou de transit de l’ivoire illégal, en particulier en Asie. Les nations consommatrices, avec la Communauté internationale, n’ont d’autres choix que de massivement investir dans la sensibilisation et l’éducation des consommateurs sur les conséquences du commerce d’ivoire. Le Dr George Wittemyer, de Save the Elephants et de l’Université d’État du Colorado, déclare: «Cette étude fournit la preuve irréfutable de la disparition rapide de l’une des espèces les plus charismatiques et intelligentes de la Planète. Le monde doit se réveiller pour enrailler cette destruction provoquée par une consommation d’apparat.»

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