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Lebanon business : petite ethnographie des Libanais du Gabon

LibanaisLes Libanais sont une minorité tellement visible qu’on pourrait penser qu’ils sont dans tous les secteurs de l’économie gabonaise. Ils ont débuté par le commerce de détail il y a une cinquantaine d’années. Puis, ils se sont intéressés à la vente de véhicules importés notamment de Belgique. Aujourd’hui, plus aucun secteur ne leur échappe. Faut-il s’en inquiéter ou s’en réjouir ?

Si on doit reconnaître qu’ils cultivent le cloisonnement communautaire et que nombre d’entre eux sont magouilleurs, «m’as-tu-vu» ou arrivistes, les Libanais n’en sont pas moins de formidables hommes d’affaires et constituent l’une des communautés étrangères les plus riches du Gabon.

Au Gabon, la communauté libanaise a longtemps eu entre 2 500 et 4000 membres. Ce chiffre tournerait autour de 5000 depuis l’avènement du conflit ivoirien qui a obligé bon nombre de Libanais de Côte-d’Ivoire à immigrer au Gabon. Si bien qu’on parle d’une nouvelle vague libanaise et d’une démarcation, pas toujours perceptible, entre les anciens et les nouveaux Libanais du Gabon. Si la vague arrivée dans les années 70 exerçait essentiellement dans la distribution et se montrait quelque peu discrète, hormis le tapage nocturne de quelques enfants en quête de reconnaissance, à l’instar de Ali Bitar qui a défrayé la chronique mondaine au milieu des années 80, l’arrivée de la vague dite ivoirienne correspond en même temps à une diversification des créneaux de l’ancienne vague et à une évolution du mode de vie de la communauté en général.

Généralement, ils sont titulaires de deux passeports, celui de leur pays d’origine et celui de leur pays d’adoption, le Gabon. Beaucoup d’entre eux portent même des noms gabonais sur leur passeport gabonais, tandis que sur le passeport libanais, leur nom originel reste tel quel. Ces hommes et femmes à double identité arborent fièrement leur gabonité.

Présente au Gabon depuis les premières années post-Indépendance, la communauté libanaise au Gabon est essentiellement composée de catholiques. Ils se prénomment Simon, Jean, Thomas, … On les trouve dans les principales villes du pays. Leur objectif est de faire des affaires et y réussir, fût-il par tous les moyens, même les moins orthodoxes.

Un journaliste gabonais Arnaud Tchombo, de la Nouvelle République, note que «dans les segments de la distribution où les Libanais ont remplacé les Français, les produits sont de moins bonne qualité, quand ils ne frisent pas la pacotille. On ne peut pas y trouver une chaussure de bonne facture. Le simili cuir est devenu la norme et Abibas est éhontément vendu à la place d’Adidas. Le journal La Lowé a fait état en 2003 de sept containers de viande avariée commandés par un commerçant Libanais et qui avait réussi à les sortir du port d’Owendo malgré l’opposition des agents du service d’hygiène.» Le même Arnaud Tchombo renchért : «Les Libanais ont un bon moment grignoté aux entreprises occidentales, Sobéa, Socoba, Dragages et autres, des parts de marché dans le secteur du BTP. Si la concurrence est gage d’émulation, avec les Libanais, ce secteur a inventé les magouilles les plus criardes avec un non-respect des normes en termes de résistance des matériaux, une architecture minimaliste et expéditive. Regardez la zone du carrefour Léon Mba : en guise d’édifices il n’y a que des cages à lapins.» Toutes ces déclarations illustrent le malaise qui prévaut parfois dans les rapports entre Libanais et Gabonais. Ce, en dépit des réalisations louables et de la contribution de cette communauté au développement du pays.

S’ils construisent également de beaux immeubles, à l’exemple des « Floria », en face de l’ancien hôtel Dialogue, et de bien d’autres beaux bâtiments du centre ville, peu de Gabonais le savent ou en tiennent compte. On retient surtout des Libanais du Gabon que les frasques et les méfaits. La presse révélait encore il y a quelque temps les circuits douteux pris par certains commerçants libanais pour sortir des ports de Libreville et Port-Gentil, leurs marchandises importées de l’étranger. A bien des égards, ils ont des complicités avec des douaniers notoirement sulfureux. Qui ignore que pour un douanier, l’affectation au port ou à l’aéroport est un «don du ciel» ?

Vente de véhicules, parfumeries, pharmacies, boulangeries, salons de thé,…

Les Libanais sont passés maîtres dans la vente des véhicules importés qu’ils font venir d’Europe, notamment de Belgique, d’Allemagne, de Hollande et de France. Quatre véhicules d’occasion sur cinq achetés à Libreville le sont chez des revendeurs libanais. Ils ont aussi depuis longtemps exploré le secteur de la vente des médicaments et contrôlent ainsi plusieurs pharmacies. Dans la seule ville de Libreville, en dehors des pharmacies Gassita de Glass, de La Poste, des Forestiers, de Neuf-Etages, de Nkembo, et de trois ou quatre autres, ainsi que des pharmacies de garde, la communauté libanaise contrôle tout le reste, souvent à travers des prête-noms ; ils sont aussi présents dans la parfumerie dont ils contrôlent près de la totalité des officines de Libreville. Leur présence est également remarquable dans la boulangerie, la pâtisserie, et, en dehors de Pélisson, ils contrôlent la plupart des salons de thé huppés de Libreville.

Concurrence mauritanienne dans le commerce de détail

Cette volonté de contrôler tous les secteurs d’activités commerciales ne leur fait pas que des amis. Devant la férocité en affaires des ressortissants du Liban, plusieurs Européens ont du fermer boutique et se sont soit réorientés dans d’autres secteurs moins porteurs financièrement, soit sont partis sous d’autres cieux. La seule communauté qui arrive à les affronter est la mauritanienne. Ces Nord-Africains sont présents à Libreville et dans l’arrière-pays. Toutefois, la concurrence libano-mauritanienne ne se limite qu’au secteur de l’alimentation générale et au niveau des supermarchés. A cause de cette concurrence nord-africaine, beaucoup de Libanais ont recentré leur activité sur Libreville. Un seul secteur de la distribution échappe aux ressortissants du pays des cèdres, celui du carburant au Gabon.

Des emplois précaires à la disposition des Gabonais et des autres Africains

S’il est reconnu qu’ils créent des emplois, il faut dire qu’il s’agit essentiellement d’emplois précaires pour les Gabonais et d’autres Africains, avec des salaires très bas. Avec le même profil, un ressortissant libanais gagnera toujours plus qu’un Gabonais.

Selon diverses sources, un Libanais peut gagner jusqu’à quatre fois plus qu’un Gabonais pour la même tâche. Le salaire sera par exemple de 125.000 francs CFA pour le Gabonais et de 500.000 francs CFA pour le Libanais. En plus, la solidarité libanaise veut que l’on apporte aux compatriotes nouvellement arrivés au Gabon des commodités spécifiques pour l’aider à s’installer «dignement». En tout cas, les Libanais font les affaires pour s’entraider et pour permettre à leurs seuls compatriotes de bien s’adapter au Gabon.

Les Libanais sont également pointés du doigt pour leur repli communautaire. On ne voit pas leurs enfants dans les lycées où vont les Gabonais et ces derniers sont exaspérés par cette non intégration des Libanais dans la société gabonaise. S’il existe des liaisons sentimentales entre Gabonais et Libanais du Gabon, celles-ci seraient à sens unique. En ceci que seuls les Libanais du genre masculin sortent avec des Gabonaises, l’inverse étant du jamais vu, sauf si la Libanaise est métisse. Laure Patricia Manévy, journaliste, note avec véhémence : «Les Françaises, filles de nos anciens colonisateurs, ont des échanges charnels avec les Gabonais. Mais ce type de relations est inexistant avec les Libanaises.»

Ils ne s’intègrent donc pas. Mais d’année en année, il en arrive des centaines pour rejoindre les circuits de leurs compatriotes déjà installés. Un agent du CEDOC-DGDI révèle que c’est la communauté qui paie le plus les frais relatifs aux demandes de visa d’entrée au Gabon. Lorsqu’ils arrivent, ils se mettent d’abord à la charge de leurs «frères» pendant quelques années, avant de se mettre à leur propre compte. Avec l’arrivée de ces centaines de Libanais, il est plausible de penser que d’autres secteurs d’activités seront «domptés».

Qui tient l’économie tient le pays

Dans tous les secteurs où ils s’impliquent, nombreux d’entre eux n’hésitent pas à arroser tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir et il est souvent raconté qu’ils sont les maîtres des marchés de gré à gré ou alors qu’ils profitent des failles du système pour obtenir quelques avantages. Mais, ceci n’est pas l’apanage des seuls Libanais.

Les capitaux libanais ne se retrouvent pas encore dans les industries extractives (mines, pétrole) ou encore dans les services à forte technicité ou savoir-faire (assurances, banques, télécommunication). Mais lorsque la communauté libanaise aura acquis des secteurs plus importants dans lesquels ils auront le monopole, ils commenceront à contrôler l’économie du pays. Peut-être le ministère de l’Economie a-t-il commencé à réfléchir à une loi anti-monopole, car qui tient l’économie tient le pays. Et en plus, ils aiment les Gabonaises. Cela les amène à user du harcèlement sexuel et du droit de cuissage auprès de jeunes filles nouvellement employées et obligées de s’offrir…

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