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Les émeutes de Cocotiers, un an après

CVR150812Le 15 août 2012, quatre jours après l’annonce par André Mba Obame de l’organisation d’un «grand meeting», à l’occasion de son retour au Gabon après un long séjour médical à l’étranger, les quartiers Nkembo et cocotiers ont été le théâtre de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les partisans l’Union nationale (UN), formation politique dissoute et passée dans la clandestinité.

Le meeting que devait tenir André Mba Obame le mercredi 15 août 2012 n’avait finalement pas eu lieu. La journée, débutée à 6 heures par la dispersion, à coups de matraques et de grenades lacrymogènes, des militants venus monter l’estrade, avait été ponctuée d’affrontements et de courses-poursuites sporadiques autour du quartier Cocotiers où le rassemblement avait été annoncé.

Autour de cet événement ayant marqué la vie de certaines personnes, une association s’est créée, le «Collectif des Victimes de la Répression du 15 août 2012» (C.V.R. 150812), qui a donné, le 15 août 2013 à Libreville, un point presse visant un remémoration de cette date, mais aussi à rappeler à l’opinion nationale et internationale les «bavures et autres manquements ayant conduit arbitrairement à l’arrestation et à la condamnation de nombreuses personnes».

Reconnaissant que la police nationale avait également été déployée pour «garantir la sécurité des personnes et des biens», Brice Ntsong Mve, le porte-parole de ce collectif, a déclaré qu’ «il a été quand même enregistré sur le terrain des scènes d’une violence rare qui ont occasionné de nombreux cas de blessures graves sur la tête des personnes civiles non armées, plusieurs évanouissements à la suite de saignements prolongés, de multiples hématomes, contusions et fractures, une femme atteinte par balles aux mollets». Durant une bonne partie de cette journée du 15 août 2012, l’électricité avait été coupée dans le triangle Cocotiers – Mairie de Libreville – Ancienne Sobraga où se trouve le siège de l’UN.

Dès courses-poursuites s’étaient alors engagées entre les forces de l’ordre et les militants venus assister à ce meeting. Le résultat, avec la riposte des manifestants, est que des voitures ont été brûlées, des biens publics et privés saccagés, avant que des tirs de grenades lacrymogènes ou assourdissantes ne viennent plonger tout le monde dans la psychose. Des personnes se sont retrouvées aux arrêts au terme de ce grabuge.

«Prenant prétexte sur ces malheureux évènements, auxquels les éléments des forces de police ont pris une belle part, allant jusqu’à investir les domiciles privés, et au lieu de rechercher les auteurs des actes de violence constatés, les autorités judiciaires ont entrepris d’organiser un procès aux forts relents politiques à l’encontre de paisibles citoyens que nous sommes, d’origines et de catégories socioprofessionnelles diverses, appréhendés sans ménagement par les forces de l’ordre, chacun dans une situation particulière et à différents lieux», dénonce aujourd’hui le C.V.R. 150812.

Les personnes arrêtées ont été traduites en justice à la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Libreville pour trouble à l’ordre public. Le «Collectif des Victimes de la Répression du 15 août 2012» fustige le fait que, le 21 août 2012, une vingtaine de co-prévenus n’avaient pas été auditionnés par le procureur, parce qu’ils avaient assurément bénéficié d’appuis et interventions. Toujours est-il que le C.V.R. 150812 continue de dénoncer la procédure pénale qui n’aurait pas été respectée, de même que leurs droits en ce qui concerne les délais de garde-à-vue. Il parle également de la «violation flagrante des dispositions des articles 79, 80, 81 et 82 du code pénale, qui décrivent clairement les circonstances constitutives d’un trouble à l’ordre public et dont le scénario ne correspond aucunement aux interpellations effectuées par les policiers ce 15 août».

«Nous constatons que l’intention manifeste des autorités judiciaires dans ce fameux procès qui se voulait «exemplaire», aux dires du procureur de la République, était de nous laisser croupir ad vitam aeternam dans les cellules de la prison centrale de Libreville. Nous en voulons pour preuve, le refus du parquet, près le tribunal de première instance de Libreville, de transmettre dans les délais le dossier de l’appel que nous avions interjeté, en vue de faire infirmer notre condamnation en première instance. Ce faisant, le parquet a délibérément violé les dispositions de l’article 404 du code de procédure pénale qui établit clairement le délai légal et maximum qui sépare le jugement en première instance de celui qui suit en cour d’appel. Ce délai ayant été largement dépassé dans notre affaire, nous nous sommes retrouvés sur le fait d’une détention arbitraire», expliquent le collectif des victimes.

Quoi qu’il en soit, après les démarches des avocats de ces personnes, le procès en appel s’est tenu finalement le 21 Février 2013 et a débouché, le 28 février 2013, sur la condamnation des prétendus émeutiers à douze (12) mois de prison dont six (06) fermes. Par le fait du temps mis en détention, les derniers de ce groupe ont été libérés le 1er mars 2013. Mais ils regrettent et dénoncent «avec la plus grande énergie», la disparition de leurs effets personnels, «notamment une trentaine de téléphones portables, toutes marques confondues, et une paire de verres correcteurs, qui ont été confisquées par les policiers, pendant notre garde-à-vue, remises au détachement de jeunes recrues de la gendarmerie nationale, sous les ordres de l’adjudant Kouna, alors instructeur à l’école de gendarmerie d’Owendo».

A ce qui semble, relève le C.V.R. 150812, après les avoir transféré du camp de la FOPI vers le bureau du procureur de la République, il leur avait été confirmé que leurs effets avaient été déposés au parquet, pour nécessité d’enquête. Or, «ils n’ont jamais été présentés en audiences comme pièces à conviction d’un complot qui n’a jamais existé. Nous avons tout le mal du monde à récupérer ces effets, depuis notre sortie de prison», lâchent-ils.

Au final le Collectif a recensé «36 professionnels qui ont perdu leurs emplois, un enseignant n’ayant pu satisfaire à son stage vertical, 4 étudiants qui n’ont pu finaliser leurs diplômes, dont un chercheur qui, du fait de son incarcération, n’a pu se rendre en France pour faire le point de ces travaux et préparer la soutenance de sa thèse de doctorat en sciences économiques, une dizaine de cas de maladies déclenchées à la suite de mauvais traitements et du fait des conditions d’hygiène déplorables en milieu carcéral (infection pulmonaire, hépatite B, fièvre typhoïde)».

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