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Le journaliste gabonais en question

presse-dangereuseAprès le débat du lundi 19 août 2013 sur les antennes de Gabon Télévision, auquel participaient trois membres du cabinet du chef de l’Etat, deux membres du gouvernement et trois journalistes, certaines appréciations et déclarations, sur ce plateau, invitent à se questionner réellement sur le rôle ou sur le devoir du journaliste gabonais.

Dans l’un de ses exposés, Ana Mercedes Gomez, directrice du journal colombien El Colombiano déclarait : «lorsqu’il y a corruption, que les actions du gouvernement manquent de transparence et que les autorités ou des particuliers cherchent à dissimuler des événement pour tenter d’échapper à leurs responsabilités, la presse a un rôle à jouer, si elle est soucieuse d’œuvrer pour le bien de la communauté et de se mettre à son service».

«Média», «milieu», transmission et circulation de l’information

Il faut par ailleurs préciser que l’expression «média» est un mot latin, pluriel de medium signifiant (milieu, intermédiaire). Ce, pour souligner le rôle des médias au sein d’une nation, d’une communauté ou d’un pays. Ils jouent un rôle d’intermédiation, ou encore de relai, entre un point A et un point B. Ces points, dans le cas qui nous concerne, sont le Peuple gabonais, l’Exécutif dans son ensemble ou les personnalités publiques.

Le rôle du journaliste au sein d’un média est dont de relayer une information qu’elle vienne du point A vers le point B ou du point B vers le A. Et comme le journaliste est comparable à un enquêteur de la police, il est clair qu’il est mieux informé que le politicien qui se fie la plus part du temps aux fiches que lui rendent ses services de renseignement sans forcément décrire toute la réalité du terrain. «Rares sont les politiciens qui ne sont pas déconnectés de la réalité», indiquait un étudiant se plaignant de leur conditions de vie au campus de l’Université Omar-Bongo.

Le Gabono-pessimisme des rédactions

Le rôle des mass-médias est donc bien de véhiculer des idées et des idéaux qui en valent la peine et contribuent à bâtir un avenir meilleur. Et au regard de l’émission à laquelle ont participé les ministres Magloire Ngambia de la Promotion des Investissements, des Travaux Publics, des Transports, de l’Habitat et du Tourisme, chargé de l’Aménagement du Territoire, et Etienne Ngoubou du Pétrole, de l’Energie et des Ressources Hydrauliques, accompagnés par trois membres du cabinet du chef de l’Etat dont le Porte-parole de la Présidence de la République gabonaise et Conseiller du chef de l’Etat, Alain-Claude Billie By Nzé, Serge Mabiala, directeur de cabinet adjoint du président, et Liban Soleman, le chef de cabinet du chef de l’Etat, il est clair que ce rôle n’est pas intégré par certains politiques.

Autrement dit, si l’on se réfère à certaines déclarations faites lors de cette émission d’ailleurs suivie par le pays entier sinon par le monde entier avec la magie du satellite, on a l’impression que le journaliste gabonais devrait occulter les mauvais moments de l’existence du peuple gabonais, taire les imperfections et autres manquement de certains dirigeants des structures contribuant au développement du pays. Ici l’on invoque une mauvaise image du Gabon renvoyée à l’extérieur et qui pourrait décourager de potentiels investisseurs.

En effet, sur de nombreux moments de l’émission, qui n’était d’ailleurs pas un débat puisque le rôle des interviewers est, comme dans la maïeutique socratique, de faire accoucher des idées, Alain-Claude Billie By Nzé a énormément incriminé la presse gabonaise, qui ne sait pas selon lui, transmettre ce qui se fait. Ce dont tous les spectateurs de la télévision produisant l’émission ont pu rire : Gabon Télévision, taxée de «média aux ordres», ayant toujours diffusé la «vérité» qui lui est donnée à véhiculer et la presse Gabono-pessimiste n’ayant, toutes choses égales par ailleurs, ni l’impact de cette chaine visible partout dans le Gabon et le monde, ni celui des quotidiens locaux. Mais aide-t-on vraiment à faire avancer les choses lorsqu’on ne traduit pas la vision et les idées du peuple ? La presse ne doit-elle pas titiller, voire aiguillonner les décideurs pour en obtenir plus d’efficacité ?

Les chiens de garde

Au regard de ce qui précède, on a bien peur de finalement donner raison à Serge Halimi, un écrivain et journaliste français, qui écrivait dans son ouvrage, «Les nouveaux chiens de garde», paru en 2005 : «Des médias de plus en plus concentrés, des journalistes de plus en plus dociles, une information de plus en plus médiocre. Longtemps, le désir de transformation sociale continuera de buter sur cet obstacle». L’on aurait peut-être voulu de la docilité et une information médiocre pour se faire respecter, au risque du mépris.

Les uns et les autres se souviennent certainement de cet épisode de l’histoire américaine de 1972. «Les Hommes du président» traduit de l’anglais «All the President’s Men» et adapté au cinéma présente une enquête menée par Carl Bernstein et Bob Woodward, deux reporters du Washington Post, qui révéla au grand jour le scandale du Watergate qui aboutit à la démission du président Richard Nixon. C’est n’est qu’un exemple ! Ces deux-là ne faisaient certainement pas du journalisme, tout comme toute la presse économique mondiale qui lance des alertes aux gouvernants avec des chiffres pouvant prêter au pessimisme mais qui permettent bien souvent d’anticiper, de corriger ou simplement de redresser le tir.

Même si on tend au Gabon à renier son rôle au journaliste, on ne peut pas oblitérer le fait qu’il est «la conscience morale de l’opinion publique et de la société civile. Il expose des faits susceptibles d’aider le public à accéder à la vérité. Il contraint ainsi les autorités politiques à la transparence. N’oublions jamais que la raison d’être du journaliste est la quête de la vérité. Il est en droit de dénoncer mais doit disposer de preuves irréfutables : c’est ainsi, notamment, qu’il aide à construire ou à renforcer la démocratie», tel que le souligne madame Gomez.

Les médias sont garants d’un droit fondamental, le droit à l’information, qu’il convient d’exercer en toute liberté mais avec responsabilité. Le droit à l’information n’est pas l’apanage des autorités politiques. Il n’appartient pas non plus aux propriétaires des médias, pas plus qu’il n’est le monopole des journalistes. C’est la communauté qui est détentrice du droit d’information : elle a le droit d’informer comme d’être informée.

Et à l’endroit des journalistes Ana Mercedes Gomez conclut : «Nous, journalistes, devons être au service de la démocratie, de la vérité, de la quête du bien commun pour le plus grand nombre. Liberté d’expression ne signifie pas liberté de dire et d’écrire tout ce qui nous passe par la tête, mais d’exprimer, avec responsabilité, ce qui peut contribuer au bien de nos communautés, voire de l’humanité». Et si Alain-Claude Billie By Nzé avait raison ?

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