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Des trous dans la voilure diplomatique du Gabon

voitures-luxeDes diplomates coincés à l’étranger, des ambassades gérées par des seconds couteaux, des chefs de mission diplomatique sans véhicule de commandement, des arriérés de loyer dans certains pays, un siège en décrépitude à Libreville et dont les fournisseurs et entreprises se méfient, le ministère des Affaires étrangères n’est vraiment pas à l’image de la diplomatie dite émergente et d’un pays dont le président voyage énormément.

Jean-Robert Goulongana, ambassadeur du Gabon à Pékin (Chine), 61 ans, appelé à faire valoir ses droits à la retraite, est toujours présent dans la capitale chinoise. Simon Wilfrid Ntoutoume Emane, précédemment chef de la mission diplomatique gabonaise à Madrid (Espagne), et Noël Nelson Messone, précédemment Représentant permanent du Gabon aux Nations-Unies, ont tous deux été nommés comme membres du gouvernement. Aucun des trois n’a été remplacé jusqu’à ce jour. Pourtant, les relations avec l’ONU et la coopération avec la Chine et, dans une mesure non négligeable, avec l’Espagne, mériteraient que ces postes d’ambassadeur soient rapidement pourvus.

Surtout se hâter lentement

Il est un fait : Emmanuel Issozet Ngondet est connu pour aimer se hâter lentement. Depuis son arrivée à l’Hôtel des Affaires étrangères, le chef de la diplomatie gabonaise a démontré tout son talent… à ne jamais aller vite, même quand cela s’avère nécessaire. L’homme semble n’en avoir cure, à en croire un ambassadeur qui rapporte que le ministre des Affaires étrangères raconte, à qui veut l’entendre, qu’il est jugé sur le rayonnement international du président Ali Bongo et pas sur les doléances de quelques fonctionnaires.

Il est vrai que, dans les ambassades citées plus haut, et ailleurs, les Chargés d’Affaires s’occupent de l’expédition des affaires courantes, mais il est toujours mieux, pour demeurer un Etat respecté dans le monde, de désigner de nouveaux ambassadeurs, et ce ne sont pas les compétences qui manquent dans ce ministère et dans l’administration en général. Imagine-t-on, par exemple, un pays comme la France rester sans ambassadeur au Gabon des mois durant et laisser la gestion de la mission diplomatique à un Chargé d’Affaires ?

Mais, outre les trois représentations diplomatiques sus citées, d’autres missions manquent depuis des mois, voire des années, de plénipotentiaires. C’est le cas de l’ambassade du Gabon en Inde, dont l’ancien titulaire a été nommé à Abuja (Nigeria) mais reste à New Delhi faute d’avoir reçu son titre de transport. C’est le cas de Sao Tomé et Principe où le précédent chef de mission a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Il devait être remplacé par celui d’Abuja qui est également privé de moyens de son déménagement. La liste des pays où le 1er conseiller fait office de chargé d’affaires ad interim est cependant loin d’être bouclée ici et l’on cite notamment l’Angola, l’Egypte ou la RDC.

Emmanuel Issozet Ngondet, ministre gabonais des Affaires étrangères. © D.R.
Emmanuel Issozet Ngondet, ministre gabonais des Affaires étrangères. © D.R.
Déception quant au ministre et laxisme de la DGB

En fait, la nomination d’Emmanuel Issozet Ngondet, diplomate de formation et de carrière, au poste de ministre des Affaires étrangères en février 2012 avait suscité beaucoup d’espoir, pas seulement par esprit de corporatisme, mais parce qu’il était perçu comme une personnalité au faîte des problèmes de ce département ministériel. Mais, dans la «maison de verre» de la Vallée Sainte-Marie, c’est plutôt la déception. Nommés il y a près d’un an pour certains et plus pour certains, des diplomates sont bloqués dans leur ancien pays d’accueil. La raison, ainsi qu’on l’aura compris avec les exemples précités, n’étant autre que le manque de fonds pour leur installation. Du coup, la présentation de leurs lettres de créance est continuellement reportée. Les plénipotentiaires se demandent où est passé l’argent destiné à leur déplacement et à leur installation.

De même, le texte sur la revalorisation des conditions de vie des diplomates gabonais n’a toujours pas abouti. Devant ce bilan pour le moins mitigé, peu d’agents du ministère ne pensaient pas qu’il serait reconduit à son poste lors du remaniement de la fin du mois de janvier dernier.

D’autres problèmes plus anciens existent, et Emmanuel Issozet Ngondet n’a pas encore pu les résoudre. On note, par exemple, qu’une dizaine d’ambassadeurs ne disposent toujours pas de véhicules de commandement. Mais ce n’est pas toujours du fait d’un certain laxisme du ministre des Affaires étrangères. Pour mémoire, en 2012, à la suite de la conférence des ambassadeurs, Yves-Fernand Manfoumbi, le directeur général du Budget, avait promis pour 2013 une standardisation des véhicules de commandement pour toutes les missions diplomatiques du Gabon à travers le monde. La même année, la Direction générale du Budget (DGB) a commis des émissaires à travers le monde en vue de vérifier les dires des diplomates qui ont été, malgré tout, convoqués par la suite à Libreville pour les mêmes raisons. Mais rien n’y fait : la situation n’a pas changé depuis lors.

Toujours en attente d’un geste de la DGB, une dizaine d’ambassades à travers le monde dont ceux du Brésil et du Congo-Brazzaville, seraient menacés d’âtres mises à la rue. Les arriérés de loyer et autres frais pour réfection des bâtiments se chiffreraient, selon les sources diplomatiques, un peu plus d’un milliard de francs de CFA.

Maison de verre déliquescente

Alors que les espaces verts sur sa devanture ont fait place à des panneaux solaires offerts par le Japon, le siège du ministère gabonais des Affaires étrangères suscite d’autres interrogations : faudra-t-il donc attendre l’aide d’une puissance étrangère pour que soit résolue la multitude de problèmes de ce département ministériel de prestige ? A titre d’illustration, tout visiteur constate l’érection, depuis bientôt un trimestre, de cloisons de chantier en contreplaqué dans le hall d’entrée du ministère. L’entreprise Idées 2000, chargée de remodeler ce hall a dû estomper les travaux faute de payement, malgré qu’il lui ait été demandé de préfinancer ces travaux.

On note par ailleurs que le système de climatisation de cet immeuble de verre est défectueux depuis bientôt une année. Ce qui explique que nombreuses de ses baies vitrées sont souvent ouvertes. Si l’ascenseur s’est remis à fonctionner et ne contraint les usagers à un alpinisme qui pouvait culminer à six étages, il reste que la pression d’eau dans les étages supérieurs de l’édifice est défectueuse. Ce qui cause un sérieux problème pour les sanitaires de ces étages.

Cet état des choses ne peut manquer d’inquiéter ceux qui croient en une diplomatie «émergente» et prouve à quel point les services centraux ont du mal à défendre les budgets des missions diplomatiques face aux responsables de la DGB. Les agents du ministère espèrent voir leur ministre monter au créneau pour aller plus vite dans la résolution de ces manquements. Et c’est dans ce contexte qu’il y a deux semaines environ, le Syndicat des Affaires étrangères (SAE), entré en hibernation il y a belle lurette, a revu le jour. Vitrine diplomatique d’un pays dont le président voyage beaucoup, ce ministère de souveraineté mérite pourtant mieux.

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