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Gouvernement Ona Ondo II: pas d’ouverture, des interrogations, un PDG hégémonique…

Gouvernement Ona Ondo II: pas d’ouverture, des interrogations, un PDG hégémonique…

Le cinquième Gouvernement en cinq ans de l’ère Ali Bongo est arrivé. C’est le deuxième Cabinet de Daniel Ona Ondo en moins de neuf mois. Composé de trente-cinq membres contre trente-deux dans le précédent, il paraît moins à même d’apporter la dynamique attendue. Mais sait-on jamais ! La nouvelle liste gouvernementale ne comporte pas de ministre des Affaires sociales. Oubli ? Erreur ?

Un moment du séminaire gouvernemental de Franceville, février 2014. ©Gabonreview
Un moment du séminaire gouvernemental de Franceville, février 2014. ©Gabonreview
Alors que la presse panafricaine bien introduite au Palais du Bord de mer affirmait qu’une «demi-douzaine de membres du Gouvernement» serait concernée par le remaniement qui allait arriver, ce ne sont finalement que quatre ministres sur trente et un qui ont été limogés de l’équipe gouvernementale. En effet, Brigitte Anguilé Mba (Prévoyance sociale), Fidèle Mengué m’Engouang (Santé), Serge-Maurice Mabiala (Fonction Publique) et Raphaël Ngazouzet (délégué aux Transports), jugés «peu efficaces» par le Président Ali Bongo, ont du céder leur place. S’il est reproché au professeur de droit de n’avoir pas souvent discuté avec les syndicats, laissant ainsi pourrir des situations qui se sont avérées dramatiques par endroits, il semblerait que sa mauvaise gestion du dossier PIP (Prime d’incitation à la performance) est à l’origine du limogeage de Serge Maurice Mabiala.

Il y a quelques mois, Gabonreview demandait, après le constat de nombreux dysfonctionnements et l’écart entre la volonté présidentielle et la mise en pratique de cette prime, si la PIP n’allait pas faire tomber le Gouvernement : elle ne l’a pas fait chuter, mais elle a fait tomber le ministre qui en avait la charge. En revanche, le limogeage de Brigitte Anguilé Mba était inattendu. Que lui reproche-t-on ? Sa non-reconduction serait-elle due à ses rapports pas toujours sereins avec sa ministre déléguée, Marie-Françoise Dickoumba pour laquelle le Cabinet présidentiel, le secrétaire général du Gouvernement et le Premier ministre ont pris fait et cause ? A-t-elle demandé à partir pour ne pas gêner le chef de l’Etat après sa dispute avec Daniel Ona Ondo ? Raphaël Ngazouzet, lui, sort alors que c’est le ministre titulaire qui était décrié depuis quelque temps. Les remaniements ont ceci de particulier que la subjectivité et l’illogique semblent parfois l’emporter sur toute autre considération. La sanction tombe parfois sur des ministres perçus plutôt comme travailleurs.

Sanctions protocolaires ou administratives

Mais, à bien y regarder, les sanctions ne s’arrêtent pas à ces quatre. D’autres membres du Gouvernement en ont écopé, soit protocolairement, soit administrativement par la perte de certaines attributions.

Dans la catégorie des sanctions protocolaires, le cas Pacôme Moubelet Boubéya est le plus patent, tant il apparaît comme le membre du Gouvernement le plus «frappé» par cette sanction. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique passe du troisième au douzième rang protocolaire. Depuis son entrée au Gouvernement en janvier dernier, l’ancien secrétaire général du Gouvernement donne l’impression de s’ennuyer. Une certaine opinion a affirmé qu’il boudait cette nomination. Vrai ? Faux ? On ne le saura sans doute jamais. La sanction administrative échoit à Magloire Ngambia qui perd la Promotion des Investissements, pilier de son département ministériel. Il est vrai que ces derniers temps, les investisseurs ne se sont pas beaucoup manifestés après les premiers contacts et visites de courtoisie. Magloire Ngambia paie aussi, semble-t-il, pour la suspension provisoire des travaux du Champ Triomphal. Quant à Pastor N’Goua N’Neme à qui est retiré le secteur Communication, il lui serait reproché de n’avoir pas su négocier la mise en place de la Télévision numérique de Terre (TNT) avec le leader coréen en matière d’électronique Samsung. Il conserve l’Economie numérique et la Poste. Et, dans ce domaine, il va devoir affronter deux «roitelets», Alex Bernard Bongo Ondimba, responsable de l’ANINF, et Alfred Mabicka Mouyama, PDG de La Poste. Des secteurs que qu’il ne pouvait ne pas trop regarder tant qu’il avait la Communication. Il va lui falloir maintenant sortir les crocs. Dans le domaine de l’Economie numérique, il va devoir batailler avec l’ANINF qui tient à gérer tout le secteur. Quant à La Poste, il lui faudra aussi, s’il veut exister, tailler quelques croupières au PDG de cet établissement public qui ne fait pas mystère de son ambition de régenter l’ensemble du secteur postal.

Récompenses

Aux côtés des sanctions, il y a des «récompenses», des encouragements. Régis Immongault se voit offrir un grand ministère de l’Economie qui englobe la Promotion des Investissements et la Prospective. Une récompense qui peut toutefois surprendre, tant depuis l’adoption, l’année dernière, de la Stratégie nationale d’Industrialisation du Gabon (SNI), Immongault Tatagani donnait la fâcheuse impression de tourner en rond.

Denise Mekam’ne est l’autre ministre récompensé. En plus du porte-parolat du Gouvernement et des Relations avec les Institutions Constitutionnelles, elle va avoir en charge la Communication. C’est à elle qu’échoit l’organisation des Etats généraux de la Communication et toute la réforme de l’audiovisuel public. A la différence des départements ministériels qu’elle a eu à gérer sous Omar Bongo, puis depuis son retour en janvier 2014, Mekam’ne arrive là dans un secteur très sensible. Dans ce registre des récompenses, on pourrait citer Ida Réténo Assonouet, qui passe de la Culture à l’Education nationale. La Lambarénéenne obtient là une promotion interne, même si nombreux pensent à un cadeau empoisonné.

De nouvelles têtes

Daniel Ona Ondo
Daniel Ona Ondo
Quelques nouvelles personnalités intègrent le Gouvernement. Notamment, le flamboyant Jean-Marie Ogandaga. Cet administrateur économique et financier qui sort du Cabinet de Christian Magnagna est nommé dans un ministère – la Fonction Publique – qu’il connaît bien et dans lequel il s’est par le passé occupé du dossier des rémunérations des agents de l’Etat. C’est un technocrate, comme on aimerait en voir plus souvent, même s’il pêche parfois par excès d’optimisme…

Ingénieur des mines proche d’Alfred Mabka Mouyama de La Poste, Rufin Moussavou qui va à la Culture, aux Arts et à l’Education civique, est également une nouvelle recrue.

Yusuf Sidibé Nzengue Akassa, cousin du ministre démissionnaire Léon Nzouba, fait son entrée comme ministre délégué. Guy Maixent Mamiaka est nommé ministre délégué à l’Intérieur. Il a tiré avantage du conflit entre Rigobert Ikambouayat, dont il est proche, et Raphaël Ngazouzet. Le fils du Général Mamiaka va devoir immerger dans les dossiers politiques, lui qui jusque-là s’occupait des effectifs pléthoriques du personnel de la présidence de la République.

Il est une constance à saluer chez le chef de l’Etat : à chaque réaménagement de l’équipe gouvernementale, il fait entrer un de ses conseillers… Il y a aussi Marie-Julie Biloghé-bi-Nzé, qui arrive comme ministre délégué à l’Economie. Une promotion logique pour ce haut fonctionnaire du Trésor Public. Calixte Nsie Edang et Basile Mboumba entrent, eux aussi, comme ministres délégués. Fait notable : toutes ces entrées au Gouvernement marquent évidemment le respect des équilibres géopolitiques à la gabonaise.

Pas de ministre des Affaires sociales. Un oubli ?

Alors que l’opinion était dans l’expectative d’un grand ministère social qui devait se charger de la coordination des mécanismes de concrétisation du Pacte social et de la stratégie de développement humain, elle a juste eu droit à la mise en place d’un ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale. Mais, la Prévoyance sociale n’étant que de la protection, de la sécurité sociale, où est donc passé le secteur de la Solidarité nationale qui regroupait les Affaires sociales, la Famille, la Promotion de la Femme et la Protection de la Veuve et de l’Orphelin ? Un oubli qui peut étonner quand on sait que Daniel Ona Ondo a toujours laissé entendre qu’il avait deux missions essentielles : la lutte contre la pauvreté en réduisant les inégalités, et le renforcement de la croissance. On se retrouve ainsi avec un Gouvernement qui n’a pas de ministre de la Solidarité nationale et des Affaires sociales. Etonnant !

La nouvelle équipe est également marquée par l’absence de représentants d’autres formations politiques de la majorité, à l’exception du Centre des libéraux réformateurs (CLR). Pas de représentant du RPG, pas de membres de l’ADERE. La composition de ce Gouvernement n’a non plus fait appel à des formations de l’opposition modérée, tels que le PDS, l’ANG et le PSG ; encore moins à la société civile dont quelques membres notables ont publiquement marqué, le 6 juin dernier, leur volonté de contribuer à la matérialisation du Pacte social. Le Parti démocratique gabonais, navire-amiral de la majorité, obtient encore une fois tous les postes ministériels, à l’exception du ministère des Droits Humains.

Prime au tribalisme, prime à l’enrichissement illicite ?

La reconduction de certains ministres a pu surprendre. Le ministre de l’Agriculture qui a voué tout son Cabinet à son département et sa province d’origine est reconduit. Comme une prime au tribalisme… De même, certaines personnalités citées dans des affaires financières demeurent dans ce Gouvernement qui ne s’est pas beaucoup ouvert aux femmes non plus. Cinq seulement sur trente-cinq ministres !

Il reste à cette équipe qui tient son premier Conseil des ministres ce matin de se mettre rapidement au travail. Sinon, dans quatre mois, après les élections sénatoriales, d’autres têtes tomberont.

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