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Poison lent

Contre Pierre Péan, Ali Bongo doit-il opter pour un recours à la justice ? © D.R.
Contre Pierre Péan, Ali Bongo doit-il opter pour un recours à la justice ? © D.R.
Ali Bongo et ses proches veulent discréditer les écrits de Pierre Péan. Mais le processus semble moins aisé qu’il ne parait.

Plus personne ne se pose des questions sur l’état d’esprit actuel du président de la République et de ses proches. Plus grand monde ne s’interroge sur l’effet du dernier livre de Pierre Péan au sein de la majorité. Tout le monde s’accorde au moins sur un point : feignant de l’avoir simplement encaissé, Ali Bongo et ses proches accusent le coup, au point de passer à l’offensive tous azimuts. Désormais, la scène politique nationale vit au rythme des témoignages et autres marques de soutien. Pour bien montrer la gravité du moment et leur détermination à se défendre, les stratèges du camp présidentiel ont choisi de laisser la primeur des réactions à la plus célèbre, et non moins secrète, muette du sérail : Pascaline Mferri Bongo. A travers, cette option, le ton est donné. Une sœur aînée, successeur au ministère des Affaires étrangères, ancienne directrice de cabinet du président de la République et plus proche collaborateur du paternel d’un mis en cause ne s’exprime pas à la légère. Bien au contraire, elle n’engage la crédibilité de son propos et le crédit de sa personne que quand elle juge l’heure grave.

Dans l’opinion, c’est l’ébullition. Certains se livrent à une analyse du contenu. D’autres à un exercice de sémiologie. Il y en a même qui font dans la prospective, s’adonnant à des commentaires sur la portée de ce ramdam. Le propos leur a paru décalé et l’opportunité pas évidente. Si l’objectif était de frapper les écrits de Pierre Péan de discrédit, personne n’est vraiment convaincu que la ligne de défense choisie ait été la bonne. Si elle a réfuté les allégations selon lesquelles son frère cadet a été adopté, à aucun moment Pascaline Mferri Bongo n’a proclamé qu’Ali Bongo est le fils biologique d’Omar Bongo Ondimba et de Joséphine Kama. Si elle a affirmé avoir été élevée dans le même cadre que lui, jamais elle n’a parlé de sa naissance. Si elle a regretté qu’il fasse l’objet d’attaques personnelles là où elle dit s’attendre à un débat d’idées, elle s’est gardée d’évoquer la question de l’extrait de naissance querellé, apparu en 2009. Toutes ces zones d’ombre sèment doute et confusion autant qu’elles conduisent à s’interroger sur la stratégie choisie : plus les réactions se multiplient, plus l’opinion a hâte d’entendre le président de la République lui-même et plus la question d’un éventuel recours à la justice est évoquée. On en vient même à se demander si le mutisme n’aurait pas été opportun.

Voilà que l’option d’un recours à la justice revient, lancinante et insistante. Dans l’opinion, elle semble la plus crédible, la seule capable de mettre tout le monde d’accord. Dans ce cas, quelle serait la juridiction compétente ? Le tribunal de Libreville, celui de Brazzaville ou leur pendant parisien ? A ce qu’il semble, l’extrait de naissance querellé a été transcrit à Libreville. Mais, Ali Bongo est réputé avoir vu le jour à Brazzaville à une époque où le Congo était encore sous le joug colonial français cependant que l’ouvrage contesté a été éditée par une maison parisienne. Toute la question réside donc dans le choix de la juridiction, sa crédibilité et sa pertinence.

Chacune des options a ses avantages et ses inconvénients. Ali Bongo étant président de la République et par ricochet président du Conseil supérieur de la magistrature, l’option librevilloise pourrait être interprétée, au mieux, comme une fuite en avant et, au pire, comme un simulacre. Au-delà, elle pourrait même donner du grain à moudre aux contempteurs du président de la République et apparaître comme une légitimation des thèses de Péan. L’option brazzavilloise touche directement aux relations entre le Gabon et le Congo. Mais, elle pourrait aussi être décryptée à l’aune des relations familiales entre les Bongo Ondimba et Sassou Nguesso. Quelle qu’en soit la teneur, le verdict sera regardé avec suspicion par l’opinion et les parties. L’option parisienne pourrait, dans un sens comme dans un autre, donner libre cours à tous les fantasmes sur la Françafrique et les relations entre la France et le Gabon. Si l’opinion la tient pour la plus crédible à l’heure qu’il est, rien ne dit qu’elle tiendrait le verdict pour crédible quel qu’il soit. Pour le président de la République, les écrits de Pierre Péan ont tout d’un poison lent…

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