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Ntoutoume Nkoghe: «C’est à travers le livre de Pierre Péan que le Front uni découvre l’histoire du Gabon?»

Raphaël Ntoutoume Nkoghe, conseiller d’Ali Bongo. © D.R.
Raphaël Ntoutoume Nkoghe, conseiller d’Ali Bongo. © D.R.
Objet d’une allusion dans l’interview de Pierre Péan à «Echos du Nord», le conseiller du Président de la République, rencontré au hasard des pérégrinations, s’en prend, dans ce nouvel entretien, à la procédure engagée par le Front uni d’ester en justice contre Ali Bongo.

Gabonreview : Quel commentaire par rapport aux révélations de Médiapart sur cette affaire de 6 milliards ?

Raphaël Ntoutoume Nkoghe : Aucun, puisque cela confirme ce que je vous avais dit. A savoir que M. Péan écrit sur commande et que ce n’est qu’un marchand au petit bonheur. Ce livre est une commande de MM Myboto et Ping, raison pour laquelle ils s’en servent.

Pour le reste, M. Alain Claude Bilié-By-Nzé a été assez explicite et précis dans cette tentative d’escroquerie en bande organisée. Je ne vois donc pas quel commentaire particulier faire sur le livre d’un homme qui refuse de débattre avec le Porte-parole.

En outre, il y a cette procédure du Front uni qui envisage de déposer une plainte contre le chef de l’Etat. Que vous inspire cette démarche ?

Je ne sais rien de l’objet de cette procédure, encore moins la base juridique sur laquelle elle se fonde. J’ai seulement lu qu’elle fait suite au livre de Pierre Péan, « Nouvelles Affaires Africaines ». A partir de là, j’en tire trois enseignements.

Le premier vient de mon observation de ce que le Front uni est un regroupement hétéroclite de personnalités politiques dont le point commun n’est pas idéologique mais plutôt calendaire, en ce sens que ce sont tous, ou presque, des septuagénaires. Et qui plus ont géré ce pays des décennies durant. Ce qui, pour ma naïveté, doit leur conférer non seulement une expérience avérée de la gestion de la chose publique, mais aussi une connaissance parfaite de l’histoire de ce pays parce que témoins de cette histoire.

Je suis dès lors très étonné de constater que c’est à travers un livre de Pierre Péan, qui n’a pourtant jamais séjourné plus de deux ans au Gabon, que tous ces septuagénaires font leurs premiers cours de l’histoire de leur propre pays. C’est quand même terrible de voir des personnes d’un certain âge s’en remettre aux allégations d’un Français pour avoir une idée de l’histoire du Gabon.

Le deuxième enseignement c’est cette contradiction, triste et pitoyable, de personnes habituées à s’armer de la xénophobie pour pourfendre les compatriotes d’origine étrangère et les étrangers, s’emparer des assertions d’un étranger pour en faire leur bréviaire, leur idéologie et finalement leur projet de société. Si je comprends bien, on est officiellement contre la « légion étrangère » mais on ne crache pas sur le renfort d’un légionnaire. J’avoue quand même que c’est fort de café.

Quant au troisième enseignement, il tient de cette posture du Front uni qui joue le souverainisme tranchant tout en prenant pour béquille de combat un produit qui est aux antipodes du terroir. A voir ce qui se passe aujourd’hui, il est indéniable que Pierre Péan est plus apte aujourd’hui à diriger le Gabon plutôt qu’un tout autre acteur du Front uni puisque l’écrivain connaît infiniment mieux ce pays que les Myboto et Cie.

L’opposition évoque l’article 10 de la Constitution par rapport aux allégations de Pierre Péan sur le statut de fils adoptif qui serait celui d’Ali Bongo…

A moins d’en faire une lecture analphabète, voilà ce que dit exactement ladite disposition : « (…) Toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise ne peut se présenter comme candidat à la présidence de la République. Seule sa descendance ayant demeuré sans discontinuité au Gabon le peut, à partir de la quatrième génération ». Je ne sais pas ce que la traduction dans nos langues vernaculaires donne, mais je ne vois aucune allusion au « fils adoptif » qui n’a rien à avoir avec le père qui aura acquis la nationalité gabonaise.

Ici, le législateur a été plus que précis. Pour disqualifier Monsieur Ali Bongo Ondimba, puisque c’est l’objectif recherché, il faudra présenter deux preuves. La première : soit un document authentique établissant formellement sa présumée nationalité précédente. La deuxième : soit un document prouvant qu’Omar Bongo Ondimba a acquis la nationalité gabonaise. Deux cas de figure qui relèvent du folklore.

Pour moi il est clair qu’il s’agit tout simplement d’une diversion car le vrai débat est ailleurs.

C’est-à-dire ?

A vos confrères de Mediapart, Pierre Péan a clairement confié qu’il n’écrivait pas sur le Gabon mais sur le Qatar. Et qu’il a été contraint d’abandonner le Qatar pour le Gabon parce qu’on l’aurait accusé d’avoir reçu de l’argent pour ne pas parler de notre pays. J’imagine le nombre de livres que Pierre Péan écrirait chaque année si on s’amusait à l’accuser d’avoir reçu l’argent d’untel pour ne pas salir les dirigeants d’untel pays. A cette allure, il aurait fini, dans moins d’une dizaine d’années, d’écrire sur tous les dirigeants du monde.

Non, tout ça n’est pas sérieux. Mais cela a quand même l’avantage d’établir que Pierre Péan a écrit sur un coup de tête. Je ne sais pas s’il en a l’habitude, toutefois écrire dans la précipitation et la volonté de prouver je ne sais trop quoi à qui je ne sais trop, démontre, à tout le moins, que cet écrivain n’a pas le temps d’aller jusqu’au bout de ses investigations.

Et c’est d’ailleurs lui-même qui l’a avoué sur les antennes d’Africa N°1 en reconnaissant que son travail a consisté à « commenter la rumeur ». Ce qui est tout de même grave pour un travail d’investigation dont le but, sauf ignorance de ma part, est justement de confondre la rumeur et non de la commenter. Autrement dit à établir que la rumeur est fondée ou non car tout le monde peut commenter la rumeur.

Ne pensez-vous pas que la meilleure solution serait de procéder aux tests ADN ?

RNN : J’ai noté dans cette affaire, un grand silence. Celui des grands juristes de notre opposition. Monsieur Jules Aristide Bourdès Ogouliguendé et Madame Paulette Oyane Ondo ne disent mot. Et ils ont raison de le faire car il n’y a rien à dire. C’est une procédure sans objet. A considérer seulement que par une improbable veine ils ont gain de cause, qu’est-ce que cela change par rapport au fameux article 10 de la Constitution ? Absolument rien.

Ce qui déjà, posera inévitablement et sous peu le problème de la recevabilité de leur procédure. Car, juridiquement, elle est sans objet en ce sens que l’issue du procès, s’il jamais y a procès, n’ébranlera en rien les dispositions constitutionnelles précitées.

Sur RFI, M. Péan demande à Ali Bongo de fournir un extrait d’acte de naissance de la préfecture de Nantes…

C’est vraiment pathétique. Voilà quelqu’un qui a affirmé dans son livre que notre compatriote Paul Okili Boyer, faisait partie de l’équipage du DC3 qui a ramené M. Ali Bongo Ondimba du Biafra. Et c’est l’unique preuve qu’il avance. Or, dans un enregistrement vidéo, que vous avez certainement regardé puisqu’il circule dans les réseaux sociaux, M. Okili Boyer dément formellement et affirme plutôt le contraire.

J’ai eu M. Okili Boyer au téléphone il y a quelques jours. Il m’a clairement dit que M. Péan raconte des « âneries » car il a connu « Alain Bongo depuis 1963-64 » et qu’il n’a pas pu le ramener du Biafra en 1968. Qu’avant d’écrire son livre, M. Péan n’a même pas le reflexe élémentaire de chercher à le rencontrer ne serait-ce que pour vérifier ses informations. Et M. Okili Boyer de me confier que ce n’est pas parce qu’il a fait 8 ans de prison politique et qu’il est opposant aujourd’hui que sa conscience l’autoriserait, par la haine, à falsifier l’histoire pour satisfaire une quelconque vengeance.

Lorsque que M. Péan parle de Nantes, cela m’attriste pour la profession de journaliste. C’est lui-même, Pierre Péan, qui décide d’écrire sur M. Ali Bongo Ondimba. Et c’est au sujet de son livre que l’écrivain demande de faire le travail à sa place car c’est à l’investigateur qu’il revenait de se rendre à Nantes. C’était quand même la moindre des choses.

Par ailleurs, et pour en pour en revenir aux fameux tests ADN, j’aimerais dire qu’il y a quelque chose de nauséeux et de puérile dans cette façon de poser les problèmes dans notre pays. Ce mélange de couardise et personnalisation est plus que détestable. J’attendais plutôt de l’opposition un peu de courage exprimé par la présentation d’un projet de loi exigeant des candidats, non pas seulement à l’élection présidentielle, mais à toutes les élections des tests ADN prouvant qu’ils sont les fils biologiques de leurs parents. Et ce ne sera que cohérent par rapport à leur campagne actuelle.

Qu’ils aillent donc jusqu’au bout de leur logique et de leurs convictions en exigeant la révision de la Constitution pour instaurer le critère d’éligibilité par la filiation biologique. Ce qui permettra aux uns et aux autres de s’occuper enfin des sépultures de leurs parents. Sans parler du reste…

Vous jetez là un pavé dans la marre…

RNN : Pas du tout. Si je le dis, ce n’est pas pour accabler les opposants ou jeter la suspicion sur eux. Je le dis parce que j’attends de cette opposition de la clarté et du courage. Qu’elle pose clairement et juridiquement les problèmes, ou plutôt ses problèmes. Je ne parle pas seulement des tests ADN. Ainsi de la réduction de la durée du mandat présidentiel alors qu’elle serait plus crédible en parlant d’harmonisation de tous les mandats électifs ; de la limitation du nombre de mandats présidentiels qui se justifierait par celle de tous les autres mandats.

Et enfin, comme ne cesse de le pourfendre M. Jean Ping, de l’exercice de la fonction de Directeur de cabinet du Président de la République par un compatriote d’origine étrangère. Une situation insupportable pour M. Ping et ses amis qui gagneraient tout simplement à proposer une loi ou à demander la révision constitutionnelle pour introduire des dispositions interdisant d’accès à des fonctions clairement identifiées, voire toutes, à des compatriotes d’origine étrangère.

Ce d’autant plus que je suis convaincu que si par un impossible hasard, il arrivait à M. Ping d’arriver au pouvoir, il le ferait. L’exiger actuellement et l’inscrire ensuite dans la loi seraient faire preuve de clarté, de cohérence et surtout de courage politique.

Tout de même et pour terminer cet entretien, M. Ping avait parlé d’intégration en comparant les cas de MM Dossou et Accrombessi.

Justement ! Quels sont les faits que présentent M. Ping pour vanter la supposée intégration réussie de M. Dossou ? Un seul. Celui d’avoir épousé une gabonaise. Ce qui, pour moi, est trop simpliste, réducteur et relève de l’intérêt personnel. Je soutiens, et cela n’engage que moi, que la référence de M. Ping procède du domaine de l’investissement.

Et j’en relève cinq. Un : la construction des stations services toutes gérées exclusivement par les parents de M. Doussou. Deux : l’ONG Espace Afrique qui gère, chez la belle-famille à Mpaga, une école privée avec internat et dont le personnel est venu essentiellement du village natal de M. Dossou. Trois : la monstrueuse affaire du FODEX qui a vu l’évaporation des dizaines de milliards dans la nature et la mise au chômage de centaines de compatriotes. Quatre : le partage scandaleux et scabreux des revenus du pétrole gabonais qui a permis à l’ancien directeur général des hydrocarbures de s’enrichir insolemment au détriment des caisses de l’Etat. Cinq : la confiscation par ADDAX des parts qui revenaient de droit à l’Etat gabonais. Voici le bel exemple de réussite d’intégration que nous offre M. Ping.

Pour moi, cet exemple est la parfaite illustration de ce qu’un seul homme peut rassembler comme ingratitude et manque de patriotisme. Mais au-delà des mots, j’aimerais, si vous me le permettez, opposer au modèle de M. Ping un exemple de ce qui pour moi devrait être la référence de réussite d’intégration et de patriotisme.

Le projet Olam a été confié à M. Nkani Accrombessi par le chef de l’Etat. Il est aujourd’hui une réalité. 1200 compatriotes ont trouvé de l’emploi à Kango. Plus de 800 à Mouila et 900 à Bitam. Contrairement au symbole de M. Ping, M. Nkani Accrombessi n’a jamais instauré une transhumance humaine entre Cotonou et Libreville comme l’a toujours su bien le faire le beau parent de M. Ping.

Autres exemples :

1°) le Marché banane. Unique critère pour bénéficier d’un espace pour les commerçantes : détenir une carte nationale d’identité. Un projet conduit du début à la fin par M. Nkani Accrombessi.

2°) la mise en application par M. Nkani Accrombessi de l’arrêt, sur décision du chef de l’Etat, du partage des revenus pétroliers entre M. Dossou et ses amis et leur reversement intégral dans les caisses de l’Etat. Ce qui a concouru à la création de la GOC dont les premières recettes font désormais la fierté du pays.

3°) la contrainte imposée à Addax de rendre à l’Etat ce qui lui revenait.

Autant de d’actes posés par M. Nkani Accrombessi qui constituent, pour ma part, une référence en termes d’intégration réussie puisque marquant sa fidélité à l’égard d’un homme et de son pays. Et c’est en cela qu’il est toujours considéré comme un étranger puisqu’il est étranger à ce système qui a fait tant de mal au pays et que les nostalgiques de cette époque rêvent de pérenniser coûte que coûte.

C’est vous dire que si l’on propose aux Gabonais de faire le choix entre ces deux modèles de réussite d’intégration, je ne vois pas celui qui épousera celui de M. Ping qui consiste à priver les Gabonais du moindre emploi et mettre l’économie du pays en coupes réglées.

La réussite de l’intégration doit être évaluée non pas par rapport à ce que cela rapporte à la tribu ou à ce qui rentre dans nos poches personnelles, mais plutôt au Gabon et aux Gabonais. L’intégration c’est l’amour de là où on est, et non d’où l’on vient.

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