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Silence assourdissant

Cour constitutionnelle en sessionLe mutisme de la Cour constitutionnelle et de la Commission nationale électorale autonome et permanente (Cenap) n’arrangent pas les choses pour le président de la République. Tant s’en faut…

Il aurait pu s’attendre sinon à un soutien en forme d’explications, du moins à un partage des responsabilités à travers des justifications. Mais Ali Bongo ne voit toujours rien venir. Le 13 novembre dernier, au soir du dépôt des plaintes formulées par le Front de l’opposition pour l’alternance et Luc Bengono Nsi pour «inscription de faux en écritures publiques», le président de la République a du se sentir bien seul. Jusque-là, il avait bénéficié de l’appui des institutions ou tout au moins de leur regard bien veillant. Au point que les précédentes requêtes visant à contester son éligibilité furent ou rejetées ou classées sans suite. Avec le recul, tout ceci ressemble davantage à des dérobades qu’à des prises de position. Contrecoup de la publication du livre de Pierre Péan «Nouvelles affaires africaines – Mensonges et pilages au Gabon», l’affaire vient de prendre une autre dimension, plus violente.

N’empêche, la Cour constitutionnelle et la Commission nationale électorale autonome et permanente (Cenap) ont opté pour la stratégie du risque zéro, au point de se murer dans un silence assourdissant, inquiétant voire coupable. Hors de question pour les animateurs de ces institutions de se jeter à l’eau sans une injonction de l’ordre judiciaire. Et qu’importe si tout ceci nourrit la suspicion. Régulièrement mise en cause, accusée de partialité voire de constituer un «obstacle majeur au fonctionnement de la démocratie gabonaise», la haute juridiction fait la sourde oreille. La Cenap aussi feint de ne point entendre les demandes d’explication qui fusent de toutes parts. Du coup, le doute s’installe sur leur sincérité, leur capacité à assumer leurs actes et à se projeter dans l’avenir. Où situer les responsabilités de l’imbroglio actuel ?

Mise en cause par nos confrères Echos du Nord et Ezombolo qui reviennent sur l’argumentation de Marie-Madeleine Mborantsuo en 2009 au plus fort du contentieux électoral, la Cour constitutionnelle se retrouve accusée de fraude à la loi ou tout au moins d’amnésie volontaire. Cet épisode, qui fait état d’un renversement des charges de la preuve en marge de toute base légale, est perçu comme un aveu, la reconnaissance de l’existence d’anomalies dans le dossier de candidature d’Ali Bongo. Ayant clamé à l’époque que «la Cour Constitutionnelle n’entend pas se laisser dicter une conduite à tenir», la présidente de cette institution a reconnu, en mars dernier face à des journalistes, qu’elle est membre de la parentèle d’Omar Bongo Ondimba. Et si elle ne s’est jamais prononcée sur le principe de «suspicion légitime» qui veut qu’«un juge se récuse s’il doit juger une affaire dans laquelle il a des intérêts», elle s’est tout de même interrogée sur les responsabilités du ministère de l’Intérieur et de la Cenap. Tous ces faits donnent un sens particulier, une résonance singulière au mutisme de l’institution qu’elle dirige. Tous ces éléments accréditent l’idée d’une gêne, d’une étroitesse de la marge de manœuvre dont elle dispose dans «l’affaire Péan». Mais, tout ceci ne sert nullement les intérêts du président de la République.

Boulet

Citée par Pierre Péan qui, dans une interview à Radio France internationale, affirme disposer d’«un papier (d’elle) qui rend impossible la victoire d’Ali», la Commission nationale électorale autonome et permanente ne s’est toujours pas exprimée alors que c’est sa capacité à sécuriser ses archives et conserver des données et informations sans risque de les divulguer qui est en cause. En clair, maintenant que le journaliste-écrivain français laisse croire que c’est de cette instance qu’auraient pu partir des fuites, elle ne saurait se taire indéfiniment. Surtout que Luc Bengono Nsi affirme avoir eu connaissance de l’acte de naissance querellé parce qu’il «a été remis à plusieurs administrations dont le Cenap». Si le président de cette instance, fait le dos rond, son mutisme n’en est que plus éloquent.

Et pourtant, loin de souffler sur les braises, il semble évident que «l’affaire Péan» est encore loin, très loin de son épilogue. En cas de procès, la Cour constitutionnelle et la Cenap seront nécessairement invitées à témoigner. Pis, à l’approche de la présidentielle de 2016 elles seront inévitablement surveillées. Pour sûr, cette fois-là, le processus de qualification des candidats fera l’objet d’une attention particulière. Pour se donner les moyens de travailler dans la sérénité, la haute juridiction et l’autorité en charge des élections feraient mieux de vider cette question dès à présent. Autrement, leur silence pourrait avoir valeur d’aveu et devenir un boulet pour le président de la République. Si une objective convergence d’intérêts et sa position institutionnelle actuelle laissent à penser que la reprise en main est en marche, Ali Bongo a quelques questions à se poser quant à ses relations avec les institutions.

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