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Gabon: La côte d’alerte

gabon-manif_oppositionPourquoi le climat politique se détériore de jour en jour et n’augure rien de bon pour la suite.

Présage d’une crise majeure à venir pour l’opposition, stable et annonciatrice du mieux-être des populations pour la majorité, la situation politique du pays est, depuis cinq ans, analysée par les camps politiques de manière divergente. Au-delà des intérêts partisans et de toute lecture idéologique, elle semble pourtant marquée par une certaine crispation, un raidissement des positions.

Au demeurant, la réalité est bien différente de la position officielle selon laquelle «les institutions fonctionnent normalement». L’avalanche de plaintes liées à «l’affaire Péan» traduit une volonté de décrédibiliser la justice, d’apporter la preuve qu’elle est aux ordres. En dépit des dénégations de certains acteurs, le climat politique a atteint la côté d’alerte. Il est lourd, chargé d’incertitudes. La saisine de la Haute Cour de justice par Jean de Dieu Moukagni Iwangou a révélé la volonté d’une partie de l’opinion d’abréger le mandat en cours par des voies juridico-politiques. Même s’il semble acquis qu’elle ne prospérera pas, la destinée de la requête du président de l’Union du peuple gabonais (UPG), va indubitablement avoir une incidence sur la crédibilité du pouvoir judiciaire. Sans aller jusqu’à croire en un retour à l’état de nature, il semble évident que le classement sans suite validerait toutes les théories selon lesquelles la justice n’est que l’expression de la volonté du plus fort. La consécration de la loi de la jungle, en somme.

L’assignation en justice, en juillet dernier, de l’opérateur de sécurité numérique Gemalto par la société civile apporte de l’eau au moulin de ceux qui estiment que l’insécurité se généralise, qu’elle se loge à tous les étages, à toutes les strates de la société. Leader mondial de la sécurité numérique, l’entreprise en charge de la confection du fichier électoral voit ainsi sa réputation, son honnêteté et son intégrité mises en cause. Au-delà, cette démarche jette un discrédit sur le processus électoral et singulièrement sur les instances en charge de sa mise en œuvre, notamment le ministère de l’Intérieur et la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap). Sur ce point-là aussi, le refus d’une remise à plat légitimerait toutes les critiques entendues çà et là.

Méfiance

Autre élément d’inquiétude faisant peser une hypothèque sur l’avenir : le refus de réhabiliter l’Union Nationale. Certes, Ali Bongo peut toujours jurer ses grands dieux qu’il n’est pour rien dans la situation ainsi créée, qu’il s’agit d’abord d’une décision administrative validée ensuite par la justice à travers le Conseil d’Etat. Rien ne pourra cependant effacer le fait que cette décision fut avant tout le fait d’un ministre zélé, c’est-à-dire d’un homme politique désireux de plaire et qui entendait réagir à l’auto-proclamation d’André Mba Obame comme président de la République et à la mise en place d’un gouvernement alternatif. Quels que soient les arguments avancés, la prestation de serment du 25 janvier 2011 restera un acte politique, qui appelait une réponse… politique. En se prononçant sur le fond là où il lui était demandé d’agir sur la forme, le Conseil d’Etat n’a fait qu’en rajouter. Il y a, là aussi, une faute par zèle, la manifestation d’une prise de position politique par une juridiction.

Davantage aujourd’hui qu’hier, la méfiance préside aux relations entre les institutions de la République et les autres forces sociales. Elle s’étend désormais à la jeunesse qui, loin de nourrir des rêves de bonheur et grandeur, se retrouve confrontée au cynisme politicien d’institutions censées réguler l’action publique. Bien qu’il soit de bon aloi que la justice prévale en toute circonstance, le sort des leaders étudiant Firmin Ollo’o et Célestin Minto’o, en détention préventive depuis bientôt six mois, laisse songeur. S’il ne saurait être question de laisser impunis les troubles ayant émaillé les dernières années académiques, il reste néanmoins vrai que l’absence de jugement ouvre la porte à toutes les interrogations. Surtout que 46 de leurs compères ont, eux, été exclus de l’université.

Le climat politique n’est pas seulement plombé par les errements des institutions. Il l’est aussi par une sorte d’enfermement, une forme d’autisme qui frise l’arrogance. À peine le chef du Bureau des Nations-Unies pour l’Afrique centrale (Unoca) a-t-il invité au dialogue que notre confrère L’Union, par ailleurs quotidien pro-gouvernemental, crie au loup en évoquant un complot visant la déstabilisation des institutions. Mais, tel que décrit, ce scénario tend à politiser une réalité vécue par le commun des Gabonais, la question des coupures d’électricité à répétition se posant depuis quelques années déjà alors que l’accès à l’eau potable est une préoccupation majeure. Ce scénario de politique-fiction et le traitement annoncé par notre confrère donnent le sentiment que la majorité s’est résolue à la politique de la terre brûlée. Les responsabilités des uns et des autres, y compris des forces de défense et sécurité, sont évoquée. Et notre confrère indique à chacun qu’il a la responsabilité de jouer pleinement sa partition, comme s’il entendait mettre en avant la répression. Ainsi, le climat politique se détériore chaque jour davantage. Seule lueur d’espoir : l’attitude des populations. Le peuple demeure souverain et l’histoire sera ce qu’il aura décidé en dernier ressort…

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