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La télévision publique refuse-t-elle d’accompagner la démocratie ?

Gabon-television5_GTV_tvAlors qu’elle doit être à l’avant-garde de la démocratie, la RTG1 ou Gabon Télévision, la chaîne de télévision publique familièrement appelée RTPDG, est décriée depuis le retour du multipartisme – et singulièrement depuis l’arrivée à ses commandes des jeunes «pousses» du PDG que sont David Joseph Ella Mintsa, Matthieu Koumba et Patrick Simangoye – pour son parti-pris, donnant ainsi à la télévision publique gabonaise une image négative qui fait réagir jusqu’aux institutions internationales.

Il n’est jamais bon de porter un commentaire sur un confrère ou sur un autre organe de presse, mais la récente prise de position d’Abdoulaye Bathily, Représentant spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) et Chef du Bureau des Nations-Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA), sur le manque d’ouverture de la presse publique gabonaise, amène aujourd’hui à s’interroger sur cette pertinente analyse des médias du Gabon. Dans un communiqué publié le 18 novembre dernier, Abdoulaye Bathily, un des observateurs onusiens de la vie publique du Gabon, plaide en effet pour «un accès équitable des différents courants sociopolitiques aux médias publics», ainsi que «pour le développement d’une presse indépendante au service de la paix et de la bonne gouvernance». Abdoulaye Bathily a-t-il eu raison d’interpeller les pouvoirs publics gabonais sur le parti-pris dont fait montre la télévision publique ? On y répondrait très facilement par l’affirmative.

La position des dirigeants actuels de la télévision publique, David Ella Mintsa, Patrick Simangoye et, dans une certaine mesure, Matthieu Koumba -après leurs prédécesseurs Augustin Létamba, Jean-Claude Boulanga et Godel Inanga Yendiyika- est quand même incompréhensible. Au moment où, sur les réseaux sociaux, se développent une liberté d’opinion et d’expression et une volonté de mettre en avant le pluralisme des opinions, la télévision publique gabonaise s’emmure dans ses positions et ne parvient pas à présenter la diversité politique actuelle, se confinant dans la pensée unique et l’envie de ne médiatiser qu’un camp politique. Fruit des impôts de tous, pourquoi donc refuse-t-elle de présenter la diversité idéologique du Gabon ? Au moment où les nations démocratiques mettent en avant leur diversité politique, est-il normal que, près d’un quart de siècle après le retour du multipartisme dans le pays, la RTG1 se complaise à n’être seulement qu’une fenêtre ouverte sur le PDG, le parti au pouvoir ? En privé, David Ella Mintsa affirmerait souvent que ce n’est pas à lui de «créer les activités de l’opposition et de la société civile» ? On doit donc comprendre que, selon lui, il n’y en a pas souvent. Mais est-ce pour cela que la rédaction de la RTG1 doit, chaque soir, consacrer au moins le tiers du «20-heures» au seul PDG ?

Certaines chancelleries occidentales en sont venues à se demander pourquoi le grand pas effectué au tout-début des années 90 vers le pluralisme et la démocratie ne se reflète-t-il pas à travers la télévision publique. Elles constatent que, contrairement à celle d’autres pays qui se libèrent de toutes les contraintes et de toutes les menaces pour s’émanciper, la télévision publique gabonaise demeure l’un des obstacles majeurs au processus démocratique.

La Presse Présidentielle sort du champ des activités présidentielles

Comme au bon vieux temps du parti unique de «Yaya Bongo», des groupes d’animation et de la «Minute du Parti», des éditions spéciales de plusieurs heures sont consacrées aux manifestations du Parti démocratique gabonais et aux conférences de presse du porte-parole de la présidence de la République. Est-il donc normal que le «20-heures» de la RTG1 en soit réduit à n’être qu’un journal où l’on vient lire les communiqués officiels du Sénat, de l’Assemblée nationale, autres institutions et ministères ? Est-il normal que le journal de «20-heures» ne diffuse essentiellement que des reportages des services de presse des institutions (presse présidentielle, presse de la primature, presse de l’Assemblée nationale, presse du Sénat, presse des ministères) ? Est-il normal que la presse présidentielle quitte le domaine des activités du président de la République pour réaliser des reportages sur les chantiers routiers, les infrastructures en construction, les «chantiers de l’Emergence» et que Gabon Télévision les diffuse dans ses éditions d’information comme s’il n’y avait plus de journaliste au «desk» capable de s’en occuper ? Pourquoi, franchement, la presse présidentielle se croit-elle obligée de sortir du champ des activités présidentielles pour aller faire des reportages, in situ, sur le bitumage des voies en lieu et place des journalistes de la RTG1 qui sont pourtant payés pour le faire ? Pourquoi le journal de 20-heures n’est-il dédié qu’aux activités du gouvernement (audiences, séances de travail, séminaires, colloques, ateliers,…) ? Est-il normal que, parce que c’est la puissance publique, le gouvernement à travers son secrétariat général en vienne à produire des émissions d’information tel que «Faire Savoir» sur la télévision publique, alors que les responsables de cette chaîne sont, en principe (?), à même d’élaborer une grille de programmes et d’y mettre des programmes de leur choix. Il ne faut pas confisquer les médias de service public pour le seul intérêt des pouvoirs publics et du PDG. Il faut «faire respirer» la lucarne.

«La page politique du journal»

Généralement, sur la RTG1, vers 20 h 20, le présentateur de la principale édition du journal du soir invite à suivre «la page politique du journal». C’est à ce moment-là que certains téléspectateurs zappent pour ne pas suivre ce qui est en réalité «la page du PDG» dans le journal. On peut d’ailleurs s’étonner qu’il y ait toujours une caméra pour la couverture de tels événements, «alors que, dit-on dans la maison Georges-Rawiri, lorsque l’opposition demande que l’on envoie des équipes pour ses événements, on lui rétorque qu’il y a un problème d’équipements». La télévision publique a, semble-t-il, décidé définitivement refusé d’ouvrir ses micros à l’opposition et à une certaine société civile ? N’est-il pas étouffant dans un système de pluralisme politique de ne montrer à l’opinion que des informations cloisonnées ? Selon Abdoulaye Wade, «la sous-information des peuples africains constitue l’une des principales barrières à leur épanouissement, un des obstacles qui les séparent du développement». Un universitaire nigérien ajoute qu’il n’est pas normal que les Africains ne puissent avoir connaissance des activités de l’opposition qu’à travers des canaux privés. Il est temps que la télévision publique puisse favoriser l’expression concrète du pluralisme politique et du débat d’idées. L’appel d’Abdoulaye Bathily à une ouverture de la télévision publique à tous les courants sociopolitiques va-t-il être entendu ? Lors d’une visite à la RTG1 à la mi-octobre, le ministre de la Communication d’alors, Pastor Ngoua N’Neme, avait déclaré qu’il n’avait jamais saisi la direction générale de cette chaîne pour une éventuelle censure de l’information. Question : de qui les dirigeants actuels de la RTG1 tiennent-ils donc cette volonté de «cloisonner» l’information.

Pourtant, avec la mondialisation de l’audiovisuel et le développement des technologies de l’information et de la communication, les dirigeants et les journalistes de la RTG1 disposent d’éléments de comparaison. Pourquoi refusent-ils d’imiter les rédactions des grandes chaînes d’information en ce qui concerne le traitement de l’information ? La RTG1 devrait accompagner le processus démocratique en promouvant une information plurielle et en faisant accéder tous les corps sociaux à la lucarne.

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