spot_imgspot_img

Et voici l’acte de naissance d’Ali Bongo !

Dans sa livraison du 2 décembre 2014, le quotidien français «Le Monde» s’est invité dans la «Polémique sur les origines du président gabonais Ali Bongo», publiant une reproduction du registre d’état civil de Brazzaville qui y atteste la naissance du fils d’Omar Bongo. La polémique qui s’en est suivie.

«Présenté comme ayant été retrouvé à la mairie de Brazzaville, ce document attesterait qu'Ali Bongo est le fils naturel de son père Omar. Les deux hommes ont changé de prénom lors de leur conversion à l'islam.» © © DR | lemonde.fr
«Présenté comme ayant été retrouvé à la mairie de Brazzaville, ce document attesterait qu’Ali Bongo est le fils naturel de son père Omar. Les deux hommes ont changé de prénom lors de leur conversion à l’islam.» © © DR | lemonde.fr
Dès le 30 novembre dernier, les réseaux sociaux gabonais annonçaient qu’«Ali s’est fait faire un acte de naissance à Brazzaville qui sera produit dans le journal Le Monde, de demain ou mardi. Toutefois ce journal est conscient qu’il n y a pas de retranscription de ce document à Nantes. En plus de cela il y sera produit une photo d’Alain Bongo qui serait daté de 64. Photo prise en France chez Mr Teale». L’article était donc attendu et l’acte de naissance tant demandé d’Ali Bongo a enfin été rendu public par le quotidien français Le Monde qui précise, en légende du document, que «ce document attesterait qu’Ali Bongo est le fils naturel de son père Omar. Les deux hommes ont changé de prénom lors de leur conversion à l’islam.»

Facebook_CaptureLe Monde présente donc la photographie d’un «registre d’état civil que des proches de la présidence gabonaise affirment avoir découvert ces dernières semaines dans les archives de la mairie de Brazzaville». Sur ce document qui se termine par une supposée signature du père Bongo – rien à voir avec celle bien connue des Gabonais, composée d’un ’’A’’ doté d’une longue traine en zigzag -, on peut lire : «le neuf février mil neuf cent cinquante-neuf à une heure quarante-cinq minutes est né à l’hôpital général : Alain-Bernard (…) de : Albert Bongo [les prénoms respectifs des père et fils Bongo avant leur conversion à l’islam] (…) qui déclare le reconnaître et de : Joséphine Kama (…). Dressé le dix février mil neuf cent cinquante-neuf à onze heures, sur la déclaration du père de l’enfant…». Le tout écrit en bleu sur du papier couleur sépia du fait du temps qui a passé depuis la date de son établissement.

Le document retrouvé

Entièrement manuscrit, la partie publiée par Le Monde de ce document qui ne comporte ni tampon, ni en-tête, a tout de suite soulevé le tôlé sur les blogs et réseaux sociaux gabonais. Si les premières critiques ont noté qu’il est écrit au stylo à bille alors qu’en 1959, l’administration de l’Afrique équatoriale française (AEF) utilisait la plume métallique dite Sergent-Major et l’encre noir, d’autres ont brandi des scans d’actes de naissances démontrant qu’à cette époque l’administration disposait déjà de formulaires à remplir à la main. «Je suis né en 1959 à Libreville et mon acte de naissance d’époque est un bulletin, un peu comme les actes de naissance d’aujourd’hui. Comment à Brazzaville, qui était la capitale de l’AEF pouvait-on délivrer, à l’époque, des documents moins modernes que ceux de Libreville, sa périphérie», s’interroge un ancien journaliste sur sa page Facebook.

Plus grave, Marc Ona Essangui, un leader de la société civile gabonaise qui avait lui aussi annoncé, deux jours avant, la publication du journal Le Monde, met en doute le nom de l’officier d’Etat-civil qui aurait «dressé» la déclaration de naissance effectuée par Albert Bongo. Dominique Nzalakanda, qui deviendra ministre de l’Intérieur et de la Défense nationale en mai 1963, n’aura en effet été concerné par les affaires municipales de Brazzaville que de 1956 à 1958, ainsi que l’indique formellement un lien partagé par Marc Ona (https://front-commun.com/artc/articoli/francais/artc_73_29_09_2014/article.php). Ali Bongo étant réputé né en 1959, Nzalakanda n’aurait donc pu valider sa déclaration de naissance publiée par Le Monde, puisque «nommé 2ème adjoint au maire à la mairie de Brazzaville, il supplée l’abbé Youlou à la tête de la commune jusqu’à son départ en stage professionnel à Paris en 1958.»

Tout aussi étonnant, dans le document publié, Patience Dabany est née «vers» 1944 alors qu’on parlait jusque-là du 22 janvier 1944 tandis qu’Omar Bongo, connu pour être né le 30 décembre 1935, y est, lui, «né vers mil neuf cent trente cinq». On pourrait toutefois alléguer que les biographies officielles se sont arrangées pour donner à ces deux personnalités des dates exactes de naissance et que ce ne sont là que des détails.

«Photographie datée de 1963 appartenant à la famille Teale. L'aîné Michel (deuxième en partant de la gauche) est aux côtés de son père. Alain-Bernard Bongo (le deuxième en partant de la droite) est devant sa mère Joséphine.» © DR | lemonde.fr
«Photographie datée de 1963 appartenant à la famille Teale. L’aîné Michel (deuxième en partant de la gauche) est aux côtés de son père. Alain-Bernard Bongo (le deuxième en partant de la droite) est devant sa mère Joséphine.» © DR | lemonde.fr
Le Monde publie également une photographie dont Michel Teale, ancien ministre sous Omar Bongo, ancien premier maire adjoint de Libreville et candidat indépendant à l’élection présidentielle de 2009, relate la petite histoire : «C’était en 1963, j’avais 13 ans. Notre père est venu nous rendre visite dans le Loiret où nous étions élevés avec mon frère par la famille Imbault. Il est venu avec tonton Albert, qui n’était pas encore président, et tata Joséphine. C’est ainsi que nous les appelions. C’était la première fois que je voyais le petit Alain-Bernard. Il devait avoir 4 ans, 4 ans et demi. C’est tonton Albert qui a pris la photo… Environ un an plus tard, je l’ai recroisé avec sa mère dans une salle d’attente de l’ambassade du Gabon à Paris.» Un témoignage qui n’a donné lieu qu’à très peu de commentaires alors que la photographie a été taxée de montage Photoshop, même dans les commentaires de l’article sur lemonde.fr.

De cette photographie qui avait déjà été publiée en 2009 par le magazine disparu «Ici les Gens du Gabon» après qu’Ali Bongo eut lui-même soulevé le problème de sa nationale, un observateur interroge : «Pourquoi Le Monde ne nous donne-t-il pas les noms et prénoms de toutes les personnes présentes sur cette photo ? Sur 7 personnes présentes, seuls 4 sont identifiées. Et les 3 autres ? Il s’agit des photos de la famille Teale et Albert Bongo serait le photographe. Soit. Cela signifie donc que le propriétaire de l’appareil photo était soit Bongo, soit Teale père. Et il n’existe aucune autre photo ? Même pas une photo de cette année 1963 entre Albert, Joséphine et Alain-Bernard au cours de ce qui pouvait donc être leur premier séjour en France ?»

Des questions et des questions

Plutôt que d’en constituer l’épilogue, la publication du journal Le Monde est un véritable rebondissement de ce qu’au Gabon on nomme l’«affaire Péan». Si tant est que le document publié doit être pris au sérieux, il doit, par voie de conséquence, amener à reconnaître que l’acte de naissance jusque-là querellé et qui a été utilisé à la présidentielle anticipée de 2009, est un faux. Ce qui devrait faire reconnaitre le délit d’usage de faux. Enfin, amènerait également à dire que cet acte «original» n’a jamais été transcrit au Gabon. Aussi, pour que l’identité actuelle d’Ali Bongo soit réelle, il faudrait maintenant que soit exhibée la transcription gabonaise de cet acte de naissance de Brazzaville ainsi que les décisions du tribunal qui lui ont permis, premièrement de changer de prénom pour passer d’Alain Bernard à Ali Ben et, deuxièmement, d’adjoindre Ondimba.

Si l’on doit noter que les plaintes engagées par l’opposition ne portent pas sur la nationalité du fils d’Omar Bongo mais sur l’usage de faux et l’inscription de faux en écritures publiques, la publication de Le Monde vient d’apporter de l’eau au moulin de l’accusation.

Si le seul document que Le Monde présente est une photographie d’un registre d’état civil que des proches de la présidence gabonaise affirment avoir découvert ces dernières semaines dans les archives de la mairie de Brazzaville, doit-on déduire qu’Ali Bongo ne détenait donc aucun autre document d’état civil avant cette «découverte» ? Comment donc a-t-il vécu jusqu’en 2009, avant que Sieur Akassaga Okinda ne lui en délivre un «faux» ? Par ailleurs, pourquoi le journal Le Monde s’est-il gardé d’interroger les archives de Nantes sur la foi du document qui lui a été produit ? Sauf si là aussi, Ali Bongo a été piégé par celles et ceux qui prétendent lui rendre service ou le servir. Autant d’éléments qui vont nécessairement alimenter la plainte contre Pierre Péan et surtout les plaintes déposées au Gabon contre Ali Bongo et d’autres personnalités impliquées.

Et Le Monde de conclure : «La polémique, qui réveille des pulsions xénophobes au Gabon, est assez nauséabonde. Pour la clore, Ali Bongo pourrait produire, s’il existe, un extrait d’acte de naissance archivé à Nantes ou se soumettre avec sa mère à des tests ADN. Cela permettrait d’aborder les vraies questions autour de la future présidentielle : peut-on accepter une succession dynastique du pouvoir ? Que propose l’opposition composée essentiellement d’anciens caciques du régime Bongo ? Comment se fait-il qu’après plus de cinquante ans d’indépendance, ce petit pays pétrolier d’environ 1,7 million d’habitants soit aussi peu développé ?»

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES