Interrogé par la rédaction de Gaboneco suite à son dépôt de plainte effectué mercredi 14 janvier contre quinze sociétés des secteurs pétrolier, forestier et minier, Roland Désiré Aba’a, responsable de l’ONG Univers Nzang Nkili Gabon (UNNG) a expliqué les raisons qui l’ont poussé à accomplir cette démarche. Il reproche aux sociétés mises en causes, « la fracture qui est constatée entre ce qui peut constituer le revenu tiré de l’industrie extractive et le niveau de pauvreté dans lequel croupissent les populations gabonaises ».
Gaboneco (Ge) : Le 14 janvier 2015 vous avez déposé une plainte au palais de justice avec constitution de partie civile contre plusieurs sociétés des secteurs pétrolier, forestier et minier. Que reprochez-vous à ces sociétés?
Roland Désiré Aba’a (RDA) : Nous leur reprochons la fracture qui est constatée entre ce qui peut constituer le revenu tiré de l’industrie extractive et le niveau de pauvreté dans lequel croupissent les populations gabonaises.
Si un Etat peut s’appuyer sur ses revenus pour se développer et pour assurer le bien être social à ses populations, il est évident que l’industrie extractive constitue la locomotive des revenus de notre pays le Gabon et qu’à partir des revenus tirés de l’exploitation de cette industrie extractive, il puisse avoir un retour financier qui permettrait de relever le niveau de vie des gabonais. Voilà ce que nous reprochons à ces sociétés.
Où se trouve la fracture? Serait-elle au niveau du gouvernement, au niveau des déclarations, au niveau local, des revenus tirés de l’exploitation de notre industrie extractive? Alors les procédures judiciaires permettraient à partir d’une enquête et de l’instruction qui sera faite dans bientôt, de ressortir les responsabilités des uns et des autres tant sur le plan économique que social?
Ge : On parle de trois secteurs d’activités, de plusieurs sociétés. Qui sont-elles?
RDA : La liste des entreprises n’est pas exhaustive mais celles qui figurent dans les plaintes qui ont été déposées, sont celles qui ont des sièges sociaux à Libreville puisque par territorialité de compétences juridique il y en a qui sont installées dans d’autres provinces du Gabon donc, nous avons saisi celles qui sont concernées par la juridiction du tribunal de première instance de Libreville.
Ge : Quels sont leurs noms?
RDA : Il y a entre autres SNBG, IBNG, Leroy Gabon, Rougier Gabon, Groupe Sunly, 8 sociétés pétrolières Total Gabon, Shell Gabon, Perenco, Maurel et Prom, Tullow Oil, MPDC Gabon, BHP Petroleum et deux sociétés minières à savoir COMILOG et CICM Huazhou Gabon SA
Ge : Qu’attendez-vous de cette plainte? Pensez-vous qu’elle connaîtra un écho favorable?
RDA : Il faut dire que c’est une première et que pour le faire nous avons justement regardé la fracture et choisi les voies de droits pour qu’une enquête décline et répartisse les responsabilités. La plainte a été déposée et elle a été jugée recevable puisqu’une ordonnance de consignation de constitution de partie civile a été évaluée.
La valeur financière de la consignation de partie civile a été payée donc nous attendons que le parquet ouvre l’enquête. Le tribunal de Libreville est un instrument de droit. Il va se mobiliser et il va jouer pleinement son rôle pour que les responsabilités conformément à notre plainte soient dégagées.
Ge : En terme de chiffres, à combien sont évaluées les pertes de l’Etat?
RDA : En valeur financière par rapport à la cotation internationale, il faut signaler que les indicateurs sur lesquelles nous nous sommes basés jusque là, hormis ceux de la CIA, nous avons pris les indicateurs disponibles au grand public, ceux du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
Le classement du Gabon en tant que pays riche est évident : 35e producteur de l’or noir, c’est-à-dire du pétrole brut, 2e producteur de manganèse, grand producteur de bois tropical et d’autres richesses qui sont exploitées au Gabon. Lorsqu’on regarde la manne financière de la production annuelle déclarée sur les bases autorisées qui sont les bases du PNUD, le Gabon gagnerait autour de 377 millions de milliards de francs CFA.
A cette valeur si l’on fait une comparaison par rapport à la déclaration de la loi de finance sur le revenu de l’Etat qui constitue le budget, entre 377 millions de milliards et 2500 milliards de francs CFA, la différence est énorme. Nous jugeons que les 2500 milliards que déclare le Gabon en termes de revenus pourraient augmenter.
Ge : Vous réclamez une valeur financière équivalente à la valeur tirée pour une année de production à verser dans les caisses de l’Etat et évaluée à plusieurs milliards. Cet argent sera t-il réellement versé dans les caisses de l’Etat si votre démarche aboutit?
RDA : Nous pensons que si les instruments de droit du Gabon font leur travail et que les sociétés sont jugées coupables des délits que nous leur reprochons, la répartition du préjudice qui ne va pas tenir à la seule année où nous nous déclarons, parce que les chiffres que nous avons déclarés sont des chiffres de 2009, 2010, 2011, cet argent sera versé dans les caisses de l’Etat. Si nous demandons une réparation d’une valeur globale d’une production annuelle qui se chiffre à 377 millions de milliards, nous pensons que c’est une réparation symbolique.
Ge : Avez-vous eu une relation quelconque avec les sociétés que vous mettez en cause?
RDA : Aucune relation à part que ce sont des entreprises de droit gabonais puisqu’elles sont installées dans le pays et elles fonctionnement selon le régime fiscal gabonais. Une relation particulière non, ce sont tout simplement des entreprises qui exploitent notre patrimoine naturel, qui sont installées au Gabon et qui profitent au maximum des revenus tirés de l’industrie.
Ge : Aucune relation, ni même professionnelle par le passé?
Je suis expert en stratégie organisationnelle et développement, ingénieur en génie électrique, il m’est arrivé de fournir des prestations pour Total ou pour une autre société mais en qualité de prestataire. Il n’y a pas de relation particulière employeur-employé, aucune.
Ge : Oui mais vous, qu’avez-vous à gagner dans cette affaire?
RDA : Cette question m’a été posée à plusieurs reprises. Quel est votre intérêt à poursuivre les sociétés de l’industrie extractive? Je répondrai à cette question en faisant appel à la Constitution gabonaise par la loi fondamentale art.1 alinéa 21 « tout citoyen à le droit de défendre son pays et d’en mourir pour ».
Par cette disposition je pense que si j’ai pu constater par des enquêtes que le Gabon était victime d’une spoliation, du vol, de détournement de tout genre, il est de mon devoir en tant que citoyen gabonais de poser des actes ou de lancer un cri d’alarme en direction des instruments et des organisations compétentes pour dire assez ! Cette situation qui accable le développement de notre pays et qui accable au premier rang, les populations gabonaises doit s’arrêter ! Donc, si le procès arrive à terme le Gabon gagne, j’ai gagné.