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Interview du Dr. Daniel Mengara: « Ali Bongo gagnera si l’opposition accepte qu’Ali Bongo se représente »

Dr. Daniel Mengara, Président du mouvement "Bongo Doit Partir-Modwoam"
Dr. Daniel Mengara, Président du mouvement « Bongo Doit Partir-Modwoam »

Interview du Dr. Daniel Mengara, leader du mouvement politique en exil « Bongo Doit Partir-Modwoam », accordée le 24 janvier 2015 au journal camerounais Intégration.

Intégration: Daniel Mengara, vous dites que tout est déjà joué pour la prochaine élection présidentielle gabonaise ?

Daniel Mengara : Oui et non. Ce sera évidemment déjà joué à l’avantage d’Ali Bongo Ondimba uniquement si l’opposition, d’une part, accepte qu’Ali Bongo, qui est aujourd’hui frappé d’illégitimité absolue, se représente et, d’autre part, aille à cette élection en des termes qui sont décidés et dictés unilatéralement par le régime des Bongo. Autrement dit, Ali Bongo gagne automatiquement si l’opposition n’arrive pas à imposer un débat pré-électoral vigoureux qui, au minimum, aurait pour conséquence effective et immédiate une réforme constitutionnelle devant ramener notre pays, sur la base d’un consensus national, à une élection à deux tours, à une limite maximale de deux mandats successifs, à la mise en place d’un fichier électoral biométrisé fiable basé sur un recensement fiable de la population en âge de voter, à une indépendance avérée de la Commission électorale, à la présence d’observateurs internationaux indépendants dans chaque bureau de vote et, enfin, à une réforme de la structure, du statut et des prérogatives de la Cour constitutionnelle, ce qui suppose non seulement son indépendance, mais aussi la démission des membres qui la composent actuellement.

Intégration : Quel bilan faites-vous du premier mandat d’Ali Bongo ? Et sans doute, vous êtes de ceux qui se demandent ce que Ali Bongo et d’autres présidents africains sont allés faire dans ce que les médias présentent comme la marche historique de Paris ?

Daniel Mengara : Vous posez deux questions qu’il faut séparer. Il me semble évident que la présence d’Ali Bongo et autres dictateurs africains qui pourfendent la liberté d’expression dans leurs propres pays à une manifestation censée défendre cette même liberté est un paradoxe insoutenable. Cela participe évidemment de leur désir de se donner un peu de crédibilité alors même que, aux yeux du monde, ils sont ridicules. Ils ont plutôt l’air de petits négrillons allant rire jaune devant les Blancs, ne comprenant pas que tout le monde autour d’eux les regarde avec mépris.

Quant au bilan d’Ali Bongo, que voulez-vous que je vous dise. C’est une vraie débâcle nationale, une hécatombe. Quand on passe toute sa vie sous les jupettes de papa, quand on apprend de papa tout ce qu’il y a de plus immoral, de plus criminel, et que, au final, comme le font tous les parvenus, on ne parvient au pouvoir que parce que papa avait mis en place un système politique garantissant au fils l’accès facile au pouvoir, le résultat ne peut être que désastreux. Les hommes ont certes changé, mais le système d’incompétence qui a fait que Bongo le père n’ait pu rien faire de bon en 42 ans de pouvoir est le même qui a fait qu’Ali Bongo ne fasse rien de bon. Les Bongo Ondimba sont donc tout simplement une véritable malédiction pour le Gabon. Cinq ans, c’est une éternité et pourtant, regardez vous-mêmes : Ali Bongo avait promis lors de sa campagne en 2009 d’augmenter le SMIG à 150.000 francs CFA, les Gabonais attendent toujours.

Pire, il promet maintenant un SMIG de 300.000 francs au moment même où les revenus du Gabon vont être réduits de moitié par la chute des cours pétroliers. Vous trouvez cela sérieux ? Il avait, en outre, promis 5000 logements sociaux par an aux Gabonais, mais les Gabonais attendent toujours. Au lieu de s’améliorer, le climat économique a empiré avec un Etat désormais incapable de payer ses dettes extérieures et intérieures, ce qui cause actuellement la faillite de pas mal d’entreprises à cause des impayés de l’Etat. Il y a actuellement au Gabon des grèves à n’en plus finir dans tous les secteurs administratifs et économiques. Et chaque année, ce sont les mêmes revendications. Depuis 2009, il promet, je le cite, « des milliers d’emplois pour les Gabonaises et les Gabonais » ; pourtant, le chômage frappe toujours aujourd’hui entre 30 et 35% des jeunes. Les hôpitaux ne sont toujours pas réhabilités et demeurent les mêmes mouroirs qu’ils étaient sous Bongo père ; les enfants gabonais étudient encore aujourd’hui assis à même le sol, un phénomène qu’on retrouve même dans certaines écoles de Libreville.

En août 2013, il avait promis, je le cite encore, « 400 salles de classes offrant 20.000 places assises pour la rentrée d’octobre 2013 » : aucune de ces classes n’a été construite jusqu’à aujourd’hui. Alors, on se demande bien ce qu’Ali Bongo a foutu en 5 ans de pouvoir! Les routes elles-mêmes, qu’il avait dit être capable de viabiliser, demeurent toujours de vrais bourbiers. Au Gabon, il existe actuellement 9170 kms de routes, dont seulement 10% étaient bitumées au mois de juin 2013, soit environ 1055 kms de routes au total. Sur ces 1055 kms de routes bitumées, Omar Bongo avait laissé 900 kms bitumés, ce qui veut dire qu’Ali Bongo n’avait, en date du 30 juin 2013, c’est-à-dire 4 ans après son arrivée au pouvoir, goudronné que 155 kms de nouvelles routes, soit une piteuse moyenne de 38 kms de routes par an !

En gros, le bilan et le régime d’Ali Bongo, c’est une véritable escroquerie nationale. Escroquerie dans la manière dont il est arrivé au pouvoir, non pas sur la base d’une compétence lui reconnue librement par les Gabonais, mais sur la base de sa supposée filiation avec un dictateur ; escroquerie dans un projet de société qui n’était que fantasme et mythomanie vendues aux Gabonais, et escroquerie sur ses origines puisque le livre de Pierre Péan, sorti en 2014, le dit originaire du Biafra, donc fils adoptif d’Omar Bongo, ce qui, sur la base de l’Article 10 de notre constitution, veut dire qu’il n’est pas éligible à ce poste. Le fait même qu’il ait refusé de se soumettre à un test d’ADN indépendamment vérifié est preuve qu’il y a anguille sous roche. Or, c’est là la seule chose qui satisferait les Gabonais vu que c’est la seule chose qui soit de nature à établir de manière scientifique sa filiation avec sa supposée mère toujours vivante. La présentation d’un acte de naissance ne suffit plus, surtout quand on sait qu’il nous a maintenant présenté deux faux actes de naissance qui se contredisent et qui jettent le doute même jusque dans l’année de naissance de son propre « père » Omar Bongo, qui se retrouve avec deux âges différents sur les deux documents. Nous avons véritablement atteint une situation où seule une démission immédiate d’Ali Bongo serait de nature à satisfaire les Gabonais.

Intégration : Jusqu’ici, nous n’avons pas vu votre soutien à Jean Ping. Vous doutez qu’il soit la nouvelle grande figure de l’opposition gabonaise ?

Daniel Mengara : Le soutenir ? En vertu de quoi ? A ce que je sache, M. Ping, qui s’est déclaré opposant il y a moins d’un an, n’a pas encore laissé insinuer qu’il était candidat à une élection quelconque. La question de le soutenir est donc mal posée. Par contre, aujourd’hui il ne s’agit pas de soutenir qui que ce soit à quoi que ce soit, mais de nous montrer solidaires au sein de l’opposition dans le but commun que nous poursuivons, c’est-à-dire, je l’espère, forcer Ali Bongo et son régime au départ immédiat par tous les moyens vu que nous ne pourrons jamais attendre de ce dictateur qu’il accepte les réformes démocratiques qui feront que les Gabonais se sentent en confiance que leur vote reflètera vraiment le choix qu’ils auront fait dans les urnes. Pour moi, il est plus urgent aujourd’hui que l’opposition se montre solidaire dans le but commun de dégager le régime des Bongo du pouvoir et d’instaurer à sa place un Etat construit sur des institutions démocratiques solides. Les questions de qui soutient qui, vous savez, deviendraient totalement secondaires dans un pays où prévaudraient les principes de démocratie qui autoriseraient chaque Gabonais qui s’en sent l’envie à se présenter sans entrave à l’élection qu’il veut. C’est pour l’affirmation absolue de cette liberté fondamentale que nous nous battons tous aussi, je crois. Autrement dit, si nous nous battons pour un deuxième tour d’élection, le débat sur la candidature unique de l’opposition deviendrait caduque. Se battre pour la candidature unique, c’est, en fait, se battre sur le terrain contrôlé par le régime. C’est une manière d’être canalisés comme des moutons par le dispositif électoral actuel que tout le monde sait est construit pour conduire à la victoire frauduleuse des Bongo.

Je le répète donc: avec ou sans candidature unique, ce qui a fait que le régime des Bongo « gagne » les élections depuis 1968 fera que le régime gagne encore en 2016 si nous nous amusons, au Gabon, à embrasser cette connerie de candidature unique, je dis bien cette connerie de candidature unique, pour aller à des élections avec le système actuel toujours en place. La candidature unique est donc un faux débat de la part de ceux qui ont déjà abdiqué, ceux qui ont déjà abandonné le combat pré-électoral obligatoire qui doit imposer une réforme constitutionnelle au Gabon avant la prochaine élection, bref, c’est le choix de ceux qui veulent simplement aller jouer les figurants dans une élection à un tour qui garantirait une énième « victoire » frauduleuse aux Bongo/PDG. La bataille à mener aujourd’hui n’est donc pas une bataille pour la candidature unique, mais, comme je l’ai dit plus haut, une bataille pour la réforme constitutionnelle avant l’élection, une bataille pour les deux tours d’élections, une bataille pour la transparence électorale. A défaut de cela, c’est la rue qui doit parler au Gabon, comme elle l’a fait au Burkina Faso ou en Tunisie.

Intégration : On se souvient que à une époque, vous avez dirigé des manifestations devant la maison Blanche, devant le secrétariat d’Etat américain et d’autres endroits en vue aux USA. Tout ceci pour dénoncer les Bongo et les « biafrairies » d’Ali Bongo. Pourquoi actuellement votre mouvement se fait absent ?

Daniel Mengara : Absent ? Non. Nous n’avons jamais été absents. En fait, depuis 1998, le mouvement « Bongo Doit Partir » reste résolument concentré comme un missile à tête chercheuse vers le seul et même objectif qui dit que rien de bon ne peut se passer au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir et que, par conséquent, les Bongo doivent partir. Souevenez-vous, jusqu’à une époque récente, nous étions les seuls à continuer à marteler que l’insurrection sera la seule solution au problème politique du Gabon. Cette position intransigeante nous a fait beaucoup d’ennemis au sein du pouvoir comme au sein de l’opposition. On nous a accusés d’être des extrémistes. Beaucoup pensaient qu’on pouvait encore négocier avec les Bongo, qu’on pouvait raisonner avec eux, qu’on pouvait leur laisser le bénéfice du doute. Certains de nos amis, qui croyaient détenir la solution par la négociation et les méthodes conviviales, nous ont même quittés, nous trouvant trop intransigeants sur la question du départ inconditionnel des Bongo. Ils nous ont même demandé d’enlever le nom « Bongo Doit Partir » que porte notre mouvement. Nous avons dit: « Momoh! Niet! » et avons maintenu notre ligne. Aujourd’hui, on est où? Tous ceux qui nous ont quittés, tous ceux qui nous ont critiqués, tous ceux qui nous trouvaient extrêmes ont tous maintenant le mot insurrection à la bouche. On en voit même aujourd’hui qui se disent plus déterminés que nous sur une idéologique du « Bongo Doit Partir » que hier ils rejetaient encore avec force. Ils ont enfin compris que ce n’est ni par les urnes, ni par le miracle de Jésus-Christ ou la grâce de la vierge Marie, et encore moins par le bon vouloir des Bongo, que le Gabon changera. C’est dans la rue que se décidera l’avenir démocratique du Gabon.

Vous voyez donc que, alors que tout le monde allait dans tous les sens et dansait la bamboula politique comme des girouettes, le Daniel Mengara que je suis, ainsi que le mouvement « Bongo Doit Partir » que je dirige, sommes restés droits comme une aiguille, et focalisés comme des missiles sur l’objectif, car nous savions que la vérité est linéaire, un peu comme la loi de la gravité. On peut aller à gauche, à droite, en bas, en haut, devant, derrière, on finira toujours par revenir à la seule loi qui compte: celle de la vérité. La seule vérité qui vaille encore aujourd’hui comme hier est que les Bongo ne sont pas bons pour le Gabon; les Bongo doivent donc partir. Par tous les moyens. C’est tout. Un point, un trait.

Il se trouve simplement que, depuis 2012, nous nous sommes décidés à préparer un retour politique au Gabon qui allait nous permettre de sortir de ce que les Gabonais aiment à appeler « la virtualité » pour aller livrer directement, nous-mêmes, sur le terrain, notre message d’espoir, de renouveau et de changement immédiat. Les marches et les réunions à Washington, Paris, Dakar ou autres villes où s’active la diaspora gabonaise, c’est bien. Mais ce n’est pas avec cela que nous ferons tomber ce régime. Il nous faut réellement faire entendre notre message aux Gabonais, par nous-mêmes, et ainsi effectuer la transition générationnelle vers une autre manière de faire, une autre manière de combattre. Parce que le changement au Gabon ne se fera ni par sous couvert ni par procuration, nous avons tout simplement décidé d’aller au Gabon confronter notre discours insurrectionnel aux réalités du terrain, surtout nous qui disons depuis 1998 que les Bongo ne partiront du pouvoir que forcés. Voilà pourquoi, au BDP, nous avions pris la décision en 2012 de nous transformer en parti politique en vue de faire le travail de terrain qu’il y a à faire pour se défaire des Bongo/PDG. Notre retour politique au Gabon, qui se fait d’ailleurs en synergie avec d’autres compatriotes d’Amérique du Nord décidés à en découdre, se prépare donc avec une certaine assurance, une certaine sérénité, et quand nous serons prêts, nous l’annoncerons.

Intégration : Au fait, Daniel Mengara va-t-il encore tenter de poser sa candidature à ces futurs présidentielles ? Quels seraient donc vos propositions pour le Gabon ?

Daniel Mengara : Possible. En fait, j’ai déjà, à titre symbolique, laissé entendre que je me présenterais en 2016 si l’élection a lieu et mon site politique, « mengara.com », présente toute la teneur de mon projet pour le Gabon. Mais quand on sait l’idéologie insurrectionnelle qui m’anime et qui anime le mouvement « Bongo Doit Partir », ce serait une contradiction si je disais que je me présentais en espérant gagner par les urnes. Comme je l’ai toujours dit, il est impossible pour l’opposition de gagner l’élection au Gabon par les urnes, ceci parce que le système électoral gabonais est formaté pour assurer la victoire ad vitam aeternam des Bongo. C’est une réalité incontournable. Tout candidat sérieux de l’opposition doit donc savoir que c’est dans la rue qu’il devra conquérir cette victoire et non dans les urnes. Dans ce contexte, ma candidature doit être automatiquement, et obligatoirement, comprise comme une candidature insurrectionnelle visant à conquérir par le moyen démocratique de la rue le changement que les Gabonais ne pourront jamais conquérir par les urnes.

Mais attention, conquérir le pouvoir dans la rue ne veut pas dire que j’attendrai forcément que l’élection se tienne ou que, si elle se tient, je serai président du Gabon ! Si par la grâce de Dieu je devenais l’artisan d’un mouvement insurrectionnel réussi avant ou après l’élection, je mettrai plutôt en place une transition qui sera dirigée par un de nos aînés tel Luc Bengono Nsi ou Benoit Joseph Mouity Nzamba, parmi d’autres, pour que soit remis totalement à plat, lors de cette transition, tout le système politico-constitutionnel du pays conformément aux vœux de démocratie des Gabonais, et de nouvelles élections tenues dans les 12 mois, afin d’élire celui ou celle qui deviendra le président légitime du pays. De la même manière qu’il n’y a aucune légitimité à conquérir le pouvoir par la fraude électorale, il n’y a aucune légitimité à devenir président sur la base d’une insurrection. L’insurrection sera simplement l’occasion de la restitution du pouvoir et de la souveraineté au Peuple gabonais et, lors de la transition, ce peuple lui-même se fixera les objectifs qui l’amèneront au Gabon nouveau que nous attendons depuis maintenant un demi siècle.

Avant donc que de parler de propositions pour sortir le Gabon de sa meurtrissure économique et humaine, il faut d’abord parler de le sortir de sa meurtrissure politique. Il me suffit donc de dire ici qu’un Mengara au pouvoir serait capable de faire en cinq ans ce que les Bongo père et fils n’auront pas été capables de faire en près de 50 ans de pouvoir sans partage.

Intégration : Au point où nous en sommes, la guerre sévit au Cameroun et en RCA. Comment jugez-vous l’attitude du gouvernement gabonais face à ses voisins en difficulté ?

Daniel Mengara : C’est un scandale. Le Cameroun est un pays limitrophe du Gabon. Un Cameroun en difficulté avec Boko Haram au niveau de sa frontière nord veut dire que tôt ou tard, cette guerre qui frappe le Cameroun pourra finir par se déverser sur le Gabon. Plutôt que d’attendre, les pays d’Afrique centrale ont tout intérêt à se préparer et, donc, à aider à juguler ensemble cette menace tant qu’elle reste encore circonscrite dans le nord du Cameroun. Si le Cameroun est déstabilisé par cette menace, le Gabon le sera aussi.

Intégration : Vous aussi vous voyez la main de la France dans cet embrasement de l’Afrique centrale ?

Daniel Mengara : La main de la France n’est pas ce qui m’inquiète. J’estime que, depuis l’époque coloniale tout comme dans les rapports entre humains, la réalité est que c’est une question de survie du plus apte, exactement comme cela se passe chez les animaux. Dès lors que nous, Africains, réaliserons que la question des rapports entre la France, la Chine, les USA, l’Inde, nous et tous les autres peuples qui interagissent aujourd’hui dans le cadre de la mondialisation, c’est d’abord une question d’intérêt où chacun se bat pour assurer sa propre survie, je crois que nous aurons fait un grand pas.

Je crois que ce que nous devons faire aujourd’hui, ce n’est plus se demander en pleurnichant si la France a une main dans nos conflits ou pas, ou si la France est là pour nous exploiter ou pas, mais plutôt nous demander ce que nous-mêmes, et surtout nos dirigeants, faisons pour réduire ces ingérences dont vous parlez et affirmer la personnalité africaine à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. Je suis encouragé de voir ce qui s’est passé au Burkina Faso avec le soulèvement populaire qui a renversé, contre toute attente, Blaise Compaoré. Et j’espère que d’autres pays africains suivront cet exemple d’affirmation souveraine de la volonté du Peuple face à un dictateur que nous savons avait, de par le passé, tout le soutien de la France. Autrement dit, nous devons arrêter de pleurnicher et simplement agir dans le sens qui protégerait le mieux nos intérêts. C’est à nous mêmes Africains de changer ces vieilles équations, ces vieux paradigmes. Le monde bouge. Bougeons avec.

Intégration : Ne peut-on pas regretter l’absence d’Omar Bongo dans la sous-région quand on sait que de son temps il n’y avait jamais des situations sécuritaires si alarmantes ?

Daniel Mengara : Heu… non. Les questions sécuritaires ne peuvent dépendre d’un seul homme, surtout pas de quelqu’un qui n’a jamais été un exemple dans son propre pays. Le Gabon n’a ni capacité militaire ni une réelle capacité d’influencer des phénomènes qui trouvent leurs origines ailleurs. Certes, ces questions sécuritaires méritent qu’on les étudie avec sang froid. D’abord en se disant que, sur le plan interne de nos pays, il y a beaucoup à faire dans la sécurisation politique et économique de nos peuples. Tout le monde sait que la pauvreté extrême et la perte des repères moraux, qui découlent de la meurtrissure des peuples sous la dictature, sont le ferment dont se sont toujours nourri les extrémismes en tous genres. Notre première ligne de défense contre tout cela est donc avant tout la démocratie et ses corolaires que sont la gestion et redistribution responsables et équitables de nos ressources nationales. Quand le peuple se sent bien et en confiance, il devient lui-même le premier rempart sécuritaire.

Le deuxième axe est, malheureusement, un axe international. La conjoncture politique mondiale, surtout depuis la chute de Kadhafi et la guerre en Syrie, est telle que la menace sécuritaire est devenue multipolaire, mondiale et hautement asymétrique. Elle touche aujourd’hui l’Afrique avec Boko Haram et est déjà engagée en Afrique de l’est dans des pays comme la Somalie et le Kenya. Or les extrémismes se nourrissent, principalement, des mécontentements populaires dans les pays les plus touchés par la dictature, attirant ainsi la sympathie des jeunes désoeuvrés et autres désappointés qui deviennent ainsi des proies faciles au recrutement. Engageons rapidement l’Afrique sur la voie de la démocratie et du développement humain durable si nous voulons limiter, puis réduire, ces menaces sécuritaires. C’est la seule voie. Aucune guerre ne pourra être gagnée contre l’extrémisme tant que des recrues faciles existeront dans les pays à fortes dictatures où des peuples entiers se retrouvent meurtris par la soif de pouvoir et la kleptomanie déshumanisante de dirigeants incompétents.

Intégration : On sait que le football est l’une de vos passions, alors qui selon vous va remporter la CAN qui se joue actuellement en Guinée Equatoriale et, comment appréciez-vous jusqu’ici le niveau de jeu et l’organisation de la compétition ?

Daniel Mengara : Evidemment, je souhaiterais que les Panthères du Gabon gagnent ou, à défaut, nos frères félins, les Lions indomptables. Mais comme j’ai aussi l’esprit fair-play, je dirai, plutôt, « que le meilleur gagne » !

Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’avez donnée de m’exprimer, dans votre journal, sur les questions qui préoccupent actuellement mon pays le Gabon, mais aussi toute l’Afrique.

Propos recueillis le 24 janvier 2014 par Célestin Ngoa, journaliste et correspondant  du journal camerounais Intégration. 

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