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« L’argument de la candidature unique est un hors sujet politique »: Vidéo et Texte du Discours du Dr. Daniel Mengara, Chambre de Commerce, Libreville 14 août 2015

Ci-dessous le texte intégral et les extraits vidéo du discours du Dr. Daniel Mengara délivré lors de sa conférence de presse à la Chambre de Commerce de Libreville le 14 août 2015. C’est la conférence de presse qui a bouleversé le discours politique national et relancé le débat sur la destitution d’Ali Bongo Ondimba.


Le fichier PDF du discours se trouve ici.


Bonjour.

On m’avait dit en venant ici que j’aurai peur de parler, de dire les choses que je dis souvent sur Internet, hors du pays. Malheureusement pour ceux qui pensent cela, je vais parler. Comme d’habitude.

Mais je suis quand-même déçu que notre chauffeur national ne soit pas venu me chercher à l’aéroport. Même ça, il n’arrive pas à bien faire. Ça confirme son incompétence. Voilà pourquoi on va le virer pour qu’il aille conduire les taxibus à temps plein.

Chers compatriotes,
Mesdames et messieurs des médias,
Amis du Gabon,

Vous me permettrez, avant tout, de vous transmettre le salut de la diaspora gabonaise, notamment le salut patriotique du mouvement « Bongo Doit Partir-Modwoam », dont je suis le président, le salut des Gabonais Politiquement Engagés en Amérique du Nord, dont je suis le Porte Parole, et celui de la diaspora de France, notamment celle regroupée au sein de la CAPPO (Coalition des Associations et Partis Politiques de l’Opposition), avec laquelle nous travaillons en parfaite synergie. C’est vous dire qu’une certaine diaspora, celle avec laquelle je travaille, est totalement unie autour des thématiques et enjeux qui préoccupent les Gabonais aujourd’hui, à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national.

Je vais néanmoins ici vous demander de me faire l’indulgence d’accorder une minute de silence en hommage aux martyrs de la République, notamment :

– Hommage au jeune patriote Bruno Mboulou Beka, assassiné sauvagement dans la fleur de l’âge par les Bongo-PDG, alors qu’il essayait simplement d’exprimer, en tant que jeune citoyen, son opinion sur la gestion calamiteuse du pays.
– Hommage à notre frère Grégory Ngbwa Mintsa, un homme qui, comme moi, n’a jamais flanché, n’a jamais cédé, n’a jamais trahi son idéal, l’idéal de tous les patriotes et citoyens gabonais qui n’en peuvent plus.
– Mais il y en a d’autres : Martine Oulabou, Pierre Louis Agondjo Okawé, Pierre Claver Zeng, Joseph Rendjambé, Pierre Mamboundou, André Mba Obame.

Mais il y a aussi d’autres martyrs, ceux qui ne sont pas morts, ceux qui continuent l’œuvre de Gregory Ngbwa Mintsa et qui souffrent chaque jour dans leur âme et dans leurs corps les brimades, les intimidations, les privations, parce qu’ils se sont donnés pour sacerdoce de défendre le droits des Gabonais, le droit de tous les Gabonais, à la dignité et à libre poursuite du bonheur. J’en citerai seulement quelques uns : Dans la galaxie associative et syndicale: Marc Ona Essangui, Georges Mpaga, Marcel Libama, Jean Elvis Ebang, Paulette Oyane Ondo ; dans la galaxie politique : Luc Bengono Nsi, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, Zacharie Myboto. Nous n’oublierons pas nos courageux étudiants tels Firmin Ollo ou Célestin Minto’o Minto’o, eux qui, comme tant d’autres, ont subi la répression pour avoir osé dire “trop c’est trop”.

Voilà pourquoi, si j’en avais eu le pouvoir, j’aurai demandé au peuple gabonais de boycotter désormais les fêtes du 17 août, donc ce 17 août en restant à la maison. Je leur aurais dit, « si vous n’avez pas le courage d’être dans la rue, ayez au moins le courage de rester à la maison. Nous ne devons plus fêter les 17 août au Gabon car cette date n’est pas synonyme de vraie indépendance pour nous. La seule date de l’indépendance que nous devrons fêter et célébrer sera la date de la chute du régime Bongo.

Chers compatriotes,

Je suis ici pour vous parler des vrais enjeux et des vrais débats. Ne tournons donc plus autour du pot et commençons par le premier problème qui est le problème de l’électoralisme au Gabon, c’est-à-dire cette attitude qui veut que nous allions toujours comme des moutons à des élections perdues d’avance alors même que l’opposition n’a aucune chance de gagner ces élections si une réforme préalable n’est pas envisagée avant toute nouvelle élection au Gabon. L’argument de la candidature unique comme solution au problème de la fraude électorale est, à mon sens, un hors sujet politique. Ceux qui soutiennent la position que l’opposition, en s’alignant derrière un candidat unique, pourrait gagner par les urnes en l’état actuel de nos institutions confondent le Gabon avec une démocratie dotée d’institutions normales. Or, nous ne sommes pas en contexte normal, mais en contexte de dictature.

Evidemment, quand nous étions tous à l’école primaire et que nous faisions des hors sujets à la rédaction, quelle note pensez-vous que le maître nous donnait ?

Si l’on avait un maître gentil, il nous donnait 2 sur 20, et puis il notait en bas, « médiocre », voire même, « nul ». Je l’ai déjà dit de par le passé, chers compatriotes, le Gabon n’est pas une démocratie, mais une dictature, et que face à une dictature comme la nôtre, les urnes ne sont pas une solution, qu’on ne peut pas combattre une dictature avec les méthodes faites pour un contexte démocratique et que, parce que le combat contre une dictature est une forme de guerre, l’on n’a pas besoin, pour ce type de combat, d’un leader politique, mais plutôt d’un chef de guerre.
Ne soyons donc pas hors sujet en proposant la candidature unique car les faits sont têtus. Regardez vous-mêmes : Au Gabon, il y a eu, en date d’aujourd’hui, quatre élections législatives depuis 1990 : 1996, 2001, 2006 et 2011  et quatre élections présidentielles : 1993, 1998, 2005 et 2009. Cela fait huit élections sur 26 ans. Toutes ont été perdues par l’opposition, non pas parce que l’opposition ne les gagnait pas ou n’était pas capable de les gagner, mais parce que le régime en place est organisé pour ne permettre aucune possibilité d’alternance par les urnes au Gabon.
La candidature unique est donc comme un remède donné par un médecin incompétent pour soigner la mauvaise maladie. La réalité est que, dans le système électoral ou institutionnel actuel, avec ou sans candidature unique, les mêmes causes mèneront toujours aux mêmes effets. La candidature unique est donc une solution qui s’adapte aux contours actuels du dispositif électoral, et en s’adaptant à ces contours, la seule chose qu’elle garantit, c’est la réélection frauduleuse d’Ali Bongo et des grincements de dents par le Peuple gabonais au lendemain du 30 août 2016. Et puis, pourquoi compliquer quelque chose d’aussi simple ? La réalité, pourtant, est que si nous nous battons pour un deuxième tour d’élection, nous n’aurons pas besoin d’une candidature unique.
Voici donc le premier point évacué. Mais j’y reviendrai tout à l’heure car la solution est ailleurs.

Passons maintenant au deuxième point, qui est le suivant :

Chers compatriotes : Ali Bongo Doit Partir. Oui, chers compatriotes: Bongo Doit Partir. Il nous faut mettre fin à la prise en otage du Gabon par le régime Bongo-PDG. C’est là le début du vrai débat, c’est là aussi le seul vrai débat qui se doit de préoccuper les Gabonais aujourd’hui.

Il ne s’agira donc plus pour moi de vous ressasser ici le bilan des Bongo Ondimba et du régime Bongo-PDG. Ce bilan, vous le rencontrez quand vous allez à l’hôpital, quand vous allez dans nos hôpitaux-mouroirs, et que l’on vous dit qu’il n’y a pas de médicaments pour soigner votre enfant. Quand, donc, votre enfant mourra demain à l’hôpital, souvenez-vous simplement des images de Lionel Messi au Gabon en compagnie de notre chauffeur national, et vous saurez où va l’argent qui aurait pu sauver votre enfant. Vous saurez qui a tué votre enfant : c’est Ali Bongo.

Le bilan des Bongo Ondimba, vous le voyez vous-même quand vous envoyez vos enfants à l’école et que vous devez payer des inscriptions et fournitures scolaires extrêmement coûteuses, même dans les établissements d’enseignement public, alors que l’Etat devrait avoir, dans notre pays, l’obligation d’éduquer gratuitement chaque petit enfant gabonais, et ce jusqu’à l’âge de 18 ans. Ne parlons même pas de ces classes pléthoriques où le surnombre fait que l’on trouve encore aujourd’hui au Gabon des élèves assis à même le sol faute de bancs. Beaucoup de nos enfants doivent encore marcher des kilomètres à pieds faute de bus et de transports scolaires, simplement parce que sous le régime des Bongo Ondimba, l’argent qui aurait dû servir à transporter et instruire gratuitement nos enfants est utilisé pour satisfaire les lubies d’une seule famille, d’un seul clan.

Or, le transport scolaire n’a pas qu’une fonction de service ; il a aussi une fonction de sécurisation. Avoir, au minimum, un service de transport scolaire est essentiel à la sécurisation des enfants : on sauverait de nombreux enfants gabonais de la pandémie des crimes rituels si l’Etat s’engageait à transporter les enfants de la maison à l’école, puis de l’école à la maison. Les parents auraient l’esprit tranquille en allant au travail le matin parce qu’ils sauraient que les enfants reviendront à la maison dans l’après-midi en toute sécurité. Grâce au transport scolaire. Sous les Bongo Ondimba, ce rêve des parents, ce rêve des pères et des mères gabonais, est impossible tant que les Bongo seront au pouvoir.

Le bilan des Bongo Ondimba, vous le voyez encore quand vous voulez vous rendre dans des coins du Gabon abandonnés depuis longtemps par les Bongo comme Minvoul ou Mabanda, mais vous vous rendez compte que la route qui mène à ces localités est coupée faute d’entretien. Et vous comprenez alors combien le Gabon profond souffre, à cause de l’incompétence quinquagénaire d’une seule famille, d’un seul clan.

Et on nous demande de voter encore pour un Bongo Ondimba en 2016 ? Et on nous demande de repartir à des élections perdues d’avance dans les mêmes conditions qu’en 2009 sachant que les mêmes causes menant toujours aux mêmes effets, on nous servira de nouveau le plat insipide de la fraude électorale qui permettra à Ali Bongo de proclamer, une fois de plus, une fois de trop, une victoire fondée sur l’illusion et le mensonge ?

Non, chers compatriotes. Ne nous berçons plus d’illusions.

Si j’ai créé le mouvement Bongo Doit Partir en décembre 1998, c’est parce que j’en étais arrivé, après les élections volées de 1998, à quatre constats qui sont mathématiques, donc logiquement incontournables :

Le premier fut que rien de bon ne peut se passer au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir. Qui peut démentir ce constat aujourd’hui ? L’histoire est têtue, chers amis : papa Bongo nous a laissé la République des éléphants blancs et petit Bongo est en train de nous construire la République des maquettes. En près de 50 ans, les rénovations, les refondations et les émergences se sont succédées, les fils ont succédé aux pères, pourtant le bilan est là : zéro.

Je voudrais ici en profiter pour non seulement m’excuser auprès de nos frères équato-guinéens, mais aussi les remercier, au nom du peuple gabonais. M’excuser, d’abord, pour les mauvais traitements que nous leur fîmes subir dans notre pays alors qu’ils étaient encore pauvres, et les remercier, maintenant qu’ils sont riches, de nous avoir aidés à mieux ouvrir les yeux non seulement sur l’incompétence des Bongo Ondimba, mais aussi sur la malédiction nationale que sont les Bongo Ondimba. Les Equato-Guinéens ont fait chez eux, en près de 15 ans seulement, ce que les Bongo Ondimba ne pourront jamais faire en 200 ans. Les Equato-Guinéens nous ont montré que tout est possible, que tout est encore possible, pourvu que nous ayons le courage, en tant que peuple gabonais, de nous débarrasser des pilleurs de la République que sont les Bongo Ondimba et acolytes, qui nous empêchent d’avancer, qui nous empêchent d’évoluer.

Le deuxième constat fut que le Gabon ne changera pas par la bonne volonté des Bongo. Mais vous aussi, mes frères, mes sœurs, posez-vous la question : combien de temps faut-il à un régime pour répondre aux attentes de démocratie et de progrès de son Peuple ? 50 ans, c’est une éternité, surtout dans des pays comme les Etats-Unis où on attend les résultats d’un président en quatre ans seulement d’exercice du pouvoir.

Or, cela fait 50 ans que les Gabonais attendent la démocratie : elle est où ? Cela fait 50 ans que les Gabonais attendent le progrès : il est où ? Et maintenant qu’on nous dit qu’il faut être encore patient et attendre les fruits de l’Emergence à l’horizon 2025, vraiment, j’ai envie de dire que les Bongo Ondimba se moquent vraiment des Gabonais.

Le troisième constat fut que le Gabon ne changera pas par le miracle de Jésus-Christ, ou de la vierge Marie, que ceux qui libéreront le Gabon ne viendront pas de la planète Mars ou de la communauté internationale, que si le Gabon doit changer, ce changement passera obligatoirement par l’engagement des Gabonais eux-mêmes dans la cause de leur propre libération, et rien d’autre.
Le quatrième constat fut que le Gabon ne changera pas par les urnes. A ce niveau, il suffit de se remémorer, encore une fois, les dates suivantes : Elections législatives : 1996, 2001, 2006 et 2011 ; élections présidentielles : 1993, 1998, 2005 et 2009. Cela fait huit élections sur 26 ans. Toutes ont été perdues par l’opposition, pas parce que le régime en place gagnait par la volonté du Peuple, mais simplement parce que les institutions en place sont cousues sur mesure pour garantir presque mécaniquement le maintien des Bongo au pouvoir, et partant, la suprématie et le monopole politique du parti-Etat que l’on appelle « PDG ».

Maintenant, chers compatriotes, laissez-moi vous poser la question suivante : si l’on vous dit que votre pays ne peut changer ni par la bonne volonté de vos dirigeants, ni par le miracle de Jésus-Christ ou de la vierge Marie, et encore moins par les urnes, que vous reste-t-il comme solution ?

La rue.

Vous voyez, vous avez trouvé vous-mêmes la solution. C’est ce que je m’évertue à dire depuis 17 ans. Quand j’avais lancé l’idée que Bongo devait partir, c’est parce que j’avais remarqué que le Gabon souffrait d’une maladie mentale qu’on appelle le « bongoïsme », c’est-à-dire la somme totale de ces tares, de ces vices qui ont fait que chez nous, sous les Bongo, on ait normalisé toutes les formes de déviance au détriment des valeurs cardinales qui élèvent l’homme, qu’on ait décidé que c’est la malhonnêteté et le banditisme qu’il faut récompenser et non le travail et le mérite. J’avais conclus que la seule manière de se soigner de cette maladie passera forcément par le pouvoir démocratique la rue. A cette époque, on me traita de fou, de violent.

Pourtant, ce constat n’a rien à voir avec le fait que Daniel Mengara soit violent ou pas : Je n’ai fait qu’analyser la situation du pays entre 1990 et 1998 pour conclure, mathématiquement, incontournablement, irrévocablement, que le Gabon ne changerait jamais par les urnes, mais par le pouvoir démocratique de la rue, que quel que soit ce que les Gabonais voudront tenter qui soit de nature à mener à leur libération, le passage obligé du changement au Gabon sera, forcément, la rue.

Notre choix à tous en tant que pays, en tant que nation, est donc simple : soit nous choisissons le « on va encore faire comment ? » qui continuera à noyer ce pays nôtre sous les flammes de l’enfer bongoïste, ce qui veut dire se résigner à subir l’infamie des Bongo Ondimba pendant 20, 30 ans encore, soit vous vous dites : « ça suffit comme ça », on veut le Paradis. Et dès que vous vous dites, « ça suffit comme ça », vous devez savoir, automatiquement, que c’est dans la rue que nous tous, Gabonais, devront aller conquérir la démocratie et, ceci faisant, nous trouverons le Paradis.

Laissez-moi maintenant vous raconter une petite histoire, chers compatriotes. Laissez-moi vous parler d’une histoire qui se raconte comme on raconte le mvet, chez nous. Il fut jadis un Peuple, le peuple français, dirigé en royaume français par des rois qui mangeaient toute la richesse nationale et la dilapidaient dans des projets coûteux comme des guerres et autres futilités, un peu comme chez nous on dilapide l’argent des Gabonais dans l’achat d’avions rafales qui serviront on ne sait dans quelle guerre avec quel voisin.

Un jour, à cause de la crise socioéconomique dans laquelle les dettes de l’Etat avaient plongé ce qui était alors le royaume de France, le roi Louis XVI dut, le 5 mai 1789, convoquer les Etats-Généraux, un peu comme chez nous la Conférence Nationale en 1990. Lors de ces assises réunissant les trois Ordres représentatifs du peuple français qu’étaient le Clergé, la Noblesse et le Tiers-Etat, les députés du Tiers-Etat, parlant au nom du Peuple, refusèrent les réunions séparées qui, jusque-là, avaient caractérisé les procédures parlementaires, exigeant plutôt que, cette fois, les trois Ordres se réunissent en Assemblée commune dans la même salle pour discuter de leurs prérogatives et poids politiques respectifs. Le roi, la Noblesse et le Clergé se refusèrent bien évidemment à cette idée.

L’argument des députés du Tiers-Etat était pourtant de taille et ressemblait comme deux gouttes d’eau au débat qui nous préoccupe actuellement au Gabon. Selon le système politique français de l’époque, chacun des trois Ordres possédait une voix (un vote) lors des délibérations des Etats-Généraux. Ceci voulait dire, en termes concrets, que la Noblesse et le Clergé, qui étaient deux ordres privilégiés du fait de leur complicité avec la monarchie, obtenaient toujours le dernier mot vu que leur alliance tacite leur donnait à chaque fois deux voix contre une, mettant ainsi perpétuellement en minorité les députés du Tiers-Etat qui, eux, disaient représenter 97% du peuple français. Cette injustice par laquelle une minorité représentée par le Clergé et la Noblesse décidait de l’avenir de la majorité du Peuple en complicité avec le roi leur était désormais devenue inacceptable.

Malgré, donc, le refus du roi Louis XVI et malgré les brimades militaires du roi qui alla même jusqu’à interdire aux députés du Tiers-Etat l’accès à la salle de l’hôtel des Menus Plaisirs où se tenaient les Etats-Généraux, les représentants du Tiers-Etat, se réclamant désormais du Peuple, décidèrent de se constituer en Assemblée nationale ayant seule le pouvoir, entre autres, de consentir l’impôt. Devant la pression du Tiers-Etat, le Clergé finit par céder et à se joindre aux représentants du Peuple, commençant ainsi un processus qui allait mener, en 1789, aux grands bouleversements connus aujourd’hui comme la Révolution française.

Autrement dit, chers compatriotes, en se forçant à un serment connu dans l’histoire de France comme le « serment du Jeu de paume », un serment par lequel ils juraient « de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides », les députés du Tiers-Etat déclenchaient là un processus insurrectionnel par lequel non seulement ils défiaient l’autorité du roi, mais aussi s’établissaient, dès le 9 juillet 1789, en Assemblée nationale constituante. La prise de la Bastille par le peuple 5 jours plus tard, c’est-à-dire le 14 juillet, sonnait le glas de la monarchie absolue en France. Le pays entrait donc, à partir de là, dans la phase populaire de la Révolution française. Deux ans plus tard, la France avait une nouvelle constitution qui intégrait les principes de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, principes qui entérinaient le droit des peuples opprimés à l’insurrection libératrice.

Il faut noter, cependant, que, comme au Gabon, le Peuple français avait eu pas mal d’hésitations tout au long de ce processus révolutionnaire ; il avait, par exemple, voulu accommoder le roi en l’amenant à une réforme constructive. C’est dans cet esprit que les révolutionnaires instituaient, avec la Constitution de 1791, un système politique qui, tout en abolissant la monarchie absolue et les principes de féodalité qui en étaient la matrice, établissait, à la place, un système de monarchie constitutionnelle qui laissait un rôle symbolique au roi. Mais devant les tergiversations du roi, les révolutionnaires décidèrent, une bonne fois pour toutes, de se défaire totalement de la monarchie. C’est ainsi qu’ils abolirent la monarchie constitutionnelle en 1792, amenant dès lors pleinement la France vers le système républicain.

Mais, au passage, ils décapitèrent leur roi, puis sa compagne Marie-Antoinette, en les passant à la guillotine.

Il est important de noter, au passage, que le Préambule de la Constitution gabonaise, fait sien la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Or, cette Déclaration, en son ARTICLE 2, stipule clairement, que «  Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Autrement dit, la Constitution du Gabon permet aux Gabonais de légalement s’organiser en vue de la résistance à l’oppression.

J’insiste donc sur ce point. Il est légal de se révolter, de se soulever au Gabon. Personne ne peut être mis en prison si l’acte de révolte est un acte visant à résister à l’oppression par un régime inique tel que celui que nous avons aujourd’hui. En fait, cet emprisonnement serait illégal puisqu’il irait à l’encontre de l’un des droits que l’Article 2 reconnaît comme un des droits naturels imprescriptibles de l’Homme, c’est-à-dire un droit non négociable.

Nous noterons d’ailleurs que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en France, fait simplement ici écho aux principes déjà édictés dans la Déclaration d’Indépendance américaine du 4 juillet 1776, selon lesquels « tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur » et « lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de (…) soumettre [les hommes] au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future ».

Chers compatriotes, nous y sommes là.

Les Français, comme vous le voyez, avaient, pour changer leur pays, choisi le pouvoir démocratique et démocratisant de la rue, un peu comme les Tunisiens, un peu comme les Sénégalais, un peu comme les Burkinabé, parce qu’ils savaient qu’il n’y avait aucun autre moyen, aucune autre voie pour des peuples comme le nôtre dirigés par un régime hors-la-loi, un régime de gangsters.
Evidemment, vous me poserez la question de savoir : qu’est-ce que je propose de concret, dans le cadre de cette option que j’appelle l’option du « pouvoir démocratique de la Rue » ?

Hé bien la réponse se trouve dans le mvet du peuple français que je viens de vous compter. La Réponse est, chers compatriotes, l’Assemblée Constituante car c’est la seule option de changement pacifique qui nous reste. Quand je dis pacifique, je pèse mes mots car les choix de la Rue ne sont pas nombreux : Les Gabonais peuvent, certes, faire le choix de la guerre civile ou du coup d’Etat. Mais je dirai que si nous voulons d’une option pacifique à même de garantir, dans le même temps, la démocratisation du pays, la seule option pacifique qui reste à notre pays aujourd’hui est une Assemblée Constituante par laquelle le Peuple se saisirait lui-même de sa propre destinée.

Quelle est la différence entre une Assemblée Constituante et une Conférence Nationale ?

Une Conférence Nationale, il faut le dire, est un outil de négociation par lequel le régime au pouvoir et son opposition s’accordent sur les modalités du changement. Elle a besoin, dans ce contexte, de l’accord et de la participation volontariste de toutes les parties, y compris du régime en place, pour que ses résolutions soient applicables.

Une Assemblée Constituante, elle, par contre, n’a pas besoin de l’accord ou de la participation du régime en place. Elle peut être organisée unilatéralement par une opposition déterminée et ses résolutions imposées comme nouvelle donne de gouvernance. Mais il y a plus : une Assemblée Constituante a pour principal objectif d’écrire une nouvelle Constitution, donc de reformuler les voies d’un redressement national à même de mener à un Etat qui fût un Etat de droit avec des institutions fortes. Elle peut aussi avoir un pouvoir de destitution du despote et du régime en place.
L’on comprend donc que ce que je propose, au final, est la destitution pure et simple d’Ali Bongo Ondimba et la rupture d’avec l’Etat Bongo-PDG, le système Bongo-PDG, le régime Bongo-PDG.
Voilà pourquoi je suis ici aujourd’hui, chers compatriotes.

Je suis venu proposer à l’opposition gabonaise, mais aussi au Peuple gabonais, de s’engager, dès aujourd’hui, dans une démarche visant à la destitution d’Ali Bongo Ondimba par le biais d’une Assemblée Constituante.

Je suis venu proposer à notre opposition que le moment est venu de cesser toute forme de dialogue avec le régime bongoïste et de s’engager, résolument, dès aujourd’hui, dans une démarche visant à l’organisation au Gabon, par l’opposition et toutes les forces vives de la nation, d’une Assemblée Constituante qui aurait pour objectif, entre autres,

– La rédaction d’une nouvelle Constitution qui aurait comme point de départ celle issue de la Conférence Nationale de 1990, mais qu’il faudra renforcer par l’insertion de garde-fous rendant difficile toute tentative par un régime quelconque de se concocter une Constitution sur mesure ;
– La proclamation d’une nouvelle République démocratiquement organisée sur la base de cette nouvelle Constitution ;
– La destitution d’Ali Bongo Ondimba par le peuple gabonais au travers de l’acte à valeur juridique que représente une Assemblée Constituante du Peuple par le Peuple et pour le Peuple ;
– L’évincement des institutions bongoïstes ;
– La mise en place d’une transition politique ayant pour charge principale, suite à un référendum, l’organisation d’élections libres et crédibles sur la base d’une nouvelle Constitution qui soit garante des libertés démocratiques et de la dignité du peuple gabonais.

Laissez-moi signaler que nous avons désormais tous les arguments juridiques et politiques qu’il nous faut pour non seulement militer pour une rupture de dialogue, mais aussi pour une destitution d’Ali Bongo Ondimba en bonne et due forme.

Ces arguments se sont développés en trois étapes dont la première est constituée principalement du travail fait depuis 2009, d’abord par le Président du MORENA, Luc Bengono Nsi, sur la question de l’acte de naissance d’Ali Bongo Ondimba, et qui a donc attiré l’attention de la nation sur l’usage de faux qui avait permis à Ali Bongo d’accéder frauduleusement à la magistrature suprême du Gabon ;

Le travail fait par la société civile depuis 2010 est également mis à contribution dans ce processus. La société civile, on se souviendra, avait demandé un dialogue inclusif qui prendrait la forme d’une Conférence Nationale Souveraine. Ali Bongo a refusé ce dialogue.

Il y a aussi le travail fait depuis près de deux ans par le Président de l’UPG, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, qui est également actuellement Président en Exercice du Front, et qui a déposé plusieurs plaintes et recours auprès des diverses juridictions à même de se prononcer sur les questions d’Etat de droit relatives à ce dossier d’usage de faux.

En cela, il a mis les diverses institutions devant leurs responsabilités historiques, mais aucune n’a répondu présent, confirmant ainsi la nature de régime mafia du régime des Bongo Ondimba, ce qui nous permet, aujourd’hui, de déclarer que l’opposition n’a plus d’interlocuteur valable avec qui négocier la démocratisation du Gabon et qu’il faut, dès lors, rompre le dialogue et s’organiser pour imposer unilatéralement cette démocratisation.

Il y a enfin le travail que j’ai fait dans la diaspora, notamment en France où je me suis rendu à l’initiative du Mouvement des Femmes et d’autres groupes de la diaspora française pour aller réclamer la délivrance publique, par la France, de l’original de l’acte de naissance d’Ali Bongo Ondimba. Ceci a contribué à recadrer juridiquement le débat sur l’acte de naissance et, donc, de créer, l’impossibilité, pour Ali Bongo, de sortir un acte de naissance autre que celui que la France dit existerait à Nantes. Mais nous savons tous que le jour où Ali Bongo ira chercher cet acte de naissance, s’il existe, hé bien il est cuit !! Par ce simple fait, il viendra confirmer lui-même la nature frauduleuse du premier, et sur cette seule base, il justifiera le processus de destitution que nous proposons ici. Autrement dit, le parjure qui a résulté en la présence d’un Président parjure à la tête de notre pays est un crime contre la République, et ce crime n’a qu’une seule forme de réparation: la destitution, pour fraude, faux et usage de faux, haute trahison et atteinte aux institutions de la République.

Voilà ce que je suis venu faire à Libreville, chers compatriotes : Je suis venu proposer la voie du changement immédiat. Nous avons assez parlé, nous avons assez tergiversé. Il est temps d’agir, mais agir intelligemment, d’une manière qui engage pleinement le peuple.

Oui, chers compatriotes, je suis venu inviter notre opposition à proclamer la rupture immédiate de tout processus de dialogue d’avec le régime des Bongo Ondimba et à entrer, immédiatement, dans la mise en place des processus qui conduiront à la reprise en main du pays par les Gabonais eux-mêmes. Le seul outil capable de nous mener à ce moment du rendez-vous avec notre histoire est une Assemblée Constituante du Peuple. Un pays sous dictature n’évolue jamais vers la démocratie sans tensions, sans crise. La crise est, en réalité, une condition obligatoire du changement. Notre seul outil en tant que peuple, dans ce contexte, se situe dans une attitude de défiance et de résistance face à l’oppression.

Pour ce faire, nous devons dresser, immédiatement, et dans le cadre d’une rupture de dialogue, une liste des préalables inconditionnels et non-négociables par lesquels nous déclarerons qu’aucune nouvelle élection ne pourra se tenir en terre gabonaise tant que ces préalables ne seront pas satisfaits. Et comme nous ne voulons plus nous mettre en position de demandeurs de dialogue pour obtenir des réformes, nous devons plutôt, cette fois, nous organiser pour les imposer, ces préalables et ces réformes.

Les préalables dont nous parlons ici sont lesquels ?

1) aucune nouvelle élection ne doit se tenir au Gabon avec Ali Bongo toujours au pouvoir.
2) aucune nouvelle élection ne doit se tenir au Gabon qui fût organisée unilatéralement et exclusivement par le système Bongo-PDG.
3) aucune nouvelle élection ne doit se tenir au Gabon sans une RÉFORME TOTALE du cadre institutionnel, ce qui suppose, au minimum:
– Une révision de la Constitution qui ramenât le système électoral à deux tours, réduisît le mandat présidentiel à 5 ans, et limitât le nombre de mandats successifs à deux seulement;
– Une réforme de la Cour constitutionnelle qui non seulement la rendrait indépendante de l’Exécutif, mais assurerait le débauchage des membres actuels de la Cour et leur remplacement par des membres élus par le corps judiciaire qui aient à coeur la lecture neutre du droit en faveur non pas d’un parti, mais de la République;
– Une réforme de la CENAP qui la rendit véritablement autonome et indépendante de toute influence gouvernementale;
– Une réforme des fonctions des Ministères de l’Intérieur et de la Défense qui en fît des organes de protection des libertés et non de répression;
– Une révision du Code électoral qui en démocratisât les finalités et les processus, avec garantie de supervision neutre par la communauté internationale.
– Un recensement de la population digne de ce nom qui permît d’avoir une meilleure idée de l’électorat national en âge de voter, et ce dans un cadre biométrisé et informatisé qui permettrait une meilleure maîtrise des flux démographiques.
– Une transition soit mise en place dans le cadre d’une Assemblée constituante populaire qui mettrait en place la matrice institutionnelle qui redéfinirait un Gabon nouveau qui soit conforme aux idéaux de paix, de bonheur et de progrès du Peuple gabonais.

Voilà, donc, dressés pour vous, chers compatriotes, les paramètres du combat pour l’avènement d’une nouvelle République au Gabon. Si les autres leaders de l’opposition suivent, et si le Peuple gabonais suit également, nous gagnerons pacifiquement ce combat par des méthodes de résistance non violentes, et ce par les méthodes de défiance, mais aussi de résistance pacifique.
Mais pendant que nous le ferons, nous aurons aussi le devoir de nous défendre. Nous n’attaquerons jamais personne dans l’exercice et l’affirmation naturelle de nos droits, mais nous aurons le droit de résister et de nous défendre.

Car, qu’est-ce qui donnerait le droit à un homme, fût-il policier, de me bastonner avec une matraque comme un matraque, comme si j’étais son enfant ? Hé bien, demain, quand nous résisterons, nous aurons le droit d’arracher cette matraque au policier et de le frapper avec. Personne ne frappera plus impunément les Gabonais.

Demain, quand nous résisterons, nous n’obéirons qu’aux lois justes, et refuserons d’obéir aux lois injustes.

Quand on nous dira, « ne manifestez pas », nous dirons, « tais-toi, le droit de manifester est inviolable. Nous manifestons ».

Quand on nous dira, « ne parlez pas ». On dira « Mhhm, mmh, mouf ! Qui es-tu toi, pour me dire de me taire. Le droit de parler est un droit inviolable. Viens me fermer la bouche si tu veux. Je parlerai ».

Demain, quand nous résisterons et qu’on nous dira d’aller à une élection perdue d’avance, sans garantie de transparence, et qu’on voudra nous priver de l’opportunité de permettre à notre peuple de reprendre en main sa destinée et de refaire le Gabon selon les aspirations démocratiques des Gabonais, des VRAIS Gabonais, ceux qui aiment leur pays, qu’ils soient d’adoption ou de filiation, nous leur répondrons, comme nous le faisons si bien en Fang, « Mmhh, Momoh, Plus jamais, plus maintenant, pas cette fois ».

« Mmhh, Momoh, plus jamais, plus maintenant, pas cette fois ».

Répétez avec moi…

« Mmhh, Momoh, plus jamais, plus maintenant, pas cette fois ».

Vive la République.
Vive le Gabon.

Je vous remercie.

Dr. Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir-Modwoam
Porte Parole, Gabonais Politiquement Engagés en Amérique du Nord

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