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Gouvernement Ona Ondo III : Les leçons d’un remaniement raté

Ona Ondo et Ali Bongo: Un moment du séminaire gouvernemental de Franceville, février 2014. ©Gabonreview
Ona Ondo et Ali Bongo: Un moment du séminaire gouvernemental de Franceville, février 2014. ©Gabonreview
Ni ouverture ni rassemblement. Une certaine perte d’autorité liée à des contingences de politique extérieure. En ligne de mire, une présidentielle placée sous le sceau du sécuritaire. La nouvelle équipe gouvernementale n’est pas toujours au diapason des réalités locales et exigences démocratiques.

Le gouvernement nouveau étant enfin arrivé, on peut en tirer trois leçons. La première : le resserrement politique de la base gouvernementale. Ratée l’ouverture. Exit le rassemblement au sein du PDG voire de la majorité présidentielle. A la tête d’une aile de l’UPG non reconnue juridiquement, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou était d’abord censé représenter le Front de l’opposition pour l’alternance. En choisissant de le remplacer par celui de ses adversaires de l’UPG pour lequel la majorité a toujours eu un regard bienveillant, le président de la République a paré au plus pressé, faisant dans le cosmétique là où il fallait prendre du temps pour donner du sens politique. Présentée comme issue de la société civile, Madeleine Berre ne trompe pas grand monde. Ses liens familiaux et matrimoniaux, ses accointances en affaires et même les conditions de son arrivée à la tête de la Confédération patronale gabonaise (CPG) induisent sinon une appartenance au PDG, du moins une proximité certaine avec cette formation politique. Pis : le gouvernement fait la part belle aux membres du défunt Mouvement gabonais pour Ali Bongo Ondimba (Mogabo), écartant systématiquement les ténors d’Héritage et Modernité. Entre Pacôme Moubelet-Boubeya, Alain-Claude Billié-By-Nzé, Denise Makam’ne, Blaise Louembé, Désiré Guédon, Paul Biyoghé Mba, les principales figures du Mogabo jouent les premiers rôles. On peut aussi s’interroger sur le sens du refus du Rassemblement pour le Gabon (RPG) de faire partie de cette équipe. Le passé de cette formation politique, le rôle de son leader dans la lutte pour la démocratie commandent de ne point minimiser cet acte. Seul mobile de satisfaction, l’entrée de Florentin Moussavou au nom d’une tendance de l’Alliance démocratique et républicaine (Adere).

Ayant définitivement pris fait et cause pour le Mogabo, le président de la République devrait maintenant se préparer à affronter une véritable guérilla parlementaire. Pour avoir été laissés sur la bas côté de la route, les frondeurs savent leur sort scellé. Une seule solution s’offre désormais à eux : l’affrontement ouvert. Après avoir été perçue comme une rodomontade, un coup de menton, leur colère pourrait transformer le PDG en un champ de bataille. Là où il fallait rassembler et cautériser les blessures, le dernier remaniement a accentué le fossé, gratté les plaies. Certes, l’ossature du gouvernement est restée la même. Mais, les dégâts sont sérieux ! Malgré la loyauté dont ils se prévalent publiquement, les recalés ont compris le message. Déjà leur silence, comme celui du secrétariat exécutif du PDG, est éloquent à souhait. Se sentant rejetés, marginalisés, les membres d’Héritage et Modernité devraient en conséquence pouvoir revendiquer l’exercice de leur liberté. Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et leurs amis peuvent donc continuer à défendre leur droit à la parole. Tout ceci promet quelques belles joutes verbales, voire des empoignades. On imagine déjà l’âpreté des débats au Parlement.

Influence de Paris

Deuxième leçon : un certain affaiblissement du président de la République, malgré les rumeurs faisant état de tractations menées essentiellement par ses proches. Le timing de ce remaniement, le moment choisi pour son annonce, laissent croire à une opération de communication dictée par des influences extérieures. On a du mal à deviner les contingences internes ayant présidé à ce changement. En dehors des appels répétés à un dialogue politique inclusif, le président de la République n’avait pas de raisons de remanier le gouvernement. Surtout que la table du Conseil des ministres n’est pas forcément le lieu où peuvent se redessiner la pratique politique nationale et le vivre ensemble. Plus grave pour son autorité, l’opinion établit désormais un lien direct entre son récent voyage parisien et ce remaniement. Les supputations vont bon train. Si le gouvernement a été annoncé le 11 septembre courant, Ali Bongo a été reçu à l’Elysée le 14 du même mois, légitimant tous les commentaires relatifs à une opération destinée à la consommation extérieure. Comment ne pas voir dans cet enchaînement un rapport d’effet à cause ? Au moment où des voix s’élèvent, de plus en plus, pour réclamer une concertation nationale, la thèse d’une influence de Paris sur la conduite des affaires s’en trouve confortée. Les acteurs en tiendront nécessairement compte pour la suite.

Enfin, dernière leçon : ce gouvernement s’annonce comme un des plus brutaux du mandat finissant. Entre Pacôme Moubelet-Boubeya à l’Intérieur et Mathias Otounga Ossibadjouo à la Défense, Ali Bongo se referme sur son premier cercle. Il privilégie sans doute la fidélité à sa personne mais s’éloigne des subtilités de la politique. Cela donnera peut-être plus de garanties et rassurera sûrement les sécurocrates du régime, mais fera nécessairement douter le grand public. En choisissant de nombreux ministres sans bases électorales ni compétences politiques avérées, le président de la République donne l’impression de tourner le dos à la quête de légitimité ou de choisir le saut dans l’inconnu. Sous cape, les militants PDG de toujours en rigolent ou s’étranglent. Au fil du temps, on mesurera mieux la portée de ces décisions. Mais, il est une réalité : la présidentielle est d’abord une affaire de suffrages exprimés. Or, la stratégie actuelle privilégie les institutions et l’appareil sécuritaire. Il en a été ainsi depuis 1993. Mais, ça pourrait être plus difficile en 2016.

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