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Présidentielle 2016 : Quête d’unité, candidature unique et alternance

Elle est plurielle et dit se battre pour la défense du pluralisme tout en recherchant une unité à tout prix. Un autre son de cloche peut-il encore être entendu ?

Unité, devoir d’unité, obligation d’unité… Aux yeux d’une partie non négligeable de l’opinion, les partis, personnalités politiques, leaders d’opinion, militants et sympathisants de l’opposition sont condamnés à s’unir. Pour cette nouvelle forme de bien-pensance, ils doivent parler d’une seule et unique voix. Issu du prêt-à-penser ambiant, ce raccourci intellectuel est repris à longueur de journée et de colonnes. En tout lieu et en toute circonstance, on l’entend. Sous toutes les formes, il se décline.

Généralement, les tenants de cette thèse commencent par désigner leur champion, avant de demander aux uns et aux autres de faire allégeance. La nécessité de garantir le pluralisme d’opinion, le souci de se prémunir d’éventuelles déconvenues ou les leçons du passé leur importent peu. Leur objectif est connu : imposer leurs vues et leur champion, tout en faisant passer tout esprit rétif pour un suppôt de la majorité au pouvoir. Depuis bientôt deux ans, cette rengaine est reprise, ce terrorisme de la pensée pratiqué et cet extrémisme intellectuel mis en œuvre. A six mois de la présidentielle, certains espèrent toujours imposer cette lecture des choses, cette pratique pas toujours en phase avec les normes démocratiques. Si le désir d’alternance peut servir de prétexte, certains en profitent pour masquer leur refus du débat, diaboliser les autres pour mieux esquiver un examen lucide et minutieux de leurs propres turpitudes.

Tohu-bohu

D’une manière générale, en politique comme en stratégie, l’unité des forces est une étape nécessaire au combat. En son temps, André Mba Obame définissait l’addition comme «la seule opération praticable en politique». «La réalisation de (l’impératif) de changement passe nécessairement par la conjugaison des efforts et intelligences de tous ceux qui placent le Gabon au-dessus de leur position personnelle de pouvoir. Leur rassemblement s’impose maintenant», proclamait-il le 10 février 2010 lors de la célébration de la naissance de l’Union nationale (UN). Sans en déterminer les préalables, sans mesurer les devoirs sous-jacents, chacun se sent aujourd’hui en droit de reprendre ces recommandations, les transformant en dogme. Naturellement, certains s’en servent pour ériger leur lecture de la situation en axiome. Si une partie de l’opinion n’est pas dupe, une autre est conquise.

Et pourtant, à l’orée d’une présidentielle de tous les dangers, l’opposition a le choix entre focaliser sa stratégie sur les hommes ou se concentrer sur la construction d’un mécanisme commun et unique de sécurisation du scrutin. De cela, les uns et les autres n’ont cure. Certains tiennent la désignation du porte-flambeau pour une exigence cardinale. D’autres militent pour des réformes juridiques et institutionnelles. En découle, une incompréhension générale, un tohu-bohu assourdissant, contraignant les deux tendances à un duel à mort. Plus personne ne sait tout cela mène. Mais entre le choc des égos et la confrontation des opinions, entre la querelle de personnes et le combat d’idées, le citoyen lambda comprendra toujours plus facilement les premiers. Mba Obame avait-il mis en récit sa propre histoire, raconter sa souffrance physique, au point de se donner une image mythique, iconique ? D’autres s’efforcent de transposer ce schéma, faisant de la pugnacité voire de la témérité le nec plus ultra des qualités, quitte à verser dans une simplification caricaturale.

Peut-on appartenir à l’opposition sans adhérer à l’idée de candidature unique, sans se faire le relais d’une unité à tout prix ? De nombreux militants ou sympathisants de l’opposition se sont déjà prononcés sur la question (lire par ailleurs «Candidature unique de l’opposition : Utopie ou mauvais calcul ?»). Sans les contredire sur le fond, certains ont malgré tout tenté de les ramener à la querelle de personnes voire de les frapper d’apostasie.

Subtils calculs personnels

N’empêche, de nombreux leaders d’opinion proches de l’opposition refusent de faire de la candidature unique la condition sine qua non de l’alternance. Albert Ondo Ossa avait déjà dénoncé les «faux combats», invitant les acteurs politiques à «opter pour un discours crédible et responsable, vis-à-vis de la population d’une part et vis-à-vis de la communauté internationale d’autre part ; se refuser à utiliser les mêmes armes que le pouvoir et se concentrer sur l’essentiel». Marc Ona Essangui avait choisi d’inviter au combat contre une certaine mainmise sur toutes les institutions. Georges Mpaga avait déjà mis à l’index la volonté de conserver des «intérêts occultes». Systématiquement, certains ont tenté de les ramener à la question de l’unité, paravent commode de la querelle de leadership, faux nez du culte de la personnalité. Aux oubliettes, la sécurisation du scrutin ! Aux calendes grecques, la construction d’un mécanisme commun de contrôle. Seules comptent l’unité et la candidature unique.

Les tenants de l’unité à tout prix ne sont pourtant pas à une contradiction près : proclamant partout avoir vu des leaders de l’opposition sortir vainqueurs dans les urnes de scrutins présidentiels, ils font néanmoins de la candidature unique une condition nécessaire pour l’alternance. Jamais, ils ne regrettent l’absence d’unité de l’opposition en 93, 98 et 2009. A aucun moment, on ne les entend établir une relation de cause à effet entre la multiplicité de candidatures issues de l’opposition et les destins contrariés de Paul Mba Abessole, Pierre Mamboundou et André Mba Obame. Leur posture actuelle ne masque-t-elle pas de subtils calculs personnels ? Certains le pensent. Vise-t-elle à imposer l’alternance ou à faire d’eux des éléments essentiels du jeu politique national ? D’autres l’affirment. Jean Eyéghé Ndong ne disait-il pas : « Il est souhaitable de désigner un candidat maintenant, pour que ce dernier ait le temps de faire le tour du Gabon, afin (qu’il) soit connu de tous les Gabonais » ? Selon lui, l’unité peut donc se faire autour d’un inconnu. A l’écouter, quelqu’un de méconnu ou mal connu peut très bien être ce candidat unique tant recherché. Surprenant !!! Au train où vont les choses, l’opinion pourrait très bien avoir perdu pied. Au rythme actuel, la demande d’unanimisme voire d’unicité pourrait très bien avoir remplacé la quête d’unité. Or, si tout cela nuit à la démocratie, ça sert les intérêts des hommes politiques…

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