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Affaire des écoutes au Gabon: «Inacceptable» pour la chef des observateurs de l’UE

Les observateurs de l’Union européenne ont-ils été mis sur écoute pendant la présidentielle gabonaise du 27 août dernier ? C’est ce qu’affirme notre confrère français Le Journal du Dimanche avec plusieurs extraits de ces écoutes à l’appui. Réaction ce mardi 4 octobre de la députée européenne Mariya Gabriel, qui dirigeait la mission de quelque 60 observateurs européens au Gabon. La députée bulgare répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : On apprend que vos observateurs étaient sur écoute au Gabon. Comment réagissez-vous ?

Mariya Gabriel : La première chose évidemment, nous prenons note de la publication d’écoutes illégales qui reproduirait des conversations privées entre membres du personnel de la Mission d’observation électorale au Gabon. C’est inacceptable tout comme les différentes campagnes d’intimidation par rapport à certains de nos membres que nous observons depuis un certain moment. Moi, je voudrais être très claire : il n’y avait aucun besoin de procéder à une écoute puisque nous avons respecté notre mandat, le principe de neutralité de non-interférence. Et nous avons travaillé du début à la fin dans la pleine transparence.

Si l’on en croit ces écoutes, le régime gabonais ne s’est pas contenté de pirater vos conversations. Il a ciblé un de vos observateurs, Xavier, qui a été jugé hostile. Le régime l’aurait fait menacer de mort et aurait obtenu son exfiltration. Est-ce que vous confirmez ?

D’abord, je dois dire que nous regrettons une campagne dans certains médias gabonais qui vise la Mission d’observation électorale et en particulier le membre que vous venez de citer. Je veux être en revanche très claire : aucun membre de la mission n’a été exfiltré ; certains membres de la mission ont quitté le Gabon quelques jours plus tôt que prévu, car effectivement, ils avaient fait l’objet de menaces par des individus non identifiés. Donc on ne peut pas parler d’exfiltration.

Mais il y a eu menaces contre ce Xavier, voire menaces de mort ?

L’intimidation a dépassé certaines limites, oui. Donc dans ce cas, son séjour là-bas a été écourté. Mais encore une fois en prenant un vol normal, c’est ainsi qu’il a quitté le territoire.

Et est-il vrai, comme le disaient les journaux de l’époque, que cet observateur, Xavier, avait choisi son camp en faveur de l’opposition ?

Certainement pas. Je veux être très claire sur cela. Tous les membres de mon équipe, tous les membres de la Mission d’observation électorale ont respecté scrupuleusement d’une part le code de conduite et, ensuite évidemment, les protocoles d’entente dans lesquels il est clairement dit, la mission est là pour se baser sur des observations factuelles et pour respecter le principe de neutralité de non-interférence.

Dans ces écoutes, on entend Pierre, le monsieur sécurité de votre mission. Cela se passe la nuit du 31 août au 1er septembre. Il dénonce l’attaque du quartier général de Jean Ping par un hélicoptère gabonais : « Il y a des tirs à balles réelles, les gens sont à terre », dit-il. Est-ce que vous confirmez ?

Je ne peux pas parler au nom de la personne qui a transmis ce dont elle dispose. Moi, ce qui est important, c’est que nous n’avons rien à cacher. Et c’est aujourd’hui ce qu’on fait en travaillant sur le rapport final qui lui fera une analyse complète du processus électoral.

Ce que révèlent ces conversations enregistrées, c’est que vos observateurs ont de lourdes suspicions de trucages sur cette élection...

Je vais revenir sur la méthodologie rigoureuse que nous respectons. Dans les communiqués de la mission que nous avons déjà sortis, on indique clairement l’analyse du processus que nous faisons, y compris ses défaillances. Notre force, c’est que lorsqu’on parle de défaillance, lorsqu’on parle d’anomalie, c’est basé sur nos observations directes. Et le rapport final fournira des éléments supplémentaires à cette analyse.

Mais avec ces conversations enregistrées, ça va plus loin, car le 31 août, quand votre bras droit, Polyna Lemos, apprend que les membres de la Commission électorale sont en train d’annoncer la victoire d’Ali Bongo, elle s’exclame : « Ils font exactement ce que j’espérais qu’ils n’allaient pas faire ».

Qu’est-ce qui va trop loin, du fait que nous travaillons en équipe ? Que nous avons des discussions privées et que nous discutons très franchement entre nous ? Et après tout, nous avons droit à nos conversations privées.

Justement le 6 septembre, 11 jours après le scrutin, vous pointez par communiqué une « évidente anomalie » dans la province du Haut-Ogooué où le taux de participation officiel frise les 100%. Est-ce que cette anomalie peut avoir permis d’inverser les résultats ?

Ça, c’est aux autorités nationales de se prononcer. Ce qui pour nous est important, c’est que d’une part, nos observateurs n’ont pas eu accès à toutes les provinces, à toutes les commissions électorales provinciales, y compris pour la province du Haut-Ogooué. Et ensuite, nous avons clairement parlé du taux de participation, mais qui lui n’est pas en cohérence avec les chiffres dont nous disposons pour les votes blancs et les bulletins nuls.

Officiellement dans le Haut-Ogooué, Ali Bongo a eu 65 000 voix et Jean Ping 3 000. Or au final, sur l’ensemble du pays, Ali Bongo n’a gagné qu’avec 6 000 voix d’avance. Les résultats du Haut-Ogooué ont-ils pu être gonflés pour permettre à Ali Bongo de coiffer Jean Ping sur le poteau ?

Ce que nous avons dit, c’est qu’effectivement, la procédure, telle qu’elle a été suivie, et le contentieux électoral par la Cour constitutionnelle n’ont pas permis de lever les doutes sur le résultat. Ce que nous disons clairement, c’est pourquoi il n’y a pas eu la possibilité d’une confrontation des PV des deux camps parce que la Cour, elle se prononce sur les PV tels que fournis par la Cénap [Commission électorale nationale autonome].

C’est-à-dire que la Cour constitutionnelle n’a pas fait le travail de confrontation des PV entre ceux du camp Ali Bongo et ceux du camp Jean Ping ?

On regrette qu’il n’y ait pas eu la possibilité de le faire.

« L’anomalie évidente » que vous dénoncez dans le Haut-Ogooué, est-ce qu’elle a pu permettre d’inverser les résultats ?

Ce n’est pas à nous de nous prononcer sur cela. Ce qui intéresse la mission, c’est que la transparence soit là, du niveau local en passant par le niveau provincial et en arrivant à la Cénap. Et c’est là où notre mission constate que nous n’avons pas eu un accès à tous ces niveaux-là et que nous constatons qu’il y a une anomalie entre les résultats du niveau local au niveau national tels que sortis pour la province du Haut-Ogooué.

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