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Gabon: Valls appelle au «dialogue», le pouvoir arrête des journalistes

Le Premier ministre subit les foudres de l’opposition pour avoir été le premier responsable français à reconnaître la réélection, pourtant contestée, d’Ali Bongo.

«Dieu me garde de mes amis. Mes ennemis, je m’en charge» : Manuel Valls peut certainement méditer la célèbre sentence de Voltaire en l’appliquant au Gabon. Le Premier ministre pensait-il tourner la page de la crise gabonaise en validant pour la première fois la réélection d’Ali Bongo à la tête du Gabon ? Ce dernier, loin de conforter ce signal amical, a peut-être mis le chef du gouvernement français dans l’embarras. Le 31 octobre, en déplacement à Abidjan en Côte d’Ivoire, Valls surprend tout le monde en déclarant : «Le Gabon a un Président et le seul souhait que nous pouvons émettre, c’est qu’il y ait un dialogue, une réconciliation».

«Une anomalie flagrante»

Si les propos surprennent, c’est parce que jusqu’à présent la communauté internationale et plus précisément les Européens s’accordaient pour émettre des «doutes» sur la réélection contestée d’Ali Bongo fin août. Personne ne s’est pressé pour féliciter l’homme fort du pays, lui-même fils de l’inamovible Omar Bongo. L’Union européenne dont on attend toujours le rapport final, a évoqué «une anomalie flagrante», alors que, sur la même ligne que Jean-Marc Ayraut, ministre des Affaires étrangères, Valls avait lui aussi demandé «un nouveau décompte des voix» le 6 septembre.

Quelle mouche a donc piqué le Premier ministre pour entériner brusquement une réélection à ce point unanimement contestée ? Ses propos ont en tout cas rapidement enflammé les réseaux sociaux, où la diaspora proche de l’opposition est très active. Mais c’est sur place, à Libreville que l’appel au «dialogue» a été le plus concrètement démenti. Par le pouvoir lui-même.

Des hommes cagoulés au siège d’un journal d’opposition

Trois jours après la déclaration de Valls, des hommes en civil, parfois cagoulés et tous lourdement armés, vont en ainsi investir les locaux d’un journal d’opposition Echos du Nord. Ce jour-là, jeudi 2 novembre, ces hommes qui font irruption au siège du titre, arrêtent 14 personnes, aussitôt envoyées dans un lieu de sinistre réputation : «la Direction générale de documentation et de l’immigration (DGDI), est connue pour abriter des cellules et un centre d’interrogation où la torture est systématique», affirme Désiré Ename, le rédacteur en chef d’Echos du Nord, qui vit en exil à Paris depuis décembre 2014. Non seulement les personnes interpellées ce jour-là affirmeront avoir été sévèrement tabassées, mais dès le lendemain vendredi, c’est au tour de la rédactrice en chef adjointe Raissa Oyasseko d’être interpellée chez elle et conduite à son tour à la DGDI.

«Décevants et révoltants»

Relâchée le lendemain, elle a raconté son interrogatoire dans le dernier numéro d’Echos du Nord paru lundi : questionnée sur un article de l’hebdomadaire évoquant les déboires récents d’un général connu, elle prétend ne pas en connaître l’auteur. Ce qui lui aurait valu d’être «bâillonnée» et frappée : «à l’aide d’un tuyau noir dans lequel il y avait un bois, ils m’ont donné des coups, aux fesses, aux cuisses, sur la plante des pieds», décrit-elle. Puis un peu plus tard elle sera: «accrochée à une barre» et «balancée de gauche à droite». Voilà une conception du «dialogue» avec l’opposition, que Manuel Valls n’avait peut-être pas imaginé.

«Les derniers propos de Manuel Valls sur le Gabon sont à la fois décevants et révoltants. De quel droit dénie-t-il à un peuple le droit d’exprimer son vote ? Comment un homme public de ce niveau peut-il se déjuger aussi facilement ? C’est pitoyable», s’indigne Désiré Enamé. De son côté le Premier ministre français n’a pas officiellement réagi à l’attaque contre l’hebdomadaire Echos du Nord.

Maria Malagardis

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