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Masse salariale insoutenable : l’argument de la fuite en avant

Lors d’une conférence-débat, le 1er juillet dernier, portant sur les solutions de la crise économique et financière dans la zone Cémac, Régis Immongault est revenu plusieurs fois sur le fait que la masse salariale actuelle est insoutenable : «730 milliards CFA, c’est gros». Des propos surprenants deux années tout juste après la mise en place du nouveau système de rémunérations (NSR)…

«Pourquoi donc ont-ils élaboré le nouveau système des rémunérations, si c’est pour le regretter vingt-quatre mois plus tard ?», lance un responsable de syndicat. «Le FMI nous apporte un appui financier pour la réalisation du Plan de Relance économique (PRE) que nous avons conçu nous-mêmes, le Gabon n’est pas sous sa tutelle. Nous n’avons pas attendu le FMI pour nous rendre compte par exemple que la masse salariale actuelle est insoutenable». C’est littéralement par cette phrase que Régis Immongault a voulu répondre à un de ses collègues membre du gouvernement ayant évoqué une «mise sous tutelle» au sujet du prêt accordé au gouvernement gabonais par l’institution de Bretton Woods, le 19 juin dernier.

Masse salariale ou dette insoutenable ?

Alors que l’opinion se plaint de l’endettement de l’Etat, qualifié d’excessif, de nombreux membres du gouvernement – notamment ceux que l’Assemblée nationale appelle «les ministres financiers» et le ministre de la Fonction Publique – mettent plutôt en avant la masse salariale. Que ce soit le ministre du Budget et des Comptes publics ou d’autres ministres, la masse salariale est toujours pointée du doigt. Des propos qui surprennent, alors que le nouveau système de rémunérations n’a été mis en place que depuis tout juste deux ans !

Or, c’est plutôt la dette qui semble devenir insoutenable. Depuis le 20 juillet 2016, le gouvernement a emprunté 5 milliards de francs CFA dans le cadre d’une émission d’Obligations du Trésor assimilables (OTA) pour une échéance fixée au 26 mars 2018. Le 3 août 2016, pour mobiliser une somme de 6 milliards de francs CFA, le gouvernement a sollicité les marchés financiers au moyen d’une émission de bons du trésor d’une maturité de treize semaines. En novembre de la même année, pour récolter 10 milliards de francs CFA, le Trésor public gabonais a sollicité le marché financier sous-régional pour un troisième emprunt par émission de bons du trésor. Le 5 mai 2017, il y a deux mois, juste avant le prêt de 382 milliards de francs CFA accordé par le Fonds monétaire international (FMI), et en attendant le prêt de 120 milliards de francs CFA que va accorder la Banque mondiale au gouvernement dans les prochains jours, le Trésor public a encore sollicité le marché financier sous-régional pour un prêt de 6 milliards de francs CFA ! Entre juillet 2016 et juillet 2017, pas moins de 520 milliards de francs CFA auront été accordés au Gabon en termes de prêts…

D’où viendrait donc l’idée selon laquelle c’est la masse salariale serait insoutenable. Le gouvernement a pourtant lui-même élaboré un programme portant nouveau système de rémunérations (NSR), entré en vigueur le 25 juillet 2015. Il s’agissait, avait-il alors expliqué, de «procéder à un meilleur partage des richesses du pays, de revaloriser les faibles rémunérations, d’augmenter le pouvoir d’achat des agents publics et de permettre de meilleures retraites (pensions) aux agents de l’État». Belle idée, belle réforme !

Le Gabon va vers un «bain de sang financier» avec un endettement sans fin

L’on se rend cependant compte que, deux années tout juste après la mise en application de cette réforme, le gouvernement semble regretter d’être allé aussi loin… «Déjà, il a bloqué, sans l’avoir annoncé officiellement, l’avancement indiciaire des fonctionnaires et le reclassement après stage. Et depuis quelque temps, des membres du gouvernement déclarent que la masse salariale devient insoutenable», souligne un haut fonctionnaire du ministère de l’Agriculture. «Pourquoi l’avoir initiée alors ? Est-ce parce que nous étions à la veille d’une échéance électorale capitale ?», se demande Simon Ndong Edzo, patron de la Confédération nationale des Syndicats du secteur Éducation (Conasysed) et membre éminent de Dynamique Unitaire, la principale centrale syndicale des agents publics.

Pendant ce temps, la dette approche inexorablement les 65 % du PIB, alors que le Gabon a bénéficié, entre 2010 et 2014, d’une chance inespérée, avec un cours du baril de pétrole à 100 dollars et un dollar très haut ! Le temps béni est passé, et le FMI est venu avec ses 382 milliards de francs CFA pour booster la relance de l’économie. Alléluia ! Mais, ce sont des prêts pour lesquels il va falloir verser des taux d’intérêt très élevés aux prêteurs du Gabon. Cette charge croissante de la dette a l’effet d’une saignée continue sur l’économie gabonaise : elle l’affaiblira à long terme. En choisissant de s’endetter toujours et encore plus, le Gabon va vers un «bain de sang financier», un endettement sans fin et difficile à supporter à moyen terme…

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