Tout le monde aujourd’hui est d’accord pour affirmer que si ça va mal au Gabon, ce n’est pas parce que le pays manque de ressources ou de génie, mais plutôt parce que ceux-ci sont soit insuffisamment exploités, soit exploités à mauvais escient, soit carrément négligés au profit de choses qui ne relèvent que du superflu. Que valent les fêtes par exemple devant la vie des êtres humains menacés chaque jour que Dieu fait dans leur existence ? Quand on sait que ventre affamé n’a point d’oreilles !
Voici bientôt encore huit mois que les agents d’Africa N°I, la radio africaine, qui ne l’est plus que de nom après les ennuis techniques ayant affecté son réseau FM dans les capitales africaines francophones de sa zone de couverture, vont trainer comme un boulet des arriérés de salaires, ce malgré les promesses incessantes faites par les autorités, promesses allant dans le sens de la régularisation de leur situation salariale. Pendant qu’ils triment, lesdits agents, la République organise des évènements festifs dignes de carnavals brésiliens à grands coûts. Comme s’il y avait une volonté manifeste de voir des Gabonais, mieux des êtres humains, croupir dans une misère indescriptible. Peut-on imaginer, en dépit du fait qu’il nous est parfois expliquer, vrai ou faux, que le financement de certaines opérations n’est pas du ressort de l’Etat, que l’on s’entête à satisfaire les plaisirs alors que l’essentiel manque à la majorité des citoyens.
C’est le cas des agents d’Africa N°I qui, comme nombre d’autres travailleurs gabonais, broient du noir et doivent obligatoirement survivre s’ils en sont capables. Dire qu’ils ne demandent qu’une et une seule chose : que les actionnaires se mettent autour d’une table pour enfin décider de leur sort et que le monde entier sache qu’elle est l’intention véritable de ceux à qui il incombe la gestion de la radio depuis le décès d’Omar Bongo Ondimba. Le spectacle que l’on connait ici, imputable en grande partie aux autorités compétentes ou à leurs sbires, est celui vécu ailleurs, dans les régies financières par exemple où les personnels qui venaient de débrayer ont vite été appelés à la table du compromis, histoire de sauver la face d’une équipe gouvernementale non-exempte de reproches dans sa manière de faire, de se comporter vis-à-vis du Gabonais et son insouciance devant la condition de ce dernier.
Et pourtant, ce ne sont pas les messages d’assurance qui manquent sans malheureusement être suivis d’actes probants à même de faire oublier les insuffisances déjà enregistrées et de ramener la cohésion entre gouvernants et gouvernés. En dehors des impayés de salaires, les agents d’Africa N°I font face à l’obsolescence du matériel de production qui ne coûte pas les yeux de la tête, à comparer avec les folies existentielles observées ci et là au vu et au su de tout le monde. Que coûteraient un magneto, une table de mixage, quelques micros, une console devant un seul billet avion Libreville-New-York, une villégiature en Côte-D’Azur, une randonnée sur les belles plages de Copa Cabana, l’achat d’un palace que l’on ne vient habiter que quelques jours pendant l’année ou d’une grosse cylindrée rutilante ou encore des dépenses de prestige sans lesquelles la vie du dépensier n’est pas du tout menacée ?
C’est que, comme le ressassent certains, les priorités sont ailleurs que sur ce qui est susceptible de participer à l’équilibre des Hommes et de la communauté tout entière par voie de conséquence. Le dire n’a rien de surprenant, c’est en effet ce que monsieur tout le monde observe ou dénonce parce que tous les jours victimes de l’ostracisme d’une certaine classe de compatriotes dont le désir est surtout d’avoir tout pour eux et de ne point se soucier de ce qu’il advient des autres à une époque où l’on proclame cependant « l’égalité des chances » qui devrait plutôt rassurer.