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Alain-Claude Bilie By Nzé: «Le franc CFA ne peut plus être une question idéologique»

Les six pays CFA d’Afrique centrale vont-ils changer de monnaie comme les huit pays CFA d’Afrique de l’Ouest ? Au Gabon, Noureddine Bongo, le fils aîné du chef de l’État, est-il mis en orbite pour succéder à son père ? En ligne de Libreville, le ministre gabonais des Affaires étrangères, Alain-Claude Bilie By Nzé, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI: Comment réagissez-vous à la profonde réforme du franc CFA chez vos voisins d’Afrique de l’Ouest ?

Alain-Claude Bilie By Nzé : C’est une évolution positive qui de toute façon met la pression aux pays d’Afrique centrale qui devront eux aussi accélérer puisqu’à l’issue du dernier sommet de la CEMAQ à Yaoundé [en novembre dernier], il a été décidé de réfléchir à une réforme en profondeur du franc CFA. Je crois que la réflexion va s’accélérer pour arriver très rapidement à une décision. Sur la réforme, le franc CFA de toute façon ne peut plus aujourd’hui être une question idéologique. C’est une question technique et économique. Est-ce que nous avons aujourd’hui une monnaie qui reflète nos économies ? Est-ce que nous avons une monnaie qui aide à « booster » nos exportations ? Est-ce que nous avons une monnaie qui va garantir demain que nous pourrions aller sur les marchés internationaux ? Ce sont des réflexions, il nous faut des réponses très rapidement.

Autre problème Monsieur le ministre, ce sont vos réserves financières. Il y a trois ans en octobre 2016, en pleine baisse du cours du pétrole, vos réserves sont passées en dessous de zéro. La France vous a mis en garde contre le risque de dévaluation ; c’était lors d’un sommet à Yaoundé. Et c’est la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, qui vous a donné les liquidités nécessaires. Est-ce qu’aujourd’hui vous avez les reins assez solides pour rompre avec le trésor français et la garantie qu’il offre pour vos réserves.

Le sommet de Yaoundé [de novembre dernier] a également fait le point sur cette question. Les économies ont reconstitué des réserves. Évidement nous ne sommes pas encore au niveau qu’il y avait avant la crise que vous évoquez. Il faut continuer à travailler pour reconstituer ces réserves. Naturellement c’est pour cela que nous disons en Afrique centrale que les économies sont différentes. Les économies en Afrique centrale ne sont pas les mêmes qu’en Afrique de l’ouest, nous sommes extrêmement dépendants des exportations de matières premières brutes. Nous avons besoin d’une discussion franche, honnête, équitable avec l’État français sur la question des réserves. Faut-il toutes les rapatrier pour être malheureusement exposé aux flux du marché ? Ou faut-il tout de même discuter pour avoir un minimum reconnu qui pourra nous aider à maintenir nos exportations ? Ce sont des questions techniques qui doivent être réglées. Sur ce sujet, il ne faut pas faire d’idéologie.

Concernant l’actualité politique gabonaise au début de ce mois de décembre 2019, Brice Laccruche Alihanga a été limogé du gouvernement puis interpellé dans le cadre de l’opération scorpion. Qu’est-ce que cela dit de la place qu’il avait fini par occuper dans l’entourage du président Ali Bongo ?

Ce que cela dit surtout, c’est que nul n’est au-dessus de la loi et que finalement, chacun de nous devra, à un moment ou à un autre, répondre de sa gestion.

Brice Laccruche avait irrité plusieurs responsables en menant il y a quelques mois une tournée républicaine dans tout le pays alors que le président était convalescent. Comment avez-vous jugé cette fameuse tournée ?

C’est une tournée qu’il avait engagée en indiquant qu’il était porteur d’un message du chef de l’État. On s’est rendu compte finalement, au vue de la tournure des évènements, qu’il n’en était rien.

C’est-à-dire qu’il portait plus son propre message que le message du Président de la République ?

Au vue des décisions qui ont été prises par le chef de l’État par la suite, il semble en effet que c’était de sa propre initiative et c’est bien dommage.

On voit émerger, dans la nouvelle équipe, le fils aîné du chef de l’État, il s’appelle Noureddin Bongo Valentin. Il est coordinateur général des affaires présidentielles. Peut-on parler de monarchisation du pouvoir ?

Encore une fois, cette fonction a déjà existé au Gabon, elle a été occupée par Monsieur Jean-Pierre Lemboumba, par Monsieur Jean Rémy Pendy Bouyiki et l’on n’a pas parlé de monarchisation à l’époque. Vous savez, c’est un concept qui ici est utilisé par l’opposition pour faire oublier un peu qu’elle est devenue en réalité une fabrique à polémique plutôt qu’une fabrique à projet.

Après le grand-père Omar et le père Ali, peut-on parler du fils Noureddin qui est appelé à de très hautes fonctions au Gabon ?

Ce n’est pas la première fois que quelqu’un de la famille Bongo est appelé à de hautes fonctions. Madame Pascaline Bongo avait été directrice de cabinet. Monsieur Ali Bongo avait été ministre. Les fils et gendres de Monsieur Omar Bongo ont été eux-mêmes ministres. On n’en a jamais parlé. Il n’était pas question à l’époque de monarchisation. Pour le moment c’est un haut fonctionnaire et c’est au pied du mur que l’on jugera le maçon.

Mais 28 ans, c’est jeune pour accéder à un poste aussi élevé. C’est bien parce qu’il est le fils du président qu‘il accède si vite à ce poste ?

Si mes souvenirs sont exacts, Fabius était Premier ministre à 37 ans en France : c’était très jeune.

N’est-ce pas une dynastie Bongo qui s’installe, perdure et qui risque de nuire à l’image du Gabon à l’étranger ?

Il n’y a pas de dynastie Bongo, vous insistez sur cette question. Monsieur Noureddin Bongo n’occupe pas une fonction qui permettrait demain une dévolution du pouvoir. La Constitution gabonaise est très claire, si demain le chef de l’État n’était plus en capacité d’exercer ses fonctions, on ouvrirait une procédure qui conduirait à une élection présidentielle anticipée. Monsieur Noureddin Bongo n’hériterait pas du pouvoir.

Et pensez-vous que le chef de l’État est toujours en capacité d’exercer ses fonctions, un an après l’AVC qui l’a frappé ?

Il est complètement en capacité d’exercer ses fonctions. Il les exerce. Il a repris son activité diplomatique internationale comme vous avez pu le constater.

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