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Loi sur les catastrophes sanitaires : Pinailleries politiciennes ?

Le gouvernement a-t-il enjambé les procédures ? S’est-il imprudemment avancé sur un terrain reconnu au seul président de la République ? Ayant choisi de saisir la Cour de constitutionnelle, certaines forces sociales l’affirment.

En période de crise, les populations aiment bien avoir le sentiment d’être protégées. Dans ces moments-là, seule la figure tutélaire et agissante du président de la République les rassure. Face aux incertitudes de l’heure et à la peur du lendemain, elles s’accrochent à leurs droits et libertés. © Gabonreview.

Des députés issus de l’opposition, le collectif «Appel à agir» et la campagne «Touche pas à ma terre.» Élus de la nation, personnalités politiques, militants de la société civile ou citoyens engagés, ils ont décidé de saisir la Cour constitutionnelle. Leur objectif ? Faire proclamer l’inconstitutionnalité de la loi fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires. Jugeant ce texte «ostensiblement liberticide», le groupe emmené par Jean-Robert Goulongana et Jean-Pierre Doukaga Kassa y relève des contradictions avec l’avis n° 018/CC de la Cour constitutionnelle. Dénonçant une «tentative de coup de d’État institutionnel», le groupe des 10 soupçonne le «gouvernement et le Parlement (de s’être) mis d’accord pour transférer (…) (les) pouvoirs (du président de la République)» en violation des dispositions constitutionnelles. Accusant l’exécutif de chercher à «museler à l’infini les droits fondamentaux et libertés individuelles», Jean-Valentin Leyama et ses amis y voient un «alibi.»

Incertitudes et peur du lendemain

Jaloux de leurs droits et libertés, ces citoyens ne décolèrent pas : «(Cette) loi (…) n’assure pas de conciliation entre l’objectif (…) de protection de la santé et le respect des droits et libertés», tranche le collectif «Appel à agir» ; Le gouvernement n’a «rien prévu dans ce projet de loi sur les mesures à caractère réellement sanitaire», accuse la campagne «Touche pas à ma terre.» Pour sa part, le gouvernement dit s’inquiéter de «l’augmentation constante des cas de contamination communautaire» Y allant de ses certitudes, il se dit déterminé à prendre «toutes mesures de nature à prévenir, lutter et riposter contre la catastrophe sanitaire en cause». Se voulant prospectif, il affirme asseoir sa démarche sur un objectif de court, moyen et long termes : «faire disparaitre de manière durable la catastrophe sanitaire, y compris en dehors de tout état d’urgence.»

Pour autant, le gouvernement est-il fondé à restreindre certaines libertés ? A-t-il enjambé les procédures, au risque d’enfreindre les règles de l’État de droit ? Ne s’est-il pas imprudemment avancé sur un terrain reconnu au seul président de la République ? N’a-t-il pas involontairement donné du grain moudre aux tenants d’une constatation immédiate de la vacance du pouvoir ? En période de crise, les populations aiment bien avoir le sentiment d’être protégées. Dans ces moments-là, seule la figure tutélaire et agissante du président de la République les rassure. Face aux incertitudes de l’heure et à la peur du lendemain, elles s’accrochent à leurs droits et libertés. Pinailleries politiciennes ? Incivisme ? Mauvaise compréhension du fonctionnement d’un État ? Cela se discute.

Arrière-pensées

Pour s’en faire une meilleure idée, il faut mettre en perspectives les saisines des parties prenantes : des événements de notre récent passé ont fini par les rendre sceptiques, par les amener à douter de tout. Entre octobre 2018 et décembre 2019, de nombreuses décisions furent prises, annoncées et imputées au président de la République. Si les gouvernements se succédèrent à un rythme frénétique, on eut droit à un changement de Premier ministre. A l’instar de ceux des collectivités locales, le bureau de l’Assemblée nationale fut renouvelé. De nouveaux membres de la Cour constitutionnelle furent nommés et sa présidente reconduite. Aujourd’hui encore, personne ne peut dire quand le Conseil supérieur de la magistrature s’était-il réuni pour désigner son représentant. Dans l’inconscient populaire, tout cela a laissé des traces, souvent indélébiles.

Pour des raisons politiciennes et, sans doute, pour sauvegarder des intérêts personnels, les gouvernants ont, pendant près d’une année, couvert toutes les transgressions, quitte à mettre en péril les fondements de l’État. Sans se soucier des répercussions sur la crédibilité des institutions, ils ont avalisé bien de manquements aux principes républicains. La situation a-t-elle évolué ? A-t-elle radicalement changé ? Certains l’affirment. D’autres en doutent. Pour l’heure cette évolution supposée n’est perceptible ni dans la perception des enjeux ni dans la pratique politico-administrative. Au lieu de s’astreindre au respect des procédures, le gouvernement préfère faire passer les lois «par le forcing», refusant de laisser aux députés «le temps de l’examiner à fond». A la fin des fins, il donne le sentiment d’avoir des arrière-pensées. Comme s’il ne pouvait tirer les leçons du passé. Comme si, à ses yeux, la règle de droit était une camisole de force.

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