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Après sa prestation de serment : Ossouka Raponda face au défi de la confiance

Si elle ne tisse pas des liens avec les forces sociales, la Première ministre pourrait finir dans le mur. Elle doit se garder de traiter les ministres comme des personnalités à part ou de considérer le gouvernement comme une entité ayant des intérêts particuliers à protéger.

Rose Christiane Ossouka Raponda au pied du mur. La Première ministre peut toujours se prévaloir de la confiance du président de la République. Mais le climat politique, économique et social lui commande de faire montre d’une rare dextérité. La rupture entre les institutions et le peuple étant consommée, elle devra se montrer particulièrement habile à la manœuvre. Si elle ne tisse pas des liens avec les forces sociales, elle pourrait finir dans le mur. Si elle ne fait de la reconstruction de la confiance son objectif premier, elle hypothéquerait ses chances de réussite. Sans adhésion populaire, son action parait vouée à l’échec. Même si elle peut compter sur la docilité de la majorité parlementaire, la texture de son équipe n’incite guère à l’optimisme.

Risque de radicalisation de certains syndicats

Composée à la va-vite, le nouveau gouvernement comprend une belle brochette de personnalités controversées voire décriées. Faisant la part belle à une supposée technocratie, cette équipe est d’essence administrative et pas politique. Dans sa nomenclature comme dans la disposition des hommes, elle ne tient compte ni des défis ni des rapports de force du moment. Certes, on gagnerait à attendre pour juger sur pièce. Mais, il existe un réel risque de radicalisation de certains syndicats, particulièrement ceux des agents des ministères en charge de l’Économie, du Budget, des Hydrocarbures et des Forêts. Sur le front social, il n’y a pas de raisons objectives de s’attendre à un répit. Déjà, dans une note datée du 21 juillet courant, le secrétaire général du ministère en charge des Forêts met en garde les agents contre «des pratiques fétichistes et malsaines (se traduisant par) le dépôt de reliques divers, notamment des traces de sang (…), des oiseaux morts et des tas de feuille (…)»

Si le document signé de Michel Ngueba Koumba suscite curiosité et hilarité, il en dit long sur le climat au sein de ce ministère. Il matérialise le divorce entre les élites dirigeantes et le personnel d’exécution. Expression de l’impuissance de la technostructure, il souligne aussi la détermination de la base à pourrir l’atmosphère. Comment ramener la sérénité ? Comment remettre cette administration en ordre de marche ? À Rose Christiane Ossouka Raponda de proposer une méthode applicable partout où besoin s’en trouve. Pour délégitimer les mouvements en cours, certains parleront d’aigreur. Pour faire croire en la capacité du gouvernement de les réduire, ils convoqueront la loi et l’ordre. Mais, sauf à confondre administration publique et entreprise privée, on ne peut traiter la colère des agents de base par-dessus la jambe.

L’intérêt général au centre de l’action

Dans le secteur privé, les intérêts des employeurs diffèrent de ceux des agents. Ils sont même opposés voire irrémédiablement contradictoires. Dans le public, dirigeants et administrés visent le même objectif : la réussite des politiques publiques. Envisageable au plan juridique, la radiation d’un fonctionnaire n’est pas chose facile. Dans la forme comme dans le fond, elle ne ressemble nullement au licenciement dans le privé. Désignés par des conseils d’administration, tout acquis à la défense d’intérêts particuliers, les patrons peuvent avoir l’outrecuidance d’étaler leur morgue ou d’intimider leurs personnels. Nommés par une autorité élue et responsable devant le peuple, les ministres ne peuvent agir de la sorte. S’ils doivent affirmer leur autorité, ils ne peuvent oublier une réalité : leurs collaborateurs sont d’abord des citoyens et des électeurs.

Pour mettre l’administration en ordre de marche, il faut revenir sur le sens de l’action publique, sur ses motivations et singularités. Autrement dit, il faut replacer l’intérêt général au centre de l’action. En d’autres termes, il faut se garder de traiter les ministres comme des personnalités à part ou de considérer le gouvernement comme une entité ayant des intérêts particuliers à protéger. Comme leurs collaborateurs, les ministres doivent trouver leur bien-être dans la défense des valeurs partagées et la réalisation d’objectifs connus et acceptés de tous. C’est dire si les syndicats et autres forces sociales ont toute leur importance. En avril 2019, Julien Nkoghé Békalé appelait d’ailleurs à un «dialogue qui (devrait) favoriser l’anticipation et la négociation au détriment de la (…) confrontation.» Pourquoi Rose Christiane Ossouka Raponda ne s’y essaierait-elle pas à son tour ? Auparavant, elle devra donner des gages de sincérité et d’objectivité. Sortir de calculs politiciens à la petite semaine, se mettre au service du plus grand nombre et exiger des comptes à chacun : telle doit être sa ligne de conduite.

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