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Santé : La catastrophe du CHUL et le cri d’alarme des médecins

Le Centre hospitalier universitaire de Libreville (CHUL) ne se porte pas aussi bien que le laissent entrevoir les apparences. De graves difficultés matérielles, infrastructurelles et organisationnelles obèrent le bon fonctionnement du plus grand hôpital au Gabon. A travers un communiqué daté du 3 mars, le Symefoga qui «n’a cessé d’attirer l’attention de tout le monde sur la […] la vétusté [des] plateaux techniques», lance un appel au président de la République et au Premier ministre, au demeurant présidente du Copil.

Présenté par les plus hautes autorités comme un établissement de référence dans le domaine de la santé, le Centre hospitalier universitaire de Libreville (CHUL) ne fonctionne pourtant pas aussi bien qu’on veut le faire croire. Le plus grand hôpital du pays cumule, en effet, plusieurs tares obérant son bon fonctionnement. Si de nombreux patients se sont déjà plaints de l’impossibilité de faire certains examens à cause du manque de réactifs, ou une radio en raison de l’absence de films, le Syndicat des médecins fonctionnaires gabonais (Symefoga) va beaucoup plus loin. Constitué d’un long questionnement, son alerte de ce 3 mars a des allures d’un blues fort émouvant.

Issoze Ngondet dans la «vitrine de l’agonie du système de santé gabonais»

«Comment comprendre que le CHU de Libreville soit aujourd’hui non pas la vitrine de l’offre de soins dans notre pays mais plutôt «la vitrine de l’agonie de notre système de santé» ? Comment comprendre que les 2 centrales de production d’oxygène aient été laissées en l’état (seuls 3 modules sur 8 nécessaires sont fonctionnels). Comment accepter les ruptures incessantes en oxygène dans un hôpital en première ligne de la prise en charge des patients Covid-19 graves (exposant chaque minute les patients à la mort et mettant le personnel dans une angoisse perpétuelle) ? Combien de patients devons-nous encore perdre pour que les moyens arrivent à nous et à nos patients ?», interroge le syndicat des médecins à travers son communiqué.

Plus simplement, il est impossible de faire un scanner ou une IRM. Il n’y a pas d’oxygène, empêchant ainsi le fonctionnement des respirateurs devant permettre de gérer les malades hospitalisés. Dans le cas du scanner, certains patients sont envoyés vers des structures privés à l’instar de la clinique du Dr Chambrier. Non abordé dans le communiqué du Symefoga, des indiscrétions révèlent que le scanner est tombé en panne du fait de sa surutilisation avec l’avènement du Covid-19. Sa réparation ne coûterait que 13 millions de francs CFA. Selon des sources familiales du défunt Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet, durant l’hospitalisation ayant précédé le décès de celui-ci, il manquait en effet de l’oxygène. «C’est un ministre toujours en poste aujourd’hui, qui payait personnellement l’oxygène», ont révélé ces sources. Déplorable et gravissime pour la prise en charge d’un grand serviteur de l’Etat, de surcroît ancien Premier ministre. Personne n’en est donc à l’abri, pourrait-on dire, en ces temps d’évacuation sanitaire difficile.

La chimère de l’aile du CHUL dédiée au Covid-19

D’autres indiscrétions non abordées par le syndicat des médecins laissent entendre qu’alors qu’ils ont été remis en état de marche il y a quelques semaines seulement, les groupes électrogènes du CHUL tomberaient de nouveau régulièrement en panne. De même, le bloc opératoire est fermé depuis plus de six mois, tandis que le bâtiment ayant été réservé aux patients du Covid-19 n’a jamais fonctionné à ce jour, faute de l’entièreté des équipements. Pis, ledit bâtiment s’inonde lors de fortes pluies.

Le Symefoga y revient d’ailleurs, interrogeant : «Comment comprendre que les travaux d’un bâtiment naguère dédié à la prise en charge de ces patients Covid-19 n’aient pas été achevés avec équipement d’une mini centrale d’oxygène ? […] Comment comprendre que nous soyons dépourvus de médicaments et de tout équipement de protection individuelle et d’hygiène dans les hôpitaux dans ce pays à revenu intermédiaire haut ? Ce constat non exhaustif de l’état du CHUL est le reflet de toutes les structures sanitaires de notre pays.»

Continuant sa triste litanie, le Symefoga dont le communiqué est signé par le Dr Adrien Mougougou, son président, demande : «nous sommes surpris que sans moyens supplémentaires, le ministre de la santé et les responsables techniques du Copil, demandent d’augmenter la capacité d’accueil des patients Covid-19 graves. Dans ces conditions, comment demander l’augmentation ou la création des lits de réanimation dans des hôpitaux sans oxygène ? Sans scanner ? Sans laboratoire ? Sans équipements de protection individuelle ? Sans produit d’hygiène ? Sans motivation du personnel ? (combien de médecins, infirmiers… doivent-ils encore perdre la vie ?)». Le syndicat souligne d’ailleurs sa meurtrissure causée par la perte de 4 médecins en l’espace d’une semaine «dont une jeune consœur arrachée à la fleur de l’âge».

La «patience limitée» des soldats en première ligne du front anti-Covid

S’adressant personnellement au Premier ministre, les médecins préviennent que leur «patience limitée ne [leur] permet plus de garder le silence au risque d’être complices d’une criminalité volontairement entretenue par le Gouvernement dont vous êtes le premier responsable». Ils posent également les problèmes de la non-prise en compte réelle de leur indemnité Covid-19, du couvre-feu à 18 heures qui «pose plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions».

La grande majorité des problèmes mis en exergue par le Symefoga a déjà été évoquée, en novembre 2020, lors du dernier conseil d’administration de la structure hospitalière. Mais force est de constater que la plupart de ces maux persistent près de quatre mois après, faisant du CHUL un colosse aux pieds d’argile. Si le Premier ministre et le président de la République sont interpellés au premier chef, il revient au ministre de la Santé de prendre à bras le corps ce cri d’alarme. Se penchera-t-il d’urgence sur la situation du CHUL ? Guy-Patrick Obiang gagnerait en tout cas à le faire, afin que la structure hospitalière épouse pleinement l’ambition du gouvernement de sauver des vies face à la menace pesante du Covid-19.

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