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Gabon : Le point sur la lutte contre l’enrichissement illicite par Lebondo-le-Mali

A l’occasion de la Journée nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, le 9 décembre, la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI), organise, entre autres, un séminaire sur le thème « Le journalisme d’investigation dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite ». En prélude de quoi, le magistrat Vincent Lebondo-le-Mali, président de la CNLCEI, a accordé à la presse une interview à travers laquelle il fait le point sur les dossiers en traitement au sein de sa structure et aborde bien d’autres aspects de la lutte contre l’enrichissement illicite.

Quel sens donnez-vous, cette année, à la Journée nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, inscrite depuis 2010 dans le calendrier républicain gabonais ?

La Convention des Nations Unies qui a été adopté à Mérida (Mexique), le 10 décembre 2003, a fait de la date du 9 décembre une journée internationale de lutte contre la corruption et chaque Etat-partie ayant signé ladite convention, s’approprie cette journée. C’est ainsi que depuis février 2010, un décret a été pris au Gabon faisant du 9 décembre de chaque année, une date comportant des manifestations pour commémorer la Journée nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Pour cette année, e thème retenu est «Le rôle des médias et des ONG dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite».

Qu’attendez-vous notamment de la presse ?

Nous avons deux experts français dans nos murs depuis le week-end écoulé et nous organisons les 6, 7 et 8 décembre prochains, un séminaire sur le «Journalisme d’investigation dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite», avec le soutien des plus hautes autorités de notre pays.

Mais, nous attendons du journalisme beaucoup de choses. Je vais, par exemple, vous faire une confidence : 45 des 74 dossiers d’investigation que nous avons ouverts, l’ont été grâce à la procédure d’auto-saisine, une facilité accordée à la CNLEI d’ouvrir les enquêtes elle-même, parce qu’elle se saisie de l’information qu’elle a. Les 45 dossiers sus cités sont consécutives à des auto-saisines effectuées sur la base des coupures de presse.
Nous voulons donc que les journalistes réalisent :

1/ Qu’ils travaillent pour le pays ;

2/ Que les informations qu’ils publient ne se perdent pas dans le sable administratif ou dans la société mais que ces informations sont souvent récupérées. Ils ne le savent pas jusque- là.
Autre chose. En matière d’enquête, souvent quand la procédure s’ouvre, la première personne que nous recevons, que nous devons auditionner ou entendre, peu importe la forme, c’est celle qui a donné l’information. Parce qu’on peut donner une petite information, mais derrière il y d’autres éléments. Mais, nous nous sommes rendu compte que quand nous appelons les journalistes qui ont publié une information, ils ont peur ! Peur d’être cités, d’être convoqués, eux-aussi, chez le juge. Or, avec notre pouvoir d’auto-saisine, nous vous recevons pour avoir plus d’informations et vous ne serez pas cités par la suite. Puisqu’il s’agit d’une auto-saisine, c’est la commission qui fait tout. Et personne ne pourrait nous demander pourquoi avons-nous ouvert cette instruction, le législateur nous ayant octroyé la possibilité de le faire.
Il faut que les journalistes comprennent qu’à ce niveau nous avons le même combat. Nous voulons que vous vous appropriez ce combat et que vous compreniez que les informations que vous détenez, vous pouviez nous les donner, en anonyme. Vous pouvez être reçus ici, sans procès -verbal, sans signer de document. On veut seulement avoir la véracité de l’information afin que nous ne perdions pas du temps quant à l’investigation.

Le Journaliste et ses sources sont-ils, dans ce cas, protégés ?

Nos sources sont parfaitement protégées ! Vous savez, je suis magistrat à la base, depuis 23 ans. Aucune autorité, aucune personne ne peut appeler un magistrat qui a ouvert une inspection pour lui demander des comptes à ce sujet. Parce que le magistrat travaille sous l’autorité de la loi. Rassurez-vous, l’information que vous nous donnez est récupérée par nous comme notre information, ce n’est plus la vôtre. Vous aurez sans doute la satisfaction de vous rendre compte que les malversations que vous avez dénoncées ont connu une suite. Ce sera là votre consolation mais vous ne serez à aucun moment appelés ici ou ailleurs pour venir dire qui vous demande d’écrire ou de dénoncer tel ou tel autre fait !

Est-ce à dire que les journalistes peuvent aussi avoir accès aux informations de CNLCEI ?

Les journalistes peuvent compter sur nous pour récupérer les informations relatives aux décisions qu’on a déjà rendues, dans le cas typique de déclaration des biens ou d’amendes infligées ou encore de véhicules réquisitionnés et scellés. Ce que vous ne pouvez pas obtenir, ce sont les informations qui se trouvent au niveau de l’instruction. Dans un Etat de droit, chaque fois qu’on ouvre un dossier d’instruction, il y a ce qu’on appelle, le secret de l’instruction ; c’est fait pour protéger tout le monde, l’enquêteur, tous ceux qui sont positionnés.
Il n’est pas question que quelqu’un soit vilipendé avant que sa culpabilité ne soit prouvée. Une fois, la véracité de l’information appréciée, nous la transmettons au juge qui, seul, pourra dire si oui ou non il s’agit d’une faute que l’on peut sanctionner, qualifier de crime passible des sanctions prévues au niveau de la Cour spéciale.
Aussi longtemps que les dossiers seront en instruction, vous n’aurez aucune information à leur sujet.
Chez nous, vous aurez des statistiques. Sur les 74 dossiers en instruction, trois pourront aboutir cette année. Mais, aussi longtemps que l’instruction ne sera pas terminée, vous n’en saurez pas plus ! Sauf si on arrive à des scellés, à des blocages de compte-bancaires. Ces mesures sont définitives ou provisoires mais en fonction de la sensibilité de l’information, on ne pourra la livrer ou la livrer uniquement que par les fenêtres prévues par la Loi.

De quels outils de contrôle et d’analyse disposée-vous pour mener à bien le combat contre la corruption dans un environnement où les éléments économiques sont peu crédibles pour une bonne appréciation ?

C’est très bien déjà de se rendre compte qu’il y a des éléments qui sont très peu crédibles. Mais, il faut admettre que la lutte contre la corruption atteint un niveau transnational et un niveau tel qu’aucun Etat ne peut essayer de combattre le phénomène en vase clos. Ce n’est pas possible.
Le fait de ratifier un instrument comme la Convention de Mérida et de mettre en place une structure comme la nôtre (autorité administrative et indépendante) avec tout ce qu’on nous a donné comme prérogatives et moyens de travail – à l’exception des moyens financiers qui sont toujours à déplorer chaque année- je crois qu’on va essayer d’imaginer comment financer ces structures autrement, peut-être avec l’argent des récupérations sur les criminels parce qu’il s’agit effectivement de crimes.
Nous avons aujourd’hui des moyens qui nous permettent de travailler convenablement et nous pensons qu’au fur et à mesure, ces moyens sont entrain de grandir parce que les autorités, ici ou ailleurs dans la sous-région, prennent conscience que la corruption et l’enrichissement illicite sont des freins au développement.
C’est dans ce contexte que le PNUD est entré dans la danse dans la mesure où il participe au financement du développement. Cet organe du système des Nations Unies s’est rendu compte que la corruption freinait le développement et devenait un obstacle.
Du coup, on se retourne en disant qu’il faut peut-être aider de plusieurs manières cette structure qui lutte contre la corruption afin de parvenir enfin au développement.

Beaucoup de délinquants en col blanc choisissent de thésauriser plutôt que de s’adresser aux banques. Dès lors, comment opérez-vous pour les traquer ?

J’ai suivi lors la dernière conférence de presse de monsieur le Président de la République, un journaliste qui disait que la Commission était silencieuse. Nous pourrons dire que pour notre efficacité, nous n’avons pas besoin de faire beaucoup de bruit. Mais, le Président Ali Bongo Ondimba a terminé en disant «si vous avez des informations, donnez-les à la Commission». Nous allons en effet les exploiter.
La chose est simple, ce qui est à vous, est à vous. Si vous demande de faire une déclaration de biens et que vous déclarez 10 millions à la banque ou à la maison, ce sont vos 10 millions. Mais, si vous ne les déclarez ni à la banque ni chez-nous et qu’un jour, vous posez un acte qui montre que vous avez acheté un véhicule à 10 millions ou plus et que vos revenus ne permettent pas de justifier cette dépense, que vous ayez gardé cet argent à la banque ou à la maison, c’est pareil : cela va susciter une enquête.
Il nous est revenu qu’il y a pénurie de coffres-forts dans la ville et que tout le monde a sorti l’argent des banques pour le garder à la maison. Des gens nous proposent d’effectuer des descentes sur les lieux. Ils se proposent même en indics, en désignant telle maison dans tel quartier. Nous sommes informés, vous savez ! Feu monsieur le Président Omar Bongo Ondimba disait que le Gabon est une maison de verre. De l’intérieur, on voyait l’extérieur et vice–versa.
Il faut parfois imaginer : Et si la commission savait que vous avez un coffre-fort ? Et si un jour, on organisait une perquisition chez-vous, parce que cela nous est autorisé. Vous avez sans doute suivi que nous avons signé une convention avec la Police. Cela veut dire que les missions que nous ne pouvons accomplir, on peut les confier à la Police. Donc, vous ne pouvez pas savoir quand on vous rendra visite.

A propos de visite, vous avez reçu la semaine dernière celle d’un expert mandaté par la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) dans quel but ?

Nous avons effectivement reçu Monsieur Yama Ngounga, et qui réside, en principe, à Yaoundé (Cameroun). Il se trouvait parmi nous, en fait, à la suite du séminaire organisé, l’année dernière, dans la capitale camerounaise. A cette occasion, toutes les structures semblables à la nôtre ont sollicité de l’ONU la possibilité de mettre en place, un réseau Afrique centrale.
Il faut avouer que nous sommes un peu en retard par rapport à l’avènement dudit réseau parce que la Convention des Nations Unies que nous avons signée et ratifiée demande aux structures régionales et sous régionales de s’organiser en réseau. Et, à ce jour, l’Afrique de l’Ouest voire du nord sont mieux organisées et l’Afrique centrale n’a toujours pas réussi à mettre en place ce réseau.
Aussi, mission a-t-elle été confiée à l’expert de faire le tour afin de travailler avec les structures qui sont mises en place pour apprécier un certain nombre d’éléments et voir comment faire pour susciter ce réseau qui, in fine, sera un organe d’échanges d’information et d’expérience qui permettra ainsi de susciter dans les Etats qui n’ont pas encore créé de structures, leur mise en place et pour celles déjà existantes, qu’elles réalisent la plus-value espérée en se mettant ensemble.

Pourquoi le Gabon se positionne-t-il pour abriter le siège de ce réseau ?

Tant mieux, c’est vous qui me le dites. Ce siège serait le bienvenu pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous sommes la seule structure qui a le statut d’autorité administrative indépendante, les autres ont des cellules ou des commissions souvent créées par Arrêtés ou Décrets. D’ailleurs, il n’en existe pas beaucoup. Et, sur les 10 pays qui composant la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), le Rwanda ayant rejoint la Communauté de Développement d’Afrique Centrale (SADC), il n’y a que 4 qui ont mis en place les structures : la CNCLEI au Gabon, la CONAC au Cameroun, les Cellules de la RDC et du Burundi et je crois que la République du Congo est entrain mettre en place un embryon de structure. Donc, au Gabon, nous avons aujourd’hui, au niveau des textes et même du siège ainsi que du statut des membres, plusieurs garanties d’indépendance qui obéissent un peu à ce que les Nations Unies attendent de cette structure.

Publié le 06-12-2011 Source : Service communication de la CNCLEI Auteur : gaboneco

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