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Traitement de «l’affaire Péan» : Pari risqué

«Présenté comme ayant été retrouvé à la mairie de Brazzaville, ce document attesterait qu'Ali Bongo est le fils naturel de son père Omar. Les deux hommes ont changé de prénom lors de leur conversion à l'islam.» © © DR | lemonde.fr
«Présenté comme ayant été retrouvé à la mairie de Brazzaville, ce document attesterait qu’Ali Bongo est le fils naturel de son père Omar. Les deux hommes ont changé de prénom lors de leur conversion à l’islam.» © © DR | lemonde.fr
La publication par le quotidien français Le Monde d’une «photographie d’un registre d’état civil» faisant état de la naissance d’Ali Bongo à Brazzaville a rajouté la confusion au doute. La stratégie des proches du président de la République ne vise-t-elle pas d’autres objectifs ? N’est-elle pas hasardeuse et risquée ?

Absolument impossible de préparer une présidentielle dans un tel contexte. Totalement risqué d’aller en campagne avec un tel boulet. Si les effluves nauséabonds de «l’affaire Péan» empestent l’atmosphère, la récente publication par notre confrère français Le Monde d’une «photographie d’un registre d’état civil que des proches de la présidence (…) affirment avoir découvert (…) dans les archives de la mairie de Brazzaville» est venue ajouter la confusion au doute. A ceux qui, comme le porte-parole de la présidence de la République, proclamaient jusque-là qu’un test ADN n’est nullement opportun, le célèbre quotidien proche de la gauche française vient de rétorquer que seuls des examens biologiques peuvent définitivement clore cette polémique. Dans ces conditions, on en vient à se demander d’où est partie l’idée de publier ce document et qu’est-ce que tout cela visait. D’abord parce qu’il est d’une limpidité cristalline que ce document n’est qu’une déclaration de naissance et qu’il ne correspond nullement au format des actes de naissance vus jusque-là. Ensuite parce que le choix du support, du titre, prête à interprétations. Sans le vouloir, les concepteurs de cette idée ont conforté deux des arguments de l’accusation : la complicité des institutions nationales et l’inexistence d’un acte de naissance dans les archives de Nantes.

Questions

A l’évidence, ce n’est pas en sollicitant l’appui de médias étrangers que ceux qui agissent en lieu et place d’Ali Bongo pourront taire la polémique. La presse nationale, que l’on s’efforce de contourner ou banaliser, sera toujours la première concernée par cette affaire. Elle sera la dernière à en parler, y compris à l’approche de la prochaine présidentielle. Mais, les proches du président de la République, accusés d’arrogance et de ne croire qu’en ce qui vient d’ailleurs, estiment que la presse locale n’est pas assez influente, ni crédible. Certes, Alain-Claude Billié By Nzé donne des conférences de presse auxquels les médias nationaux sont invités. Mais, il semble inutile de se demander pourquoi ne pas avoir mis à contribution nos confères La Griffe et L’Union, comme quand il s’était agi des échanges mail avec Ziad Takkiedine et Farah Mbow.

Pour les stratèges de la présidence de la République, il semble que l’opinion nationale importe peu. Ils sont convaincus de bénéficier du soutien inconditionnel des institutions qui, quoi qu’il advienne, «pencheront toujours du même côté». «Le choix du journal Le Monde montre que les conseillers d’Ali Bongo songent davantage à laver son honneur au plan international qu’à répondre à la question juridico-institutionnelle qui se pose», analyse un ancien journaliste au quotidien L’Union. «Cela prouve bien que, pour eux, les institutions nationales les soutiendront toujours, que la justice n’aura pas le courage de connaître de cette affaire», ajoute-t-il. «Ils sont toujours dans leur logique du «y’ aura rien», «Le pays est gér黫, conclut-il. Sans doute. Mais c’est bien la population nationale qui devra se prononcer en 2016. C’est bien à elle qu’il faudra parler durant la prochaine campagne présidentielle et même avant. C’est à elle que le président de la République devra s’adresser dans moins d’un mois, à l’occasion du discours de fin d’année. Déjà, on s’interroge sur la teneur et la tonalité de cette allocution présidentielle. Ali Bongo pourra-t-il éluder cette question à ce moment-là ? Dans le contexte actuel, sera-t-il opportun de parler des sénatoriales et donc d’élections sans évoquer les conditions d’éligibilité ? Sera-t-il de bon aloi d’éviter la question du fichier électoral, de la biométrie et partant, de l’état-civil, dont le sien ? Sera-t-il possible d’évoquer la récente présentation du mausolée Omar Bongo Ondimba sans aborder la question de sa filiation ?

Sur ces questions, le président de la République est attendu. Si ses proches s’étaient jusque-là refusé à aborder la question sous l’angle juridique et administratif, préférant évoquer leur vécu commun, l’article du journal Le Monde a rendu inévitable la prise en compte de ces aspects-là. «Ali Bongo n’est pas l’officier d’état-civil qui a rédigé son acte de naissance», n’a eu de cesse de répéter le porte-parole de la présidence de la République en réponse aux accusations d’«inscription de faux en écritures publiques», consécutives à l’existence d’un document signé de l’ancien maire du 3ème arrondissement de Libreville.

Crise de légitimité

Visiblement, Alain-Claude Billie By Nzé avait choisi de se défausser sur Serge William Akassaga Okinda. Mais, d’où vient alors qu’une déclaration de naissance «découverte à Brazzaville» ait pu être rendue publique alors qu’elle n’est pas renseignée de la même manière que le document querellé ? Toutes les hypothèses peuvent être soutenues. Seule certitude, l’acte de naissance archivé à Nantes est une Arlésienne. On en vient à se dire que la stratégie des proches du président de la République ne semble ni concertée ni cohérente. Il semble même qu’une sourde lutte pour la prise en main de ce dossier se déroule sous les lambris du palais présidentiel. Il s’insinue, de ce fait, l’idée que chaque intervenant essaie de se positionner pour en tirer le meilleur profit personnel aux plans administratif, politique, institutionnel et surtout pécuniaire.

Officieusement, le cabinet présidentiel réfléchit aux voies et moyens de désamorcer la «bombe Péan», de détourner l’attention de l’opinion. Rien n’indique cependant que tout cela soit pensé et analysé sous tous les angles, avec froideur, sans tabou ni a priori. Rien n’atteste non plus que l’entourage du président de la République soit prêt à consentir les sacrifices collectif et individuel nécessaires à toute sortie de crise. Rien ne permet également de croire qu’Ali Bongo soit disposé à faire des concessions, à reculer sur certains points. Sortir d’une crise de légitimité aussi grave sans rien concéder ? Pour Ali Bongo et ses proches, cela tient plus d’une probabilité que d’une possibilité. Pari tenable à la double condition que les institutions se rangent d’un côté et que le peuple souverain décide d’assister inactif. Pari risqué, tout de même…

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