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Congo : manifestation d’une ampleur inédite contre le président Sassou Nguesso

« Sassoufit », « Le Congo n’est pas une propriété des Nguesso », « Non au coup d’Etat constitutionnel »… Inscrits au stylo, à la craie ou tout simplement au charbon sur les pancartes des manifestants, les slogans hostiles au président congolais ont fleuri, dimanche 27 septembre, dans les rues saturées de chaleur de Brazzaville.

La foule compacte et bigarrée, composée d’au moins 25 000 militants venus des quatre coins de la capitale congolaise et de l’intérieur du pays, s’étalait sur près d’un kilomètre, le long du boulevard Alfred-Raoul, ex-boulevard des Armées. Si la participation avancée par les organisateurs dépasse de loin les chiffres de la police et des médias publics (3 000 personnes), le rassemblement était assurément la plus importante manifestation de l’opposition depuis le retour au pouvoir de Denis Sassou Nguesso en 1997.

Le survol du cortège par un hélicoptère des Forces armées congolaises (FAC) a provoqué les huées des militants qui ont dénoncé une tentative d’intimidation et de provocation du pouvoir. Très visible à certains carrefours, la police est toutefois restée discrète dans le périmètre du boulevard.

Trente et un ans à la tête du Congo

Organisé par le Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (Frocad) et l’Initiative pour la démocratie au Congo (IDC), le meeting aurait dû se tenir avant les Jeux africains. Il a finalement eu lieu après l’annonce, par le président, d’un référendum sur une nouvelle Constitution. Un projet présenté le 22 septembre, et violemment décrié par l’opposition, qui dénonce un « coup d’Etat constitutionnel » du chef de l’Etat pour lui permettre de briguer un troisième mandat.

Denis Sassou Nguesso, 72 ans, cumule déjà trente et un ans d’exercice du pouvoir. Or, la loi fondamentale en vigueur depuis 2002 au Congo limite l’âge des candidats à la magistrature suprême à 70 ans et interdit au chef de l’Etat d’enchaîner plus de deux mandats.

« En annonçant le référendum, le président n’a pas dit qu’il voulait d’un mandat de plus. Il ne s’agit pas de l’affaire d’un homme. Nous voulons changer la Constitution pour changer la gouvernance », a défendu bec et ongles Thierry Moungalla, nouveau ministre de la communication et des médias. Et le ministre des affaires foncières et du domaine public, le juriste Pierre Mabiala, d’insister : « Le président a bien dit qu’il donne la parole au peuple. Et le peuple, vous le savez bien, détient la souveraineté nationale. C’est la décision du peuple qui compte. Donc, le référendum est un procédé démocratique naturel et légal. »

Un « subterfuge » pour s’éterniser au pouvoir

L’argumentaire du gouvernement ne convainc pas les partisans de l’alternance, loin s’en faut. Les opposants et certaines organisations de la société civile n’ont de cesse de brocarder le « subterfuge » du chef de l’Etat pour s’éterniser aux affaires. « Nous avons vu le président de la République venir avec des consultations, des concertations et des dialogues. C’était pour atterrir sur le changement de la Constitution. Il n’a aucune légitimité pour convoquer un référendum. Il doit simplement partir et laisser le pays en paix », a réagi Pascal Tsaty Mabiala, premier secrétaire de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), première formation de l’opposition.

Si le président n’a jamais fait part explicitement de son désir de se représenter, la perspective ne fait aucun doute selon Paul-Marie Mpouelé, coordonnateur du Frocad. « Les masques sont tombés : en annonçant le référendum, Sassou tient coûte que coûte à avoir un mandat de plus, estime le militant. Mais nous lui demandons de faire preuve de grandeur d’esprit, de sortir par la grande porte et d’accepter l’alternance en 2016, comme il l’avait fait en 1992. »

Battu à la régulière et dès le premier tour lors de la toute première élection présidentielle après l’ouverture du Congo au multipartisme, Denis Sassou Nguesso avait passé le témoin à Pascal Lissouba, le vainqueur, en 1992. Il était revenu au pouvoir cinq ans plus tard au terme d’une sanglante guerre civile avant de se faire élire et réélire en 2002 et 2009.

Vers un boycott ?

« L’alternance est le meilleur héritage que la Conférence nationale souveraine de 1991 nous a légué. Mais quand un homme se croit indispensable, il n’est plus qu’un dictateur. C’est le cas du président Sassou », déplore Mathias Dzon, ancien ministre des finances (1997-2002) passé dans l’opposition.

Le référendum divise jusqu’au sein du Parti congolais du travail (PCT), la formation au pouvoir. Membre du bureau politique, le philosophe Charles Zacharie Bowao a annoncé vendredi 25 septembre qu’il démissionnait du mouvement dans une lettre ouverte au président :

Je refuse de cautionner l’escroquerie historique dont vous êtes, monsieur le secrétaire général du PCT, le chantre aux commandes d’une formation politique fanatisée, empêtrée dans l’archaïsme idéologique et incapable de se démocratiser.
Si le débat constitutionnel n’a pas entraîné de violences, comme au Burkina Faso ou au Burundi, l’opposition ne compte pas laisser faire. Plusieurs meetings sont attendus dans les prochains jours. Objectif : mobiliser pour un boycott du référendum.

Laudes Martial Mbon
contributeur Le Monde Afrique, Brazzaville

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