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Le Gabon classé 9e sur 38 par le World Economic Forum. Oui mais…

D’après le rapport global sur la compétitivité des pays dans le monde 2012-2013, édité par le World Economic Forum, plus connu pour sa principale manifestation annuelle, le Forum de Davos en Suisse, le Gabon se classe 9e pays africain sur les 38 étudiés. Un chiffre honorable pour une première entrée dans cette bible des grands investisseurs internationaux. Tout dépend ensuite de l’angle choisi pour apprécier cette performance.

D’après un communiqué de la présidence de la République gabonaise, « pour son premier classement par le célèbre Forum économique mondial, le Gabon occupe une place notable dans le premier tiers des pays africains (9e/38) et figure, en compagnie des Philippines, du Qatar, de l’Algérie, de Égypte et du Botswana, dans le groupe des 17 économies en transition entre la rente et l’efficience. Le Gabon est le seul pays d’Afrique noire dans ce groupe. »

Le communiqué détaille ensuite les forces du Gabon d’après le rapport : « Cette confiance à l’international trouve sa justification dans le classement GCI, au travers de nombreux indicateurs : Faible impact des tracasseries administratives (19e place mondiale), crime organisé (31e), éthique des affaires (49e), téléphonie mobile (48e), épargne nationale brute/Pib (12e), dette publique/Pib (25e). (…) Dans le classement GCI, le Gabon se place au 67e rang mondial pour l’importance des infrastructures ferroviaires. (…) Dans le classement GCI, le Gabon enregistre de bons indices, se situant parmi les 60 meilleurs mondiaux dans l’éthique des affaires, la sécurité, la transparence des actions gouvernementales, le process des conseils d’administration. (…) Définissant la compétitivité en tant qu’ensemble des institutions, des politiques et des facteurs qui déterminent le niveau de productivité d’un pays, le classement du GCI est basé sur plus de 100 indicateurs organisés en 12 catégories, les piliers de compétitivité, qui permettent de dresser un portrait de la compétitivité d’un pays (institutions, infrastructures, données macro-économiques, santé et éducation primaire, enseignement supérieur et formation, marché des biens, modernité du système d’emploi, marché financier, infrastructures technologiques, taille du marché, climat des affaires, innovation). »

Tout cela est à peu près exact et se retrouve sur le rapport qui est téléchargeable ici.

Des chiffres sélectionnés pour flatter

Cependant, la situation globale du Gabon dans ce rapport n’est pas aussi reluisante si on considère, non pas seulement les quelques chiffres cités par la présidence, mais l’ensemble des résultats obtenus, puisque le Gabon se situe en 99e position sur 144 pays. L’affirmation que le Gabon est le seul pays d’Afrique noire dans le groupe des 17 économies en transition entre la rente et l’efficience est une erreur, que l’on souhaite involontaire, sauf à considérer que le Botswana, classé dans la même catégorie, n’est pas un pays d’Afrique noire. La formulation de cette introduction prête d’ailleurs à confusion. Les pays sont en effet classés en 5 groupes déterminant leur degré de développement économique (economies at each stage of development). Le premier (38 pays), le plus bas, est formé des pays les moins attractifs comme le Népal, la Birmanie ou la Sierra Leone, des pays a économie de rente quasi exclusive. Le deuxième (17 pays), celui auquel appartient le Gabon, est considéré comme un groupe de transition vers les pays moyennement dynamiques (la troisième catégorie, 33 pays), puis viennent les deux derniers niveaux (21 et 35 pays) qui incluent l’essentiel des pays développés. Appartenir au deuxième groupe n’est donc pas en soi particulièrement flatteur. Et contrairement à ce que laisse croire la tournure de phrase utilisée dans le communiqué de presse, devant le Gabon se trouvent 3 autres pays d’Afrique noire, le Cap Vert, la Gambie et l’Afrique du Sud, classés dans le groupe supérieur. A titre de comparaison, dans le classement mondial, la Grèce, pourtant considérée comme en quasi cessassion de paiement, se situe 3 places avant le Gabon (96e position) et dans le groupe de tête des 35 pays à l’économie la plus compétitive.

Dans le détail, en plus des indicateurs cités dans le communiqué de presse parmi les 100 retenus, le Gabon se situe donc à la 99e place mondiale sur 144 pays, à la 86e place pour les équipements de base, à la 116e place sur 144 pour les critères d’efficience (éducation supérieure (122e), efficacité du marché des biens (126e), efficacité des marchés financiers (106e), etc.), et à la 139e place sur 144 pour les facteurs d’innovation et de sophistication.

Les indicateurs sont tout aussi catastrophiques pour les secteurs de l’éducation primaire (132e) de la santé (autour de la 115e place suivant les maladies et critères retenus), de l’indépendance de la justice (117e), des services gouvernementaux pour l’amélioration de la performance des entreprises (98e), de la protection des intérêts des actionnaires minoritaires (113e) ou de la protection des investisseurs (125e). Le Gabon se classe même bon dernier (144e) pour la quantité de fournisseurs locaux, ce qui n’étonnera personne.

De nombreux autres indicateurs, meilleurs parfois, pire d’autres fois, permettent de mesurer l’importance du chemin qui reste à parcourir pour que le Gabon dispose réellement d’un « bon climat des affaires » propice à l’investissement !

Un juge très partial

Le choix de diffuser les indicateurs de ce rapport n’est pas anodin non plus. Le Forum économique mondial (World Economic Forum) est une fondation à but non lucratif dont le siège est à Genève. Le Forum est connu pour sa réunion annuelle à Davos, en Suisse, qui réunit des dirigeants d’entreprise, des responsables politiques du monde entier ainsi que des intellectuels et des journalistes, afin de débattre des problèmes les plus urgents de la planète, y compris dans les domaines de la santé et de l’environnement. Le forum organise également la « Réunion annuelle des nouveaux champions » en Chine et plusieurs réunions régionales qui se tiennent tout au long de l’année. Le financement du forum est assuré par les 1 000 entreprises membres. Le profil type de l’entreprise membre est une multinationale réalisant un chiffre d’affaires supérieur à cinq milliards USD (soit environ 2 500 milliards de F CFA), un chiffre qui peut toutefois varier selon la branche et la région concernées. Le droit d’entrée à ce club très fermé commence à 35 millions de F CFA pour la cotisation annuelle.

De simple réunion informelle de chefs d’entreprise européens, le forum de Davos s’est peu à peu transformé en club planétaire de décideurs. Il a acquis sur la scène économique mondiale un poids et un pouvoir impressionnants, ce qui fait dire à ses détracteurs qu’il est l’incarnation d’un impérialisme économique. La puissance du forum économique mondial est telle que, malgré son caractère non-démocratique (il n’est pas une instance élue), l’ONU a mis en place depuis 1998 un partenariat avec lui, permettant une implication croissante des entreprises dans le règlement des affaires économiques mondiales.

Ses observation et ses références sont donc celles d’une organisation particulièrement élitiste, puissante et, pour tout dire, hégémonique. C’est évidemment un atout pour un pays de progresser dans ce bilan d’année en année, même si les critères retenus sont exclusivement étudiés sous les angles économiques et financiers et n’intègrent donc ni les progrès sociaux, ni le bien-être des populations, ni l’Indice de développement humain que propose le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement). De plus, le rang mondial est peu significatif dans le cas d’un premier classement, ne disposant d’aucune référence pour mesurer d’éventuels progrès ou reculs. Rendez-vous donc dans un an pour mesurer la dynamique réelle des changements soutenus par le gouvernement gabonais.

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