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Gabon : Omar Bongo Ondimba et ses « Frères » Fangs

AU SEIN DE LA CLASSE POLITIQUE GABONAISE. LOBSESSION ACTUELLE EST LA SUCCESSION DU PRÉSIDENT OMAR BONGO ONDIMBA.
Quarante ans après la disparition du premier président Léon Mba, son successeur Omar Bongo Ondimba, entretient un subtil jeu d’équilibre avec la communauté Fang qui compte aujourd’hui deux présidents frontaliers du Gabon.

Cérémonie hautement symbolique, le 30 novembre 2007, à Libreville. Pour fêter ses quarante années passées à la tête de l’Etat gabonais, le président Omar Bongo Ondimba a inauguré en grandes pompes un mémorial en l’honneur de feu le président Léon Mba, « père de la nation gabonaise ». Une manière pour le chef de l’Etat de témoigner sa reconnaissance à son prédécesseur qui l’avait nommé quelques mois avant sa mort en novembre 1967, vice-président de la République du Gabon, puis choisi comme successeur constitutionnel.
En effet, issu d’un groupe minoritaire du Gabon, les Tékés, Omar Bongo Ondimba a succédé, le 2 décembre 1967, à un homme issu de l’ethnie fang, la plus forte population du Gabon – présente dans quatre des neuf provinces du pays. Un groupe important qui fait dire à un ancien ministre: « Poids du nombre oblige, les Fangs se sont toujours singularisés par rapport aux autres communautés nationales. Qui n’est pas fang, avancent-ils, est bilob, terme quelque peu particulier pour désigner les étrangers »… Mais, au sein de la classe politique gabonaise, dont l’obsession actuelle est la succession du président Omar Bongo Ondimba, certains acteurs politiques n’ont pas manqué d’interpréter l’inauguration de ce mémorial comme la restitution du pouvoir… aux sources fangs. A voir. Ce qui est sûr, c’est que les rapports qu’entretient depuis 1967 le chef de l’Etat avec ses « frères » fangs demeurent complexes; ils sont empreints de fraternité, de suspicion, de méfiance et dans certaines circonstances d’un peu de désamour.

Petit retour en arrière. En novembre 1971, quatre ans à peine après son accession à la magistrature suprême, hanté par des rumeurs d’un coup d’Etat qui proviendrait des intellectuels fangs, le régime du président Omar Bongo Ondimba enregistre son premier passif: la disparition de Germain Mba, ancien ambassadeur du Gabon au Japon. Fang de Kango, un village de la province de l’Estuaire, celui-ci est tué par deux mercenaires français. En 1975, vivant toujours dans ce contexte, où une partie de la communauté fang est furieuse d’avoir perdu le pouvoir par la faute, selon elle, de leur « frère » Léon Mba, le président Omar Bongo Ondimba fait adopter une nouvelle Constitution. Celle-ci instaure le poste de Premier ministre, qu’il confiera désormais à un Fang, mais originaire de Libreville et de l’Estuaire, où sont installées les principales institutions de la République.

Les Fangs du Woleu-Ntem (nord du pays), du Moyen-Ogooué (Lambaréné) ou de l’Ogooué-Ivindo (nord-est) sont si loin de la Capitale… A partir de cette date, au Gabon, les postes ministériels vont être attribués en fonction de considération tenant compte des équilibres régionaux. Appelée « géopolitique » par les Gabonais, une tactique que l’opposition a toujours considérée comme une manière pour le pouvoir d’affaiblir ses adversaires, de pousser les ethnies à vivre séparées chacune dans leur province d’origine. Premier Fang de l’Estuaire à être désigné, en 1975, à la primature: le général de brigade, Léon Mébiame, un gendarme effacé, natif de Cocobeach, qui va aider le régime à asseoir véritablement son emprise en milieu fang. Une alliance tacite Fangs/Tékés est ainsi scellée, avec pour résultat sur le terrain de contrecarrer des leaders d’autres régions (Punus, Lumbus, Nzébis) qui commencent à contester.
Politique de clientélisme.

Léon Mébiame quitte ce poste de Premier ministre avec l’avènement des mouvements démocratiques, en 1990. Le président Omar Bongo Ondimba ne remet pas pour autant en cause sa stratégie et désigne un autre Fang de l’Estuaire, Casimir Oyé Mba, pour former un « gouvernement de la démocratie ». Ancien gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Béac), à Yaoundé, l’homme va soutenir le Président contre un autre Fang de l’Estuaire, le père Paul Mba Abessole, qui a fondé en 1981, avec Simon Oyono Aba’a (Fang de Bitam dans le Woleu-Ntem), un parti d’opposition : le Mouvement du redressement national (Morena). Un affrontement qui n’est pas pour déplaire au président gabonais, qui assiste à l’effritement de l’opinion fang… Mais tout cela se conclura quelques années plus tard par l’entrée du Morena, devenu Rassemblement national des bûcherons (RNB), dans la majorité présidentielle.

Fatigué par ces luttes « fratricides », Casimir Oyé Mba se voit remplacé, en 1994, par un médecin à la retraite, Paulin Obame Nguema, qui garde ce poste, dont les prérogatives restent modestes, jusqu’en 1999. C’est Jean-François Ntoutoume Emane, surnommé Jacky-Mille Diplômes, en raison de ses multiples diplômes universitaires, Fang du quartier Lalala, à Libreville, qui succède à Paulin Obame Nguema. Jean-François Ntoutoume Emane cède enfin sa place, après l’élection présidentielle de novembre 2005, à un Fang de Nkembo (Libreville), Jean Eyeghé Ndong, cousin de l’ex-président Léon Mba. Un double symbole… Bref, à coups de clientélisme et par un partenariat stratégique, le président Omar Bongo Ondimba a « normalisé » ses relations avec les Fangs de l’Estuaire, ainsi que ceux du Woleu-Ntem, de l’Ogooué-Ivindo, du Moyen-Ogooué, à travers maintes nominations à la tête d’entreprises publiques, dans les ambassades, etc.

Et, grâce à la neutralité des Fangs à Libreville, le pouvoir a même réussi à contenir les émeutes lancées, lors de la présidentielle de 2005, par les partisans de son malheureux challenger Pierre Mamboundou. D’ethnie Punu de la Ngounié (sud du pays), ce dernier a eu du mal à mobiliser l’électorat fang de Libreville, rallié cette fois-ci au régime Bongo. Le souci du chef de l’Etat gabonais demeure cependant la cohabitation avec les présidents fangs du Nord: Teodoro Obiang Nguema Mbasogo en Guinée équatoriale et le Camerounais Paul Biya. Au milieu des années 1990, la politique du président Omar Bongo Ondimba avait été perturbée par l’Unifang, une association officieuse au sein de laquelle se retrouvent de nombreux cadres fangs, et qui serait entretenue et financée par ses deux homologues aussi riches et puissants que lui. :.
Teodoro Obiang Nguema Mbasogo le Fang « Equato »
En octobre 2006, au plus fort de la « crise » de l’îlot Mbanié, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, dans un style peu diplomatique, avait déclaré à un confrère panafricain qu’il excluait « le recours à la force ». Avant d’ajouter: « Ce ne serait bon pour personne. De part et d’autre, nous sommes tous des Fangs. » Stupéfaction du côté du pouvoir gabonais, lequel avait relevé que le Gabon n’était pas que peuplé de Fangs… Pour le président équatoguinéen, soutenu par les majors pétrolières américaines, il s’agissait surtout de montrer que son pays s’était depuis mis à ta hauteur de ses voisins. Par exemple, face aux démonstrations militaires du Gabon qui avait acheté quatre Mirage F1 en Afrique du Sud, le gouvernement équatoguinéen avait répondu en s’acquérant quatre MIG 23. Mais, ce qui oppose particulièrement Teodoro Obiang Nguema Mbasogo à Omar Bongo Ondimba, c’est la volonté d’indépendance d’un ancien « obligé » fang devenu le président « le plus riche de la sous-région ». Au point qu’en privé, il n’hésite pas à affirmer qu’il est prêt à rembourser tout l’argent qu’il a reçu du Gabon dans le passé. Les autorités gabonaises n’ont, en effet, jamais cessé de rappeler le soutien actif qu’apporta, en 1979, leur armée à Teodoro Obiang Nguema Mbasogo pour arracher le pouvoir à son oncle maternel Francisco Macias Nguema. Les Gabonais évoquent aussi les nombreux lobbyings apportés au président équatoguinéen au sein des instances internationales… Ce qui n’empêche pas ce dernier de voir à chaque fois la main du président Omar Bongo Ondimba dans des projets de déstabilisation de son pays.

Se déclarant d’origine gabonaise (son père Nguema Eneme Obama venait d’Oyem, chef-lieu du Woleu- Ntem), le président équatoguinéen s’emploie aujourd’hui à fournir moyens et positions à ses « frères » fangs gabonais, comme l’affirment ses adversaires. Ce qui est parfois mal perçu par Libreville… En effet, cinq des membres de son gouvernement sont des Fangs originaires du Nord Gabon: le ministre de la Santé et du Bien-être social, Antonio Martin Ndong Nchuchuma et quatre vice-ministres: Martin Crisantos Ebe Mba (Planification, Développement économique et Investissements); Carlos Nsuè Otong, (Education, Sciences et Sports) ; Francisco Mba Olo Bahamonde (Postes et Télécommunications) ; et Pedro Ondo Angue (Energie). Le directeur général de la principale brasserie du pays (SOEGUIBE), Aurélien Ntoutoume, est également dirigée par un citoyen gabonais…
L’affaire Mbanié.

Si, aujourd’hui, on enregistre un réchauffement des relations avec le Camerounais – Paul Biya a assisté pour la première fois, durant trois jours, aux festivités de l’indépendance du Gabon en août 2007 -, en revanche, avec l’Equatoguinéen, les relations restent tendues, aggravées par l’affaire Mbanié, cet îlot de 30 hectares situé entre les côtes des deux pays, potentiellement riche en pétrole, et que se disputent les deux présidents. Les ministres fangs gabonais, particulièrement ceux originaires du Woleu-Ntem, sont du coup surveillés du coin de l’œil par une partie de l’opinion gabonaise. Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, André Mba Obame (Fang de Medouneu) a, par exemple, été accusé de jouer le jeu de ses « frères équatos » dans cette affaire. Il faut dire que les ressortissants de cette province frontalière avec la Guinée équatoriale et le Cameroun ont généralement de multiples liens de clans ou de famille avec leurs « frères » d’à côté. Ainsi, René Ndemezo’o Obiang, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Fang de Bitam, est membre du clan des Essandones, à l’instar de l’opposant équatoguinéen Severo Moto, tandis que le vice-Premier ministre chargé des Relations avec le Parlement, Emmanuel Ondo Methogo, également de Bitam, est un Eba’a comme… le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.

source: Matalana

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