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Après l’Italie, la France doit-elle payer une « dette » coloniale?

Est-ce un coup d’éclat entre deux démagogues ? Ou le geste de Silvio Berlusconi envers la Libye de Mouammar Kadhafi, de payer cinq milliards de dollars au titre de la « dette coloniale » italienne, servira-t-il de précédent pour d’autres revendications, voire transactions ? En clair, la France doit-elle, elle aussi, payer sa « dette » coloniale ?

Kadhafi en avait l’un de ses thèmes favoris: l’Italie doit payer pour ses années de colonisation de la Libye. Et, contre toute attente, le président du Conseil italien a accepté de débourser deux cents millions de dollars (au fait, pourquoi des dollars et pas des euros’) par an pendant vingt-cinq ans à la Libye, au titre de réparations de colonialisme.

Une repentance coûteuse, mais dans laquelle l’Italie espère se refaire grâce à de juteux contrats avec un pays bénéficiaire de la manne pétrolière.

Cet accord entre l’Italie et la Libye ne manquera pas de susciter des réactions sur le continent africain, où, régulièrement, s’élève la demande de compensations pour la période de l’esclavage, et celle de la colonisation. La France, la Grande Bretagne ou encore le Portugal, principales puissances coloniales en Afrique, n’ont jamais accepté de s’engager sur cette voie, et en récusent jusqu’au principe, estimant la page tournée et privilégiant une « coopération » tournée vers l’avenir.

Le problème est que l’Italie a accepté de payer pour une période historique qui est en tous points comparable à ce qu’ont pratiqué les autres puissances européennes. Ce type de « réparations » s’appliquait jusqu’ici essentiellement aux crimes liés à des guerres: l’Allemagne et le Japon ont ainsi payé des sommes considérables après la deuxième guerre mondiale, tant aux Etats qu’aux victimes individuelles.

L’esclavage et le colonialisme ont été traités différemment. En France, la loi Taubira de 2001 qualifie l’esclavage de « crime contre l’humanité », mais ne porte que sur la mémoire, pas sur d’éventuelles réparations.

S’agissant du colonialisme, c’est encore plus complexe. On se souviendra de la bronca engendrée par la loi du 23 février 2005 enjoignant aux professeurs d’histoire d’enseigner les bienfaits de la colonisation. Depuis, on en est passé à la reconnaissance tardive d’un « colonialisme profondément injuste », selon la formule savamment pesée employée par Nicolas Sarkozy lors de son voyage en Algérie en décembre dernier. Mais de compensations, il n’a jamais été question.

Il y a d’une part la question de principe: faut-il payer? Qui doit payer (par exemple: les Européens n’ont pas été les seuls à pratiquer la traite négrière, doivent-ils être les seuls à payer?)?

Et il y a la question de l’évaluation du dommage. L’Italie paye ainsi cinq milliards de dollars pour seulement trente-deux ans d’administration italienne de la Libye. A combien évaluera-t-on les cent cinquante de présence française en Algérie, ou les quatre-vingt ans de domination du Congo Brazzaville ?

Bref, Berlusconi risque d’avoir ouvert une boîte de Pandore sans fond, pour les autres plus que pour lui-même, l’activité coloniale italienne en Afrique ayant été limitée en raison de la défaite italienne dans la seconde guerre mondiale. Il sera intéressant de voir si Berlusconi proposera le même principe à l’Ethiopie et à l’Erythrée, les principales victimes africaines de l’Italie de Mussolini.

Dans un premier temps, il est probable qu’on se contentera de hausser les épaules à Paris, Londres ou Lisbonne, en espérant que le « mauvais exemple » italien reste isolé. C’est donc dans le camp africain qu’il faudra suivre les retombées du chèque de Berlusconi, pour savoir s’il fait des émules, décidés à faire payer une Europe qui se serait débarrassée à bon compte du « fardeau de l’homme blanc » à coup de repentance… verbale.

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