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Le réchauffement climatique concerne aussi le Gabon

Il y a quelques mois encore, le monde entier ne parlait que de réduire la production de gaz à effet de serre. Il était question de réchauffement de quelques degrés sur un siècle, avec des effets dévastateurs, certes, mais aussi des solutions pour en diminuer les conséquences. Depuis quelques semaines, le discours a changé. Le conditionnel a fait place au présent et les rapports officiels deviennent franchement alarmants. Surtout, des voix s’élèvent pour parler d’“adaptation nécessaire” aux bouleversements climatiques en cours, et non plus de les éviter. Comme si scientifiques, politiques et société civile s’étaient enfin réveillés pour prendre conscience que, quoi qu’ils fassent, rien n’empêchera plus la catastrophe annoncée. Dans ce contexte passablement affolé, le Gabon ne s’est jamais senti très concerné. Il produit peu de gaz à effet de serre, dispose d’un des deux poumons verts de la planète et se trouve sur une zone qui devrait subir beaucoup moins violemment que les pays tempérés, les dérèglements du climat. Pourtant, les nouvelles études prospectives, dévoilées lors de conférences comme celle de Nairobi en juillet 2008, devraient commencer à nous faire sérieusement réfléchir : non seulement le Gabon ne passera pas au travers des catastrophes annoncées, mais elles le toucheront bientôt, si ce n’est déjà, par des effets collatéraux qui risquent d’être plus dévastateurs encore que tempêtes et inondations…

La montée des eaux, d’abord, qui dans les quatre vingt prochaines années, détruira trente pour cent des infrastructures côtières, ne peuvent laisser indifférent un pays dont les principales richesses sont principalement… le long de ses côtes, voire dans l’eau avec les installations d’extraction pétrolière. L’augmentation des précipitations et ses conséquences, réduction du courant des fleuves, inondation des forêts , des champs et des villages, est imparable. Surtout, le peu d’infrastructures existantes ou programmées risquent de devenir obsolètes ou d’être détruites.
Alors qu’elle produit moins de 4 % des gaz à effet de serre responsable du réchauffement de notre planète, l’Afrique est le continent qui en subira les effets avec la plus grande violence. Elle est menacée par les changements climatiques et dépourvue de ressources techniques pour y faire face indique le rapport, rendu discrètement public en novembre 2007, du secrétariat de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. L’organisation a tiré plus vivement la sonnette d’alarme à Nairobi lors de la 12e conférence internationale sur le climat.

“La vulnérabilité du continent face au changement climatique est beaucoup plus forte qu’on ne le pensait”, indique un rapport publié durant la COP-12 par le secrétariat de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Le rapport invite la communauté internationale à aider “les pays africains à s’adapter aux conséquences du changement climatique”. Le problème, c’est que le monde entier s’attend à des bouleversements tels, que personne ne sera sans doute en mesure d’apporter cette aide !
“À l’instar de l’institution tout entière, la Région Afrique réagit rapidement face à l’émergence de nouveaux besoins liés à ce phénomène. Le territoire africain est particulièrement vulnérable au changement climatique, et ce pour des raisons multiples : hyperdépendance vis-à-vis des ressources naturelles, manque d’infrastructures, étendue de la pauvreté et faible capacité de réaction des institutions. On estime également que ce sera la zone la plus lourdement touchée par les catastrophes naturelles.” affirme Aziz Bouzaher, spécialiste en chef du changement climatique en Afrique auprès de la Banque mondiale. “Si le climat évolue, nous devons nous adapter. Ce constat s’applique à l’agriculture, l’énergie, la santé, la gestion des terres, la foresterie, la biodiversité, la pêche, la préparation aux catastrophes et aux zones côtières.”

Bien peu d’aide à attendre
Oui, mais comment va se faire cette distribution des quelques richesses octroyées par la Banque Mondiale, quand on sait que le monde entier y fera appel ? Aziz Bouzaher donne des exemples pour l’Afrique : “Dans le cas d’une île exposée aux cyclones comme Madagascar, nous concentrons nos efforts sur la planification préalable aux catastrophes. Nous misons sur le renforcement des capacités, des outils et des actions pour mieux préparer le pays à ce type de risques. Certaines de nos activités liées à l’agriculture et à la gestion de l’eau ont trait aux problèmes de sécheresse et à la prévision des ressources hydriques, qui fluctuent de manière importante au gré des variations climatiques. Dans le secteur énergétique, nous nous sommes résolument orientés vers les énergies plus propres. Nos initiatives sur les biocarburants contribuent d’ores et déjà à la réduction des émissions. (…) Nous incluons le changement climatique dans la gestion des ressources hydriques issues des bassins fluviaux. L’eau des bassins du Niger, du Zambèze, du Nil et du Congo est exploitée pour la consommation, l’irrigation, la production d’hydroélectricité et les services environnementaux. Les informations que nous recueillons sur l’impact du changement climatique dans ces bassins nous sont également utiles pour d’autres zones clés de l’Afrique.” Autant de risques majeurs qui ne concernent pas directement le Gabon.

Les prévisions annoncées par le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat) qui nous concernent sont même inquiétantes, à très court terme : “Aujourd’hui, les forêts tropicales et les grandes zones de pâturage sont menacées par la pression démographique et par les régimes d’occupation des sols. Les effets évidents de ces menaces comprennent l’appauvrissement de la diversité biologique, la détérioration rapide de la couverture végétale et l’épuisement des réserves d’eau par la destruction des bassins hydrographiques et des formations aquifères. L’évolution du climat entrera en interaction avec ces modifications sous-jacentes et ajoutera des stress dans un environnement qui se détériore. Une augmentation soutenue des températures ambiantes moyennes supérieure à 1 °C (on annonce jusqu’à 6 °C ! NDRL) modifierait profondément la couverture forestière et les pâturages, la répartition, la variété et les comportements migratoires des espèces, ainsi que la répartition des biomes (les grands milieux du globe terrestre, forêt, océan, prairie, etc.). La côte des pays d’Afrique centrale et occidentale (Sénégal, Gambie, Sierra Leone, Nigéria, Cameroun, Gabon et Angola notamment) comporte des lagunes basses sensibles à l’érosion qui pourraient donc pâtir de l’élévation du niveau de la mer, d’autant que de grandes villes en expansion rapide y sont souvent implantées. La façade ouest, fréquemment secouée par des ondes de tempête, est actuellement menacée par l’érosion, les inondations et des tempêtes extrêmes.”

L’Afrique sera le continent le plus touché
Le changement climatique “touchera de manière disproportionnée l’Afrique sub-saharienne, créant des cycles de handicaps récurrents transmis de génération en génération”, note le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dans son rapport annuel 2007. Quand la température monte en Afrique, “les récoltes sont mauvaises et les gens meurent de faim, ou bien les femmes et les filles passent des heures à chercher de l’eau. (…) Dans les pays riches, la gestion du changement climatique se réduit en général au réglage des thermostats, à des étés plus longs et plus chauds et à des modifications de saison». Cette inégalité face aux tempêtes, inondations et autres sécheresses est subie par tous les pauvres du monde. Mais l’Afrique sub-saharienne, où 40% de la population vit avec moins d’un dollar par jour et autant avec moins de deux dollars, est la plus vulnérable. Selon les auteurs de l’étude, sur les 720 millions d’habitants de cette région “de 75 à 250 millions pourraient d’ici 2020 voir leurs conditions de vie ou leurs perspectives de développement compromises” par les effets du réchauffement.

Quand le climat se dérègle, la production agricole s’effondre et entraîne des problèmes de malnutrition, de pertes de revenus et de santé. Au Niger, les inondations de 2007 ont créé des mares d’eau stagnantes qui ont attiré les moustiques, porteurs de maladies. Des épidémies de fièvre ont été observées dans la vallée du Rift, ainsi que des hausses des cas de paludisme. Le PNUD estime que, d’ici 2060, si la température augmente de 3 degrés et que les précipitations diminuent de 4%, le revenu par habitant devrait baisser d’un quart en Afrique sub-saharienne.

Pour les auteurs du rapport, “les pays riches doivent s’acquitter de leur responsabilité”, mais les gouvernements africains ont également un rôle à jouer, notamment pour aider leurs citoyens à faire face aux phénomènes extrêmes. Le PNUD leur recommande de développer des systèmes d’alerte précoce et un réseau de surveillance météorologique. Actuellement il n’existe sur ce continent qu’une station météo pour plus de 25 000 km2, contre une pour 716 km2 aux Pays-Bas.

Des catastrophes inévitables
Un réchauffement supplémentaire de 3 à 4 degrés est attendu en Arctique dans les trente prochaines années avec des répercussions planétaires : inondations des zones côtières, hausse du niveau des océans, modification des trajets de migration, ralentissement

es échanges océaniques… La fréquence, l’intensité et la durée des phénomènes extrêmes (canicules, inondations, sécheresses, cyclones…) seront accentuées et apparaîtront dans des régions qui ne les subissent pas encore. Par delà la sécheresse, la qualité de l’eau douce sera altérée par la montée des océans et la concentration des déchets dans les zones encore habitables.

D’ores et déjà, le vivant est affecté par le changement climatique puisque des mouvements de milliers d’espèces sont enregistrés sur tous les continents. De 25 % à plus de 40 % des habitats d’espèces en Afrique pourraient disparaître d’ici 2085.

Le rendement des cultures céréalières baissera de 5 %, ou plus, d’ici les années 2080 et les cultures de base, comme le sorgho au Soudan, en Ethiopie, en Erythrée et en Zambie, le maïs au Ghana, le millet au Soudan ou l’arachide en Gambie, se détérioreront également en raison du changement climatique. Le réchauffement global affaiblit le Gulf Stream, courant chaud qui adoucit en partie le climat de l’Europe occidentale entraînant pour le coup un refroidissement important sur l’Europe du Nord et la côte est des États-Unis. Il affectera sensiblement la production des céréales en particulier, qui constituent l’essentiel des excédents nécessaires à l’alimentation africaine.

Les conséquences seront aussi socio-économiques
Tous les secteurs socio-économiques subiront les conséquences de stress supplémentaires imposés à l’infrastructure physique et sociale, allant de la nécessaire modification des pratiques de construction à une adaptation des systèmes de soins de santé et des changements des modes de vie de subsistance qui reposaient sur les connaissances traditionnelles. Les constructions et les centres urbains doivent s’adapter à la multiplication des catastrophes naturelles, ce qui n’est manifestement pas encore le cas, même dans les pays riches (comme en témoigne l’inondation de La Nouvelle Orléans en août 2005) faute de données fiables sur les périodes de retour des tempêtes.

Les taux de récolte dans les secteurs de l’agriculture, de la foresterie et des pêches sont sensibles au climat et déjà affectés par les changements observés depuis quelques dizaines d’années. L’adaptation de ces secteurs aux catastrophes naturelles devra être importante comme le déclin économique des marchés du bois ou des zones de production sensibles (plate-formes pétrolières endommagées, mines inondées…).

L’acidité des océans augmente significativement. Elle est restée stable entre le Xe et le XIXe siècle et a augmenté de 0,1 depuis la révolution industrielle. La variation devrait être de 0,3 d’ici à 2100, menaçant gravement les organismes marins. Il faut s’attendre à la disparition progressive du corail (déjà observée en Australie), à la baisse de la croissance du plancton, principale nourriture des poissons, et les coquilles des crustacés seront affaiblies voire dissoutes. Le résultat inéluctable est la baisse des ressources halieutiques et une disparition accélérée des espèces les plus intensivement pêchées.

Des risques sanitaires préoccupants
Sur la santé humaine : les conséquences seront rapidement dramatiques. Ces incidences pourront être directes (comme l’exposition à de nouveaux stress thermiques et à de nouveaux types de phénomènes extrêmes) ou indirectes (accroissement de la présence de certains pollens, moisissures ou polluants atmosphériques, malnutrition, risque accru de maladies transmises par vecteurs ou dues à la contamination de l’eau, surcharge du système de soins de santé). En effet, l’extension géographique de plusieurs maladies majeures comme la malaria (1 milliard de personnes infectées), la dengue, la leishmaniose, dépend de la hausse des températures.

L’effet de serre favorise la destruction de la couche d’ozone. Les gaz à effet de serre refroidissent les couches supérieures de l’atmosphère (la stratosphère) ce qui attise l’action destructrice de l’ozone des molécules de chlore des CFC. Ainsi, les populations qui vivent aujourd’hui en Arctique ou à l’Équateur recevront une dose d’UV jusquà 30% supérieure. On peut s’attendre à des cancers de la peau en nette augmentation et de nombreuses autres brûlures et maladies directement liées aux agressions des UV.

Des réfugiés rapidement incontrôlables
Plus d’une centaine de millions de personnes vivant dans des deltas, sur des îles et sur les littoraux devront se déplacer. Notons que comme New-York (19 millions d’habitants), 16 des 20 mégapoles mondiales sont situées en bord de mer où l’élévation du niveau des eaux pourrait atteindre près d’un mètre ! En général, ce sont les populations des pays en voie de développement qui seront les plus exposées aux conséquences des changements climatiques notamment à cause de leur manque de moyens. Ces déplacements de population vont immanquablement générer des tensions sévères et des guerres civiles sont à prévoir partout où les ressources en eau potable seront insuffisantes.

Enfin, le secteur des assurances devra revoir à la hausse le coût de son accessibilité. Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, les dépenses engendrées pourraient atteindre les 300 milliards de dollars par an dans moins de 50 ans… Les coûts entraînés par le cyclone Mitch (1998) ont menacé de faillite le secteur des assurances aux États-Unis. Katrina en août 2005 a coûté 135 milliards de dollars.

La réduction de la vulnérabilité au changement du climat est probablement la politique d’adaptation la plus réaliste pour l’Afrique, plutôt que les mesures de réduction d’émissions des gaz à effet de serre. Cette vulnérabilité est liée à plusieurs secteurs-clé. Les causes sont multiples et complexes, mais nous pouvons mentionner quelques exemples : la dépendance vis-à-vis des combustibles naturels est un sérieux problème de gestion de l’énergie. Accroître l’éventail des possibilités de substitution de la consommation de l’énergie par les ménages, qui techniquement sont déjà au point, représente une mesure d’adaptation. Préserver la qualité de la forêt gabonaise afin d’en exploiter intelligemment et durablement les richesses dans un avenir proche est une autre solution d’avenir.

Mais cela exige un contrôle efficace et immédiat des exploitations, y compris les coupes familiales et les entreprises asiatiques ! Une éducation améliorée des communautés accroîtra la mobilité, les revenus, ainsi que les standards des matériels, réduisant aussi la vulnérabilité au changement du climat. De même, les améliorations de la santé publique avec une refonte hospitalière profonde amélioreront la résistance de la population au changement du climat et réduiront la propagation des vecteurs de maladies dans de nouvelles régions. Reste à démontrer que le Gabon, qui en a les moyens, est assez volontaire pour s’engager sur cette voie.

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