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Crise économique : L’Afrique en péril

Alors que le continent africain reste la région du monde la moins intégrée à l’économie mondiale, il s’est révélé être le plus durement frappé par la crise économique mondiale née aux Etats-Unis. Les dommages collatéraux de la crise financière internationale se sont matérialisés tant au niveau des apports de capitaux privés, de l’envoi des capitaux privés, de l’aide extérieure que de la chute des cours des matières premières.

L’économie africaine est aujourd’hui entraînée dans un gouffre dont elle n’a pas extrait le moindre cailloux. Alors que les analystes prévoyaient des effets atténués de la crise financière mondiale pour le continent africain, l’effet papillon s’est révélé plus dévastateur que prévu et la tempête économique des Etats-Unis a déclenché un tsunami pour les économies africaines.

Le premier paramètre concerne la baisse des apports de capitaux privés à l’Afrique, après s’être envolés en 2007 pour atteindre 53 milliards de dollars, et dépasser ainsi pour la première fois les apports d’aide extérieure.

Depuis l’année dernière, les bourses africaines ont accusé une baisse de 40 % en moyenne, certaines chutant même de plus de 60 % (comme au Nigéria). Au Ghana et au Kenya, les autorités ont reporté pour plus de 800 millions de dollars d’émissions d’obligations souveraines, retardant la mise en œuvre de projets de routes à péages et de gazoducs.

En République démocratique du Congo, elles ont revu à la baisse, de 1,8 milliard de dollars, leurs prévisions concernant les apports d’Investissement direct étranger (IDE). Ces apports finançaient les investissements si nécessaires dans les infrastructures et les secteurs des produits de base.

Leur essor avait de plus fait naître l’espoir que les économies du continent avaient en quelque sorte franchi un cap, espoir vite déçu sans qu’on puisse en quoi que ce soit en imputer la faute aux africains.

Dans un second temps, les envois de fonds de l’étranger qui avaient culminé aux alentours de 20 milliards de dollars en 2008, devraient diminuer cette année de 4,4 %.

Ces envois jouent généralement un rôle anticonjoncturel car quand les choses vont mal pour la famille restée «au pays», on lui envoie plus d’argent. Mais aujourd’hui, c’est dans les pays d’où provient cet argent qu’il y a la crise. Or, plus de 77 % des envois de fonds vers l’Afrique viennent des États-Unis et d’Europe de l’Ouest.

Le troisième aspect a trait à l’aide extérieure. Les donateurs ont beau avoir accru en 2008 leurs apports d’aide à l’Afrique, ils sont déjà en retard de 20 milliards de dollars sur les engagements pris à Gleneagles en 2005, alors que l’économie mondiale se portait mieux.

Aujourd’hui, les pressions budgétaires qui s’exercent pour la relance de leurs propres économies vont croissant. Si l’on retient les leçons des crises financières des années 90 en Norvège, Suède et Finlande, on peut craindre une baisse substantielle de l’aide extérieure. Ne serait-ce que pour les 2 millions d’Africains séropositifs qui suivent une thérapie antirétrovirale, la question de l’aide extérieure et de son éventuelle diminution pourrait être une question de vie ou de mort.

Enfin au niveau de la chute des prix des produits de base, quoique bénéfique pour les pays africains importateurs de pétrole, entraîne une réduction majeure des exportations et des recettes publiques pour les nombreux pays de la région exportateurs de ces produits.

Même les exportateurs de pétrole qui ont économisé leurs superbénéfices en 2008 (l’Angola, le Gabon et le Nigéria ont tous utilisé un prix de référence d’environ 57 dollars le baril quand le prix du pétrole sur le marché était de 140 dollars) souffrent à l’heure actuelle du fait que leur secteur non pétrolier est à la fois très réduit et très tributaire de leurs dépenses publiques.

En ce qui concerne l’Angola, on s’attend à ce que son PIB fléchisse de 23 % en valeur nominale. Quant aux exportateurs d’autres produits de base, tels que la Zambie, la République démocratique du Congo ou l’Afrique du Sud, ils connaissent à présent un net recul de leurs recettes d’exportation et, dans certains cas, de leurs recettes budgétaires également.

Vient s’ajouter le fait que plusieurs pays africains présentaient des déséquilibres macroéconomiques non négligeables au moment où la crise financière a éclaté. En Éthiopie, le taux d’inflation était de 60 % en juillet 2008 ; au Ghana, le déficit budgétaire représentait 14 % du PIB. En Afrique du Sud, le déficit courant, qui était en grande partie financé au moyen des flux de capitaux privés, atteignait 8 % du PIB. Au bout du compte, le taux de croissance du PIB de l’Afrique s’établira ainsi aux alentours de 2,4 % en 2009, environ 2,5 points de pourcentage de moins qu’en 2008.

Un niveau de 2,4 % est certes supérieur à la croissance nulle ou négative que l’on prévoit aujourd’hui pour les États-Unis ou l’Europe, mais une chute de 2 à 3 points de pourcentage pourrait avoir des conséquences désastreuses dans le cas d’une région à faible revenu.

Jusqu’en 2008, les pays africains avaient connu, pour la première fois en 20 années, une croissance économique soutenue équivalente à celle des pays en développement pris globalement (abstraction faite de la Chine et de l’Inde). Grâce à l’application de saines politiques économiques et à la hausse des prix des produits de base, leur rythme de croissance était passé de 5,7 % en 2006 à 6,1 % en 2007 et (selon les données prévisionnelles) à 6,4 % en 2008.

La pauvreté était en recul et beaucoup d’indicateurs de développement humain s’amélioraient, à commencer par le taux de prévalence du VIH/SIDA. Mais les espoirs soulevés par cet essor de dix années sont à présent anéantis, et il pourrait s’ensuivre des troubles au niveau politique et social.

Ce récent essor économique de l’Afrique tenait en partie aux réformes économiques entreprises par les dirigeants lors des dix années précédentes, mais il est à craindre que le soutien politique à la base de ces réformes s’estompe désormais.

Maintenant que la plupart des pays développés mettent en œuvre ce qui ressemble à des « réformes inverses » (nationalisations de banques, programmes de dépenses publiques générateurs de déficits croissants), il va être plus difficile de maintenir l’élan des réformes sur le continent africain.

La crise économique mondiale pourrait enfin aboutir à une crise humanitaire en Afrique. Si celle-ci voit sa croissance fléchir de la même façon qu’elle l’a généralement fait dans le passé, il faut s’attendre, selon nos estimations, à ce que 700 000 enfants de plus y meurent avant d’avoir atteint 1 an.

Lors de la rencontre des Gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI à Washington pour les Réunions de printemps 2009, il sera question de l’ampleur des ressources additionnelles affectées au continent le plus pauvre du monde. Les analystes préconisent à cet effet un minimum 20 milliards de dollars.

Selon les estimations du FMI, les besoins des pays à faible revenu, en termes de balance des paiements, seront d’environ 25 milliards de dollars cette année, et à partir du moment où la majorité d’entre eux sont en Afrique, un chiffre de 20 milliards de dollars pour cette seule région semble raisonnable.

Pour ne considérer que les besoins en infrastructure de l’Afrique, ces besoins se chiffrent, selon une récente estimation, à 20 milliards de dollars également, en tenant compte du vide qui peut être comblé par une meilleure tarification et des gains d’efficacité.

Sachant qu’il faudra plus que des infrastructures pour éviter un effondrement total, nous parlons de besoins de «20 milliards de dollars au moins». Ce chiffre de 20 milliards correspond au déficit de financement actuel par rapport aux engagements pris par le G-8, en 2005 à Gleneagles, de doubler les apports d’aide à l’Afrique d’ici 2010.

Autrement dit, il ne s’agit pas là d’un besoin nouveau mais de ce dont les dirigeants mondiaux pensaient, en 2005, que l’Afrique aurait besoin pour avoir raisonnablement une chance d’atteindre les OMD. Et s’il est un moment où ce surcroît de ressources s’avère plus que
jamais nécessaire, c’est bien maintenant.

Publié le 01-05-2009 Source : appablog-wordpress.com Auteur : Gaboneco

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