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Cemac: l’équation Nguéma

Théodore Obiang Nguéma, le président équato-guinéen, a pris la direction des affaires de la Cemac après un sommet à Bangui (le 10 ième tenu les 17 et 18 janvier 2010) flottant sur fond de scandales et de recherche d’équilibre politique. Au centre bien sûr des discussions, su la gestion (calamiteuse !) des banques de la Cemac, le mauvais héritage de la Beac.

Les divergences entre chefs d’Etat portaient naturellement sur la place de chacun dans le dispositif. Elles n’ont manqué d’opposer le fougueux Ali Bongo à Bozizé, le sulfureux Idris Deby à Bozizé et Obiang Nguéma, tandis que Paul Biya surfait sur toute cette agitation comme un sphinx, et Sassou Nguesso, quant à lui occupé à gérer sa nouvelle carrière d’écrivain. Mais il y avait pour tous, en filigrane, la difficile question du leadership dans la région et de la succession.

Le sommet se tient aussi dans un contexte particulier : il dénote de l’ambiance qui animera les célébrations des cinquante années d’indépendance de l’Afrique « francophone » : chaque pays étant confronté à des questions liées au renforcement de l’autorité de l’Etat sous des formes diverses. Chaque président quasiment en fin de mandat, mais rêvant chacun de la prorogation de celui-ci, en tripatouillant leurs Constitutions (Cameroun, Tchad.) Quant à Obiang Nguéma, sortant d’une crise interne, il veut déployer tous les moyens à sa disposition pour protéger son petit Koweït.

Les querelles de positionnement ont pris le pas sur les enjeux politiques. Reste qu’il faut analyser cette actualité pour ce qu’elle est… Les protagonistes ont changé. La guerre des chiffres n’est plus la même. La Guinée-Equatoriale revendique avec rage sa place de premier pourvoyeur de fonds de la Beac, donc nécessairement Grand argentier de la Cemac. Bref, Obiang Nguema se déploie. C’est l’équation Nguéma…

Mais l’équation Nguéma si elle était résolue, ferait-elle avancer la consolidation de l’intégration régionale ? A l’évidence, les négociateurs de Bangui n’ont pas en tête les raisons structurelles de la création de la Cemac. Ils se perdent en conjectures pour la distribution des postes.

La nouvelle donne d’Obiang, qui dirige un géant aux pieds d’argile, montre les contradictions de la Cemac, qui se traduisent dans la disparité des pays, de leur richesse et de leur histoire. La différence fondamentale, qui fait la spécificité de la Guinée-Equatoriale, est son héritage colonial qu’elle partage avec les pays de l’Afrique australe. Son paradoxe et sa complexité font que ces peuples sont les mêmes que ceux du Gabon, du Cameroun et du Congo. Ce syncrétisme culturel fait de la Guinée un cas à part. Une situation qui l’a toujours relativement isolée de ses pairs du « pré-carré français ». Cette discrimination de l’histoire a plombé l’unité culturelle des peuples du bassin du Congo.

L’équation équato-guinéenne est à plusieurs inconnues : suffit-il pour s’assurer de garder la Guinée-Equatoriale dans le giron de la Cemac, de céder à ses injonctions et à sa position de premier pourvoyeur de fonds de la région ? Les chefs des Etats membres ont-ils les moyens de faire autrement ?

Malgré des apparences rocambolesques où chaque chef d’Etat y a été de son petit caprice, le sommet de Bangui marque un tournant et ses conclusions dessinent les contours d’une nouvelle époque.

Reporté plusieurs fois pour des raisons de sécurité en Rca, le sommet en portant à la tête des institutions de la Beac un Equatoguinéen, Lucas Abaga Nchama, « marque la fin des Accords de Fort Lamy qui attribuait d’office ce poste à un ressortissant Gabonais au profit d’une gouvernance tournante ».

Que disaient les Accords de Fort Lamy ? Ils fixaient les règles de répartition des postes au sein de l’ensemble de la sous-région. « Ils prévoient notamment que le gouvernorat de l’institut d’émission revienne au Gabon, et le vice-gouvernorat au Congo ou au Tchad. En contrepartie le siège de la BEAC, se trouve à Yaoundé. De la même manière, la répartition des institutions sur le territoire communautaire est censée respecter des critères d’équité. Ceux-ci prévoient notamment que le secrétariat exécutif se situe à Bangui et que la fonction soit dévolue à un Camerounais. En revanche la Banque de développement des Etats de l’Afrique Centrale est hébergée à Brazzaville, la cour de justice à N’djamena, la Bourse des Valeurs Immobilières d’Afrique Centrale (BVMAC) à Libreville, la Cobac (Commission Bancaire d’Afrique Centrale) à Douala. Enfin le Parlement siègera à Malabo ».

Une telle répartition obéit au contexte du moment. C’est encore le temps où le pétrole promet une illusoire croissance dans des pays comme le Cameroun, le Gabon. Le Tchad va s’enliser.

En 1973, le pays connaît ce que l’on pourrait appeler sa deuxième indépendance, puisque sa capitale appelée toujours Fort-Lamy (13 ans après la proclamation de son indépendance !) devient Ndjamena, selon la décision du président Tombalbaye.

Dès lors une véritable course à l’authenticité va plonger le Tchad à la recherche de son identité. Mais le pays va basculer dans une guerre civile qui va durer trois décades. Tandis qu’au Portugal, la révolution des œillets n’a pas encore eu lieu pour libérer les anciennes possessions portugaises.

La Guinée-Equatoriale n’est donc qu’une sorte d’arrière cour. Ce n’est pas encore un pays. La région Afrique centrale est dominée par la logique de contrôle des multinationales.

La Banque africaine est une banque de passeurs. Les revenus pétroliers sont contrôlés d’une autre manière et c’est le Gabon, qui a signé l’accord le plus juteux avec Elf pour l’extraction du pétrole. La Banque ne sert que ces transactions là : la distribution des Accords de Fort-Lamy apparaissait donc comme le prolongement d’un contrôle des ressources de la région et une récompense pour ceux des pays qui ont bien voulu consentir à laisser exploiter leurs ressources contre un strapontin soutenu par quelques liasses de Cfa. Le deal n’était pas à négliger. Mais il ne peut être éternel.

C’est ce que vient de prouver le sommet de Bangui. Aussi complexe soit-elle, cette rupture pose une nouvelle donne dans les relations entre les pays de la Cemac et confirme dans le même temps que le début de la fin est proche : les chefs d’Etat qui sont nés avec la création de l’Etat néocolonial, les premiers magistrats, sont en train doucement mais sûrement d’être poussés vers la porte.

Depuis 1973, l’Afrique a connu dévaluations, secousses politiques qui imposent une nouvelle configuration. Ces mutations présentées par la presse camerounaise comme un «échec diplomatique » de Paul Biya, sont le résultat de ce qui travaille la société africaine. Elles se matérialisent par un déplacement, voire une multipolarité dans le leadership : aucun Etat ne peut plus prétendre à l’hégémonie et dominer à lui-seul une région ni même le monde. On l’a vu lors du Sommet de Copenhague, on le constate aux résolutions du Sommet de Bangui. Les cinq fondateurs de l’Udeac sont pris dans le même tourbillon que les pays de la planète.

L’équation Nguéma conduit à un nouvel équilibre des forces et une autre définition des normes géostratégiques. Le chauvinisme étroit n’a plus beaucoup de sens, même si la conscience nationale doit permettre de mieux comprendre les fondamentaux de l’intégration régionale : c’est la règle de la complémentarité des leaderships et non plus du monopole exclusif !

source: nouvelle expression

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