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Gabon: Bongo fils joue à l’hyperprésident

Ce sera un adoubement. En se rendant au Gabon, le 25 février, Nicolas Sarkozy va donner un sérieux coup de main à Ali Bongo, le président gabonais, dont l’élection, le 30 août dernier, avait été très contestée, provoquant des émeutes à Port-Gentil, la capitale économique. Six mois plus tard, le calme semble revenu, mis à part des manifestations d’étudiants durement réprimées. Et la vive réaction contre la France (le consulat de Port-Gentil avait été incendié), accusée par l’opposition d’avoir téléguidé l’élection du fils Bongo, est retombée. Nicolas Sarkozy va donc pouvoir célébrer une relation qui se veut « moderne », avec ce fief historique de la Françafrique. « Ali Bongo a moins l’esprit tour Eiffel que son père Omar. Mais c’est un assidu de l’Elysée, car il a besoin de la France pour exister politiquement dans la région », décrypte Antoine Glaser, le directeur de La Lettre du continent.

Le président français va aussi justifier son appui à Ali Bongo en soulignant le côté exemplaire de sa politique de « rupture », censée dynamiter les pesanteurs des quarante ans de règne d’Omar Bongo. D’autant qu’elle s’inspire de la méthode Sarkozy : un hyperprésident s’ appuyant sur de puissants conseillers qui court-circuitent les ministres, et un tourbillon de réformes cherchant à mettre le pays en mouvement. « C’est très impressionnant. Il a lancé de véritables grenades dégoupillées », témoigne Jean-François Hénin, le PDG de Maurel & Prom, l’un des pétroliers présents au Gabon.

Premier chantier : la réforme de l’Etat gabonais, réputé aussi tentaculaire qu’inefficace. Omar Bongo gérait l’administration comme un chef de village : il achetait les opposants en leur offrant des postes, souvent fictifs. Dès son arrivée, Ali Bongo a viré une brochette de conseillers et « hauts représentants », tout en resserrant le gouvernement, ramené de 54 à 30 ministres. « Cela a créé pas mal de ressentiment, car plusieurs barons se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenu », assure un diplomate français.

Surtout, Ali Bongo a lancé la chasse aux fonctionnaires paresseux. Son arme ? La mise en place de la journée continue (7 h 30-15 h 30). Car auparavant, beaucoup d’agents de l’Etat partaient déjeuner chez eux, mais ne revenaient pas au bureau l’après-midi… En plus, le gouvernement a lancé un recensement des fonctionnaires, afin de détecter les emplois fictifs, qui atteindraient pas moins de 8 % des effectifs. Enfin, la lutte contre la corruption a été érigée au rang de priorité nationale.

Devenir un pays émergent

L’autre dossier chaud, c’est l’industrie. Le chef de l’Etat veut transformer une économie de rente, basée sur l’exportation de matières premières (pétrole, bois, manganèse) en un « Gabon émergent ». Son credo : créer une industrie de transformation des matières premières. Et il l’a déjà appliqué dans le secteur du bois, en interdisant les exportations de grumes depuis le 1er janvier. L’objectif : pousser les industriels, dont plusieurs entreprises françaises, à créer des usines sur place. « La décision est brutale mais justifiée : les forestiers s’étaient engagés à transformer 75 % de leur production à l’horizon 2012. Ils ne sont même pas à 40 % », déplore Henri-Claude Oyima, le président de la CPG, le Medef local.

Alors, Ali Bongo est-il le nouveau dirigeant moderne et efficace dont l’Afrique a besoin ? Il en est encore loin. A Libreville, beaucoup d’observateurs dénoncent la rudesse et l’impréparation des mesures gouvernementales. Dans le secteur du bois, l’interdiction des exportations de grumes aurait déjà provoqué plusieurs faillites d’entreprises, qui ne disposent pas d’usines sur place. « Cette mesure n’a pas été préparée. Et vu ses conséquences sociales, elle est intenable », souligne l’ONG Brainforest. Même précipitation pour la mise en place de la journée continue, qui a été imposée au privé, afin d’afficher une équité avec les fonctionnaires. « Arrêter les entreprises à 15 h 30, ce n’est pas efficace », déplore Henri-Claude Oyima.

Confusion des genres

Enfin, l’opération « Mains propres » suscite beaucoup de scepticisme. L’actuel chef de l’Etat a en effet pleinement participé au système mis en place par son père, en tant que ministre pendant plus de dix ans. Et pour les opposants au régime, ces coups d’éclat sont liés au règlement de comptes au sein du clan Bongo, pour se partager la cagnotte du régime. La bagarre avec Pascaline Bongo, la soeur aînée du président, qui gérait les finances d’Omar, aurait déjà commencé. Certes, Pascaline est toujours vice-présidente de Total Gabon et présidente de la filiale de Bolloré. Mais Ali Bongo vient de renforcer son contrôle sur la première banque privée du pays, la BGFI, présidée par Patrice Otha, son nouveau directeur de cabinet. Une confusion des genres que le nouveau maître du Gabon n’a pas l’intention de modifier.

UNE ECONOMIE FRANCISEE

Total Gabon (pétrole) Première entreprise du pays.
Comilog (manganèse) Détenue à 66 % par Eramet, cette entreprise va construire un gros complexe métallurgique.
Rougier (bois) Leader dans le secteur forestier, concurrencé par de nombreuses entreprises chinoises.
Bolloré (logistique) En lice pour participer au projet géant de Bélinga, une mine de fer exploitée par les Chinois.

Les gros tracas des industriels français

Francis Rougier, le président de l’entreprise Rougier, va ronger son frein, le 25 février, en faisant visiter son usine de Libreville à Nicolas Sarkozy et à Ali Bongo. La brutale interdiction d’exportation des grumes lui cause de gros problèmes, comme aux nombreux forestiers français au Gabon. Car avant de monter une nouvelle usine pour transformer ce bois, il faut au moins dix-huit mois. Autre industriel français en difficulté : Veolia, qui gère la fourniture d’eau et d’électricité. L’Etat gabonais, qui l’accuse de manquement à ses obligations à cause des nombreuses coupures, menace de casser le contrat.

Thierry Fabre

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