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Dernière ligne droite pour un vaccin antipaludisme

On l’espère depuis des décennies, il existera peut-être dans quelques années. Pour la première fois dans l’histoire de la médecine, un candidat vaccin contre le paludisme est entré, depuis presque un an, en phase 3 d’essais cliniques en Afrique.

Cette vaccination expérimentale, menée sous l’égide de l’organisation de santé internationale à but non lucratif PATH, a porté dans un premier temps sur une cohorte d’enfants âgés de 5 à 17 mois ; elle démarre actuellement sur une deuxième cohorte de nourrissons âgés de 6 mois. Le suivi durera deux ans et portera au total sur 16 000 enfants.

Si cette étape cruciale est franchie avec succès, on disposera du premier vaccin commercialisable contre le paludisme, un fléau parasitaire transmis par les moustiques, qui fait chaque année près d’un million de morts dans le monde, pour la plupart des enfants d’Afrique subsaharienne.

La première difficulté à laquelle se heurte la mise au point d’un vaccin contre le parasite Plasmodium réside dans le fait que celui-ci, qui passe par plusieurs stades au cours de sa vie, prend à chaque fois une forme différente et induit donc autant de réponses immunitaires. La seconde est plus mercantile : le marché africain n’est pas rentable pour l’industrie pharmaceutique, et la mise au point d’un vaccin coûte environ un demi-milliard de dollars (364 000 euros).

Aujourd’hui, le combat contre le paludisme se résume donc aux médicaments (chloroquine ou quinine) et à la lutte contre les moustiques. Des moyens insuffisants et onéreux : cette affection représente 40 % des dépenses de santé publique en Afrique, soit quelque 12 milliards de dollars chaque année. D’où les espoirs placés dans ce candidat vaccin : le RTS,S.

Son histoire commence en 1987 dans les laboratoires de GlaxoSmithKline Biologicals, filiale implantée en Belgique de l’américain GSK. Combinant la protéine RTS,S du parasite avec l’antigène de l’hépatite B, le vaccin est testé pour la première fois en 1992, aux Etats-Unis et en Belgique, chez des adultes volontaires. En 1995 commencent les premiers tests en Afrique, en Gambie et au Kenya. Tous semblent prometteurs. Mais il faudra attendre 2001, et le partenariat avec Malaria Vaccine Initiative (MVI) pour que le projet décolle.

Créée en 1999 grâce à une subvention initiale de la Fondation Bill & Melinda Gates, MVI est un des programmes de développement de PATH. Sa mission : accélérer la mise au point de vaccins contre le paludisme, et s’assurer de leur disponibilité dans les pays qui en ont besoin. « Au moment de la création de MVI, de nombreux chercheurs, institutions académiques ou laboratoires pharmaceutiques avaient déjà tenté des approches pour développer un vaccin antipaludique », précise son directeur, le docteur Christian Loucq. Avec l’aide des fonds collectés, publics et surtout privés, certains candidats vaccins passent alors à la vitesse supérieure. Le RTS,S en tête.

En 2004, les résultats d’une étude menée dans le sud du Mozambique, auprès de plus de 2000 enfants âgés de 1 à 4 ans, montrent que ce vaccin est efficace à 49 %, sur une durée de dix-huit mois, contre la forme sévère de la maladie. Fin 2008, le New England Journal of Medicine publie les résultats de trois autres études menées en Tanzanie et au Kenya : administré à de jeunes enfants, ainsi qu’à des bébés de moins de 1 an en même temps que les vaccins pédiatriques recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le RTS,S réduit le risque d’épisodes cliniques du paludisme de 53 % sur une période de suivi de huit mois.

Une efficacité jamais atteinte à ce jour par un vaccin expérimental contre le paludisme. En mai 2009, l’étude de phase 3, préalable indispensable à la commercialisation, démarre à Bagamoyo (Tanzanie). Elle se poursuit aujourd’hui dans onze centres de vaccination, répartis dans sept pays d’Afrique subsaharienne (Tanzanie, Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi et Mozambique).

Coût total de l’essai clinique : 210 millions de dollars. MVI, qui gère le partage des risques entre sociétés donatrices, entreprises privées de biotechnologie-pharmacologie et laboratoires publics, a reçu pour le projet RTS,S, ces deux dernières années, 175 millions de dollars. GSK, pour sa part, annonce qu’il prendra sur la commercialisation du vaccin une marge bénéficiaire de 5 % du coût de production.

La suite ? En fonction des résultats définitifs de l’étude et du temps nécessaire aux autorisations réglementaires de l’OMS, la production industrielle du RTS,S pourrait commencer d’ici cinq ans environ. Mais obtenir le feu vert pour entamer la commercialisation d’un vaccin est une chose, assurer sa diffusion et sa bonne administration sur le continent africain en est une autre.

C’est pourquoi l’OMS et MVI travaillent d’ores et déjà en partenariat avec les ministères de la santé de plusieurs Etats, afin d’établir un cadre décisionnel visant à une mise en oeuvre efficace des futures campagnes de vaccination. Plus efficace, en tout cas, que celle contre l’hépatite B qui a mis une quinzaine d’années avant d’être rodée.


La nocivité croissante de « Plasmodium vivax »: Le paludisme est dû au parasite Plasmodium dont il existe deux principales espèces : Plasmodium falciparum, très présent et mortel en Afrique ; et Plasmodium vivax, majoritaire en Asie et en Amérique du Sud.

Jusqu’à présent, les données épidémiologiques montraient que P. vivax ne pouvait pas infecter les personnes dont les globules rouges ne possédaient pas à leur surface une certaine protéine, dite Duffy. Les populations de groupe sanguin Duffy-négatif étaient considérées comme naturellement protégées contre l’infection par P. vivax.

Mauvaise nouvelle : cette assertion n’était pas – ou n’est plus – exacte. Des chercheurs viennent de montrer que le parasite P. vivax est capable d’infecter des populations considérées jusqu’à présent comme protégées du fait de leur groupe sanguin. Publiée le 11 mars sur le site Internet de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) par une équipe internationale impliquant des équipes malgaches, américaines et françaises (Institut Pasteur de Paris), cette découverte pourrait remettre en question certaines stratégies de vaccination – mais pas celle du RTS,S -. Elle alerte aussi sur une possible progression du parasite P. vivax dans des régions du monde où il était absent.


Catherine Vincent

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