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L’opposition du M23, une alliance hétéroclite contre Wade

Le coup d’envoi de la campagne présidentielle a été donné dimanche 5 février au Sénégal. D’un côté de l’échiquier politique, le président sortant Abdoulaye Wade. De l’autre, les différents courants d’opposition mobilisés au sein du Mouvement des forces vives du 23-Juin (M23). Une union anti-Wade mal comprise par les observateurs de la scène politique sénégalaise qui déplorent le manque de programme commun des candidats.

Définitivement validée le 29 janvier par le Conseil constitutionnel malgré les recours déposés par sept candidats, la candidature de Wade, président depuis douze ans, est considérée comme un « coup d’Etat constitutionnel » par l’opposition. Limitant initialement le nombre de mandats présidentiels à deux, la Constitution a été réformée en 2001 et 2008, permettant au « Vieux » de briguer un troisième mandat.

Wade, l’ennemi commun

Face à un Wade convaincu de sa réélection, les différents candidats se sont regroupés au sein du M23, mouvement citoyen d’environ 400 membres né le 23 juin 2011, afin d’obtenir son retrait de la course à la présidence. Malgré des appels à des rassemblements pacifiques, quatre personnes, dont un policier, ont été tuées lors de manifestations depuis le 27 janvier. Parmi les revendications du M23 : la mise en place d’un processus électoral transparent et démocratique.

« Nous sommes satisfaits de la mobilisation. L’objectif, qui était de montrer que les gens sont unis, a été atteint », s’enthousiasme Alioune Tine, coordonnateur du M23, estimant à plusieurs milliers le nombre de manifestants dimanche 5 février. Depuis le début de la campagne électorale, des rassemblements ont été organisés tous les jours dans différentes villes du pays, notamment Saint-Louis, Podor et Dakar.

Faute de sondages fiables, le nombre de participants à ces rassemblements reste flou mais, selon Thomas Fouquet, chercheur en anthropologie sociale actuellement à Dakar, la popularité du mouvement reste forte. Son audience demeure toutefois fragile car le M23 entre à présent dans une « période de flottement ». « Après plusieurs mois de mobilisation contre la candidature de Wade, la raison d’être du mouvement va dépendre de la posture qu’il s’apprête à adopter à partir de maintenant », souligne-t-il.

Une alliance hétérogène

Issues de milieux très divers, les personnalités politiques au sein du M23 peuvent être divisées en trois familles: les anciens du Parti socialiste (comme Ibrahima Fall, ancien ministre des Affaires étrangères sous Diouf), les anciens proches de Wade (Cheikh Tidiane Gadio, Idrissa Seck, Macky Sall), et enfin quelques nouveaux arrivants (Amsatou Sow Sidibé, Cheikh Bamba Dièye, etc.). Des parcours politiques individuels parfois sinueux, à l’image d’Idrissa Seck, surnommé la « girouette », ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade qui a été exclu à deux reprises du parti au pouvoir.

Selon Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique, le passé ambigu de certains des membres pourrait nuire au mouvement : « Chaque candidat joue en réalité sa propre carte et les partis traditionnels sont souvent discrédités car ils ont participé au pouvoir », commente-t-il.

Seul point de ralliement : tous s’expriment d’une même voix contre l’homme fort du Sénégal. « La force du M23 réside aussi dans l’implication des sociétés civiles, et notamment l’importante mobilisation de la jeunesse », explique Antoine Glaser.

La cause dépasse même la sphère politique : le chanteur Youssou N’Dour, dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel, est l’une des figures emblématiques du mouvement.

Un débat idéologique discret

Reste qu’en cristallisant les énergies, la lutte contre la candidature de Wade tend à éloigner la campagne électorale d’un réel débat idéologique.

Ibrahima Fall, candidat à l’élection présidentielle, ancien ministre des Affaires étrangères sous Diouf
Géraud Magrin*, géographe et chercheur au Cirad (centre de recherche français qui répond, avec les pays du Sud, aux enjeux internationaux de l’agriculture et du développement) met en avant le clientélisme de la politique sénégalaise et déplore que le débat des idées soit relégué au second plan au profit de « la lutte des personnes ».

« La vie politique se structure d’avantage sur des allégeances individuelles que sur des projets de société. Par exemple, la question de la réforme foncière, majeure au Sénégal, n’a été portée par aucun des candidats, alors qu’elle aurait pu structurer des oppositions politiques », détaille-t-il, avant d’expliquer que les élites politiques ne sont pas représentatives de catégories et d’intérêts sociaux-professionnels, comme cela peut être le cas en France.

Lundi 6 février, le candidat d’opposition Cheikh Tidiane Gadio a évoqué pour la première fois la création d’un Conseil national de transition au cas où le chef de l’Etat persisterait à se présenter à ce scrutin. Une option qui devrait donner lieu à des discussions au sein du M23 dans les jours qui viennent, selon Alioune Tine.

« Sopi or not sopi. A propos des élections présidentielles de 2007 au Sénégal », Géraud Magrin, Echogéo n°1, juillet 2007.

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