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Mohamed Morsi défie la puissante armée égyptienne

Le président égyptien Mohamed Morsi assiste à une cérémonie, le 9 juillet 2012 au Caire (Présidence égyptienne/AFP)
Mohamed Morsi a engagé un bras de fer décisif avec la puissante armée égyptienne en limogeant le maréchal Hussein Tantaoui, pilier du régime Moubarak et en abrogeant un décret rognant ses pouvoirs.

A la surprise générale, le président issu des Frères musulmans a mis à la retraite d’office Hussein Tantaoui, 76 ans, qui avait pris la tête du pays à la chute d’Hosni Moubarak en février 2011. Il était resté à la tête du tout-puissant Conseil suprême des forces armées (CSFA) après l’entrée en fonction de Morsi le 30 juin.

L’armée, qui avait jusque-là donné à l’Egypte tous ses présidents depuis le renversement de la monarchie il y a 60 ans, ne montrait lundi aucun signe de contestation éventuelle de cette décision annoncée la veille au soir.

Des généraux moins étoilés et d’autres officiers de rang plus subalterne pourraient en fait soutenir ces changements, qui devraient permettre l’émergence d’une nouvelle génération à la tête de l’armée.

« Ce que nous avons vu (…) en Egypte ressemble de plus en plus au mélange d’un contre-coup d’Etat civil et d’un coup d’Etat coordonné au sein de l’armée elle-même », avance Chadi Hamid, du centre de réflexion Brookings Doha Center.

S’il était prévisible que Mohamed Morsi tenterait de réduire l’influence de l’armée, qui a longtemps réprimé les Frères musulmans dont il est issu et qui reçoit tous les ans 1,3 milliard de dollars (1 milliard d’euros) d’aide militaire américaine, beaucoup pariaient sur un processus qui prendrait des années de compromis et de diplomatie afin d’éviter tout confrontation avec les généraux.

Et pourtant, six semaines après son entrée en fonction et une semaine après la mort de 16 gardes-frontières égyptiens victimes dislamistes au Sinaï, le chef de l’Etat annonce un changement majeur au sein du commandement militaire et une redistribution des cartes au niveau politique.

Car outre la mise à la retraite d’office du maréchal Hussein Tantaoui et du général Sami Enan, chef d’état-major des armées, Mohammed Morsi a abrogé une « déclaration constitutionnelle » prise par les militaires avant l’élection présidentielle qui rognait les prérogatives présidentielles.

« Mohamed Morsi met un terme au rôle politique de l’armée », souligne le quotidien indépendant « Al Masri Al Youm ». « Révolution du président contre l’armée », lance « Tahrir », un autre journal indépendant.

POUVOIRS ÉLARGIS

L’armée s’est pour l’instant gardée de réagir à ces annonces.

Le nouveau vice-ministre de la Défense, le général Mohamed al Assar, a affirmé à Reuters que les décisions de Mohamed Morsi avaient été prises en « concertation » avec Hussein Tantaoui et le reste du CSFA.

Les Etats-Unis se sont pour l’instant montrés tout aussi peu diserts sur le sujet.

Sous le sceau de l’anonymat, un haut responsable américain a estimé qu’il s’agissait d’une « affaire de politique interne ». « Il est trop tôt pour dire quelles en seront les possibles conséquences », a-t-il dit.

Mohamed Morsi a nommé le général Abdel Fattah al Sissi, 57 ans, qui travaillait jusqu’ici pour les services de renseignement militaires, à la tête de l’armée et au poste de ministre de la Défense.

« Je n’ai pas voulu envoyer de messages négatifs à propos de qui que ce soit, mais mon objectif était de servir cette nation et son peuple » a déclaré Mohamed Morsi lors d’un discours prononcé après la publication des décrets, tout en faisant l’éloge de l’armée égyptienne.

« La décision est souveraine, elle a été prise par le président pour injecter du sang neuf au sein du commandement militaire, dans l’intérêt du développement d’un Etat nouveau, moderne », a déclaré à Reuters Yasser Ali, porte-parole de la présidence.

Mohamed Morsi avait déjà montré par le passé qu’il était prêt à affronter l’armée et ses chefs.

Le mois dernier, il avait contesté la décision des généraux de dissoudre le Parlement, où les islamistes étaient majoritaires, mais la justice avait finalement donné raison aux militaires.

Les décisions annoncées dimanche soir devraient permettre au président de s’emparer des fonctions dévolues à l’assemblée dissoute, en lieu et place de l’armée, tant qu’un Parlement n’est pas élu et de désigner une instance chargée de rédiger une nouvelle Constitution si le comité qui s’y attelle en ce moment n’y parvient pas.

Néanmoins, un membre de la Cour constitutionnelle suprême a soulevé le risque d’un recours judiciaire contre les annonces de Morsi.

Soulignant le caractère constitutionnel du document que le président avait remis en question et sur lequel il avait lui-même prêté serment, Tahani el Gebali a rappelé au site d’information public Ahram Online qu’un « président n’a pas le pouvoir d’abroger une Constitution, même provisoire ».

L’opposition est, quant à elle, divisée sur les mesures prises par Mohamed Morsi.

Le libéral Mohamed ElBaradeï, ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à la fois critique des Frères musulmans et de l’armée, écrit : « Avec une armée privée de l’autorité législative et en l’absence d’un Parlement, le président détient des pouvoirs impériaux. La pagaille de la transition continue. »

Pour d’autres, c’est en revanche « la première étape vers l’établissement d’un Etat civil », comme l’affirme le Mouvement du 6-Avril, à l’avant-garde » de la « révolution du Nil » de 2011.

Baptiste Bouthier pour le service français

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