Littéralement, pour avoir écrit que Luc Oyoubi, le ministre gabonais de l’Economie, manque d’élégance, l’hebdomadaire satirique Le Nganga, a été appelé à comparaitre au tribunal. Après le journal Echos du Nord qui sera incessamment à la barre, on peut dire que la saison est vraiment mauvaise pour la presse.
Le ministre de l’Économie, de l’Emploi et du Développement durable, Luc Oyoubi, a déposé une plainte auprès du parquet pour diffamation et injures, suite à un article paru sur les colonnes du journal Le Nganga, le 11 avril, sous le titre «Hot tension à Okondja : La chanson de la discorde entre Oyoubi et sa suppléante».
Il est, entre autres, reproché à l’hebdomadaire satirique d’avoir qualifié Luc Oyoubi de «nouvel homme fort mais hélas inaccompli d’Okondja» et comparant le ministre de l’Economie à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Paul Toungui, d’avoir écrit : «Pour commencer, Luc Oyoubi part avec un sérieux handicap vis-à-vis de Toungui : il est indiscutablement moins charismatique et moins fringant. Pour ne pas dire inélégant et irrespectueux vis-à-vis des populations locales. Alors que la réunion des pédégistes était annoncée pour le début de l’après-midi, et que toute la famille politique de la localité était déjà bien installée, le camarade Oyoubi est arrivé avec plus d’une heure de retard, faisant peu de cas des pauvres militantes grillant sous le soleil caniculaire. Dès qu’il est arrivé, son escorte de gros bras s’est mise en exergue en bousculant les danseuses des groupes d’animation, déjà passablement énervées, pour lui frayer un passage.» Des propos que la ;partie plaignante a jugé «catégoriques», «péremptoires» et «constitutives de diffamation et d’injures», puisque portant «atteinte à l’honneur et à la considération de Monsieur Luc Oyoubi», peut-on lire dans l’exploit d’huissier transmis à l’hebdomadaire. De quoi, en tout cas, se demander lequel de ces antagonistes est le vrai professionnel de la satire.
Le clou, pour le plaignant, est que Bertin Okoulamet, auteur de l’article, a conclu son texte en écrivant : «Mais le pauvre Oyoubi a tendance à se désagréger littéralement dès que l’on parle de Toungui. Même quand on chante seulement le nom de celui-ci. Si c’est une maladie, il a intérêt à vite se faire soigner». Des allégations toutes «aussi diffamatoires que proprement injurieuses envers la personne du requérant», note l’huissier de justice, Me Odette Rémanda.
On a presqu’envie de rire si l’on compare les écrits incriminés à tout ce que prend, sur son dos, le chef de l’Etat, Ali Bongo, qui jusqu’ici n’a traduit aucun journaliste en justice, malgré toute la violence des propos à son endroit. Se situant au dessus de la mêlée, sans doute applique-t-il le proverbe et vieille boutade qui dit que «le chien aboie, la caravane passe». Mais certains passagers de la caravane de l’Emergence ne l’entendent pas ainsi. Pour eux, lorsque le chien aboie, la caravane doit s’arrêter et faire face. Et si on les écoutait, la caravane s’arrêterait à tout bout de champ. Comment dans ce cas, chanter avec les autres caravaniers, «Laissez-nous avancer» ? On n’avance certainement pas en livrant des batailles lilliputiennes. Il faut se consacrer aux vraies batailles.



