Quelle stratégie pour redonner confiance aux Gabonais vis-à-vis de la justice qui semble se complaire dans la norme de «la justice des plus forts contre les plus faibles» ? Une problématique notée à Mitzic où des agents contrebandiers des Eaux et Forêts ont été remis en liberté alors que leurs complices croupissent dans les geôles.
Au moment où la population gabonaise fait l’effort de reprendre confiance en sa justice après les dernières sorties médiatiques de son président de la République, Ali Bongo Ondimba, et de son ministre de la Justice, Ida Reteno Assonouet. Celle-ci rappelait, il y a quelques semaines, encore à ses collaborateurs que «la justice est rendue au nom du peuple pour le peuple. Elle est impartiale, équitable. Le peuple a besoin d’en être convaincu». Mais les agents judiciaires font de leur mieux pour démontrer le contraire.
Après la libération, le 22 mai dernier de la prison centrale de Libreville, de présumés auteurs de crimes rituels, El Hadj Mba Mvé et Hubert Assoumou, qui a fait grand bruit, le tour est revenu aux agents des Eaux et Forêts du cantonnement de Mitzic et leur chef de fouler aux pieds les lois du pays ou de tirer profit de leur banalisation. Arrêtés suite à une procédure relative à l’exploitation forestière illégale, ces agents ont été relâchés alors que leurs complices sont toujours en détention et attendent leur jugement le 5 juin prochain.
En effet, le 8 mai 2013, la direction provinciale des Eaux et Forêts du cantonnement de Mitzic dans le Woleu-Ntem, accompagnée de la Police judiciaire, a effectué une descente sur le terrain au village Miang, dans le département de l’Okano pour procéder à la vérification des exploitations qui s’y réalisaient sans titre. Une fois sur les lieux, un constat amer s’est dégagé à la vue du bois prêt à être chargé.
Selon les agents affectés pour ladite mission, ce bois était manifestement exploité illégalement. La machination était orchestrée la Société forestière Andeme et Fils (SFAF) cogérée par la gabonaise Andeme Mba Marie et le Malaisien dénommé Low Pai, qui a été prise en flagrant délit d’exploitation illégale alors qu’elle ne disposait pas de titre d’exploitation.
Les exploitants illégaux interpellés ont dénoncé des agents des Eaux et Forêts de Mitzic qui ont été également interpellés et mis en garde à vue, le 10 mai dernier, par la police judiciaire avant d’être remis en liberté provisoire. Le chef de cantonnement des Eaux et forêts de Mitzic avait pour sa part fuit et a finalement été arrêté par la Police judiciaire à Oyem le 29 mai 2013, soit trois semaines plus tard, avant d’obtenir comme ses collaborateurs une mise en liberté provisoire. Comment expliquer ces faits, sinon qu’ils démontrent bien l’existence d’une justice à deux vitesses : les agents des Eaux et Forêts étant pourtant complices des mêmes actes répréhensibles que ceux qui ont été retenus dans les cellules, mais aussi manifestement coupables de corruption et trafic d’influence ?
«Mais pourquoi les agents des eaux et forêts ne sont-ils pas plus inquiétés que les autres détenus et continuent leurs activités comme s’il n’y avait pas de procédures judiciaires et de preuves à leur égard ?», s’interrogent les proches de madame Andeme Mba et certains travailleurs de la SFAF.
Selon une source proche du dossier, cette façon de faire n’est pas nouvelle car une procédure judiciaire montrant l’implication de la direction provinciale des Eaux et Forêts pour une histoire similaire demeure sans suite au niveau de la justice alors que des documents frauduleux ont été mis en évidence et que l’exploitation forestière illégale dans l’Estuaire est généralisée.
En attendant le jugement prévu le 5 juin prochain à l’issue duquel la population pourra juger d’elle-même si, réellement «nul n’est au-dessus de la loi et que la justice gabonaise n’est pas influencée», la gérante de la SFAF ainsi que les travailleurs de ladite société devront méditer sur leur sort pour avoir enfreint à la décision du chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba interdisant l’exportation du bois en grume, en vigueur depuis 3 ans déjà.