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La cherté du poisson, une menace pour l’activité d’écailleur (Par Herman U. NGOULOU)

artoff4671Lundi, 13 janvier, il est 10h. Les eaux de la ‘’Lowé’’, une petite rivière se jetant dans l’Estuaire du Komo dans la commune d’Owendo, à une vingtaine de km de Libreville sont calmes en raison de la basse marée. Au bord de l’eau se trouve une pirogue de pêche accostée tôt dans la matinée, après avoir ravitaillé les commerçants. Le petit marché du pont Nomba n’a pas grouillé du monde ce jour-là. Quelques clients se faufilent entre les étals pour tenter de se procurer du poisson.

Les vendeurs apostrophent les clients à leur passage. « Poissons frais ici ! Venez Papa, maman, il y a du bon poisson ici », s’écriaient-ils pour attirer l’attention de la clientèle.

Après un moment d’hésitation, certains finissent par s’arrêter devant une table pleine de produits halieutiques. Puis, on débat sur le prix jusqu’à satisfaction des deux parties, sous les regards attentifs des écailleurs qui se bousculent pour arracher le premier client. « Le prix du poisson a augmenté de façon vertigineuse, cela nous fausse les calculs, parfois on préfère aller les écailler nous-mêmes à la maison lorsqu’on a un peu de temps. Ici le kilogramme coûte varie de s 3000 FCFA et plus », lance une cliente d’une trentaine d’année, qui se dirige vers les écailleurs.

Ces spécialistes du traitement artisanal du poisson, ont érigé leur base en dessous du pont. Vêtus des combinaisons bleues et menu de leur matériel de travail (machette, couteau et grattoir), ces derniers essaient de gagner honnêtement leur vie pour se prendre en charge et nourrir leurs familles. D’autres par contre n’ont pas de tenue de travail et exercent sur des tables de fortune. Ils étaient près d’une dizaine toute communauté confondue sur le site, sur les 31, essentiellement des hommes, recensés par le ministère en charge des Petites et moyennes entreprises (PME) et de l’artisanat. Pour beaucoup d’entre eux, le coût du poisson qui augmente sans cesse inquiète énormément. Car, cette situation constitue une véritable menace pour la survie de leur métier. « Les années passées, l’on pouvait dire qu’un écailleur vivait de son métier. Mais aujourd’hui, le poisson devient très cher. Vous imaginez qu’un kilogramme du poisson au Gabon, varie maintenant entre 4000 à 4500Fcfa. Face à cette augmentation exponentielle, tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir du poisson. Cette situation baisse complètement notre activité et nos revenus. Restez ici jusqu’à 17 heures, vous allez voir comment des pères et des mères de famille viennent ramasser des abats de poisson. Je suis là depuis 7 heures et je ne pas encore eu un seul client », fulmine Daniel Nkoulou, un jeune écailleur la vingtaine largement dépassée. Ce dernier profite de lancer un cri d’alarme en direction des plus hautes autorités du pays, afin de revoir à la baisse le coût du poisson qui est, et pourtant, « pêché dans nos eaux », a-t-il indiqué. Daniel comme la plupart des écailleurs du pont Nomba arrivent au ‘’boulot’’ à 7 heures. Le prix d’écaillage est fixé à 200 FCFA le kilogramme chez tous les écailleurs. Pour Jean Pierre Amoughé Ndong, teint noire, 40 ans révolue, Certains exercent cette activité à temps partielle, dans la mesure où, elle ne permet pas de supporter toutes les charges de la maison. « C’est un petite bricole qui me permet d’équilibrer mes dépenses et satisfaire certains besoins. Lorsque la journée a été productive on peut sortir avec 10000 FCFA ».

Autre lieu où les écailleurs exercent, le Port-Môle situé au cœur de la capitale, il est d’ailleurs le site le plus important, avec 46 écailleurs recensés dont 2 femmes. Dans cet environnement bordé de plusieurs commerces, les écailleurs sont installés dans tous les coins, soit individuellement ou en groupe. De passage sur les lieux, Julien Ognandji, responsable des écailleurs du Gabon et trois de ses compagnons munis de tout leur matériel de travail, sont à pied d’œuvre devant une boutique tenue par un ressortissant libanais.

Dans cette zone stratégique, fréquentée par la quasi-totalité des librevillois, le prix du poisson écaillé varie de 200 FCFA s’il s’agit du poisson frais à 300 FCFA le kg pour du poisson congelé.

Agé d’environ 40 ans, père de 4 enfants, Julien réussi à prendre en charge sa famille grâce à cette activité, ses revenus avoisinent également les 10000 FCFA jour, lorsqu’il y a de l’affluence.

« Il y a des jours où les clients abondent, parfois c’est la disette. On n’a pas de la clientèle. C’est ma seule source de revenus, j’ai un enfant qui étudie en France et c’est avec cet argent que je subviens à ses besoins. Il n’y a pas des sous-métiers et j’invite mes compatriotes gabonais à faire comme moi, il faut juste faire preuve de volonté et surtout les autorités du pays doivent mettre l’accent sur la formation des jeunes dans les petits métiers », estime-t-il.

Comme dans les autres sites, les écailleurs du Port-môle dénoncent aussi le coût du poisson très élevé qui impact sur leur activité. Pour Jean Paul Obame qui s’est présenté comme le secrétaire général de l’association des pêcheurs au Gabon, le manque des statuts juridiques régissant leur activité est une grande préoccupation.

« Nous voulons que l’Etat nous reconnaisse juridiquement, au-delà de tout ce qui se fait par le ministère en charge des Pme et de l’artisanat », espère-t-il.

Au débarcadère d’Ambowè, l’atmosphère est morose. Quelques vendeuses essayent d’écouler difficilement leurs produits. L’activité est détenue dans ce site par des femmes, plus de dix, en majorité des expatriés. Là-bas, pour écailler du poisson il faut débourser 300 FCFA.

« Quand il y a beaucoup des clients, je fais entre 20000 FCFA à 25000 FCFA de revenus par semaine. L’activité ici est plus intense les mercredis et les week-ends. Ce sont les jours où les pêcheurs reviennent avec beaucoup de poissons. Cette activité nous permet de nourrir nos enfants et de les envoyer à l’école. La seule difficulté ici, ce sont les agents de la mairie qui viennent régulièrement nous chasser, parfois ils confisquent notre marchandise, parce qu’ils estiment que ce n’est pas un endroit approprié pour nous », se lamente Christine, une jeune ouest africaine, écaillant le poisson.

Ce métier, en dépit des difficultés diverses rencontrées par ces écailleurs, ils arrivent tout de même à gagner leur vie, certes péniblement mais honnêtement.

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