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Les flibustiers des finances publiques

finances-pub400 milliards détournés en dix ans, des entreprises surpayées n’ayant pour siège social que l’automobile de leur promoteur, du matériel informatique 30% plus cher que dans le commerce, des marchés de gré à gré basés sur des rétrocommissions monstres, «L’État s’est fait flouer pendant de longues années». Les explications de la DGCRCP en charge de l’assainissement des finances publiques.

En vue de remettre à plat les finances publiques que l’opinion publique dit à la diète, le gouvernement gabonais a lancé, en janvier dernier, un audit approfondi des finances publiques effectué par la Direction générale du contrôle des ressources et des charges publiques (DGCRCP).

Pour ce faire, les paiements de l’Etat ont été bloqués au 31 décembre 2013 et pendant six mois, à compter de février 2014, les livres du Trésor public ont été passés au crible. Les résultats de cet audit, selon Jean-Fidèle Otandault, directeur général de la DGCRCP, ont fait ressortir un vaste système de détournements comportant, entre autres, des entreprises prête-nom qui permettaient d’attribuer, de gré à gré, à des proches de hauts fonctionnaires, des marchés basés sur d’énormes rétro commissions alors que les travaux concernés n’étaient pas toujours exécutés ou les prestations facturées pas du tout fournies. Des niveaux de surfacturation dépassant les 30%, notamment sur la fourniture du matériel informatique, ont par exemple été notés. «L’État s’est fait flouer pendant de longues années. Des matelas financiers étaient placés au Trésor en tant que lignes de crédit pour tel ou tel ministère. De savants montages ont permis à certains, dans l’administration et en dehors, de puiser dans ces matelas pour financer des chantiers avortés, des surfacturations rétro-commissionnées et des études de faisabilité qui ne débouchaient sur rien de réel», explique Jean-Fidèle Otandault.

Les investissements relatifs aux fêtes de l’indépendance tournantes, organisés durant la période 2003-2009, constituent l’exemple le plus frappant de cette volatilité des finances publiques. Le principe était de consacrer un budget de 50 milliards de francs CFA chaque année pour deux provinces, hormis l’Estuaire qui avait bénéficié de 50 milliards à elle toute seule. Mais, «sur les 500 milliards de francs CFA, plus de 400 milliards ont été détournés en dix ans», affirme le directeur général de la DGCRCP qui n’a pas manqué de déplorer, par ailleurs, un marché colossal de travaux publics de 300 milliards francs CFA passé de sans appel d’offre ou encore des travaux dont le montant a été multiplié par 12 en cinq ans de chantier.

L’audit a notamment mis en exergue, au Trésor public, 135 milliards de dettes aux entreprises. Examinés au cas par cas auprès de 400 entreprises dont les dirigeants ont été appelés pour confrontation des pièces comptables, nombreuses de ces dettes ne correspondent pas à la réalité du «service fait» ou présentent des surfacturations. La DGCRCP a noté des cumuls de dettes sur des prestations non fournies qui remontaient à de nombreuses années, certaines depuis 2005-2006 pour un montant global de 1700 milliards de francs CFA. Résultat des courses : 700 milliards ont dû être annulés, car étant sans objet. Un traitement qui ne serait nullement préférentiel puisque, à titre d’exemple, sur 300 milliards de francs CFA de lignes de crédits ouverts au profit de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), 200 milliards ont été annulés.

Ces réajustements dignes du nettoyage des écuries d’Augias dans les 12 travaux d’Hercule, ne sont naturellement pas du goût des entrepreneurs démasqués. «Nous nous faisons beaucoup d’ennemis, qui font donc courir la rumeur de l’insolvabilité de l’Etat, simplement parce qu’ils n’en profitent plus. Certaines micro-PME, dont les dirigeants ont parfois leur bureau dans leur voiture, ont été habituées à être entièrement préfinancées par l’État, sans aucun contrôle par la suite. Ces prestataires, qui ne reçoivent plus d’argent, racontent ainsi que l’État n’a plus d’argent», soutient Jean-Fidèle Otandault qui s’indigne de ce qu’«on ne peut pas continuer à détourner les fonds publics, alors que la production pétrolière, première ressource du pays, stagne.» Mais, «les caisses ne sont pas vides, car nos recettes sont structurellement toujours les mêmes. Le Gabon est bien noté à l’international, notre signature est reconnue et le FMI a salué notre démarche d’assainissement», soutient le «surveillant général des finances de l’État», ainsi que l’appellent certains fonctionnaires.

Désormais l’Etat gabonais ne payera que «la bonne dépense, pas la mauvaise», selon l’expression du haut fonctionnaire. Une autorité chargée de veiller sur les marchés publics et instaurer des règles de contrôle budgétaire plus strictes dès 2015, devrait être instituée. En attendant, au terme de la confrontation des preuves, l’Etat et les entreprises créancières se sont accordés sur un montant «réel après nettoyage» (278 milliards de francs CFA) à régler à l’ultime échéance du 31 décembre 2013, étant entendu que les paiements ont débuté depuis le mois d’avril dernier.

Il a été noté que les dépenses de fonctionnement sont payées à 30 jours ; les dépenses d’investissement à 60 jours tandis que certains chantiers de long terme vont être reprogrammés dans le temps afin d’orienter les fonds vers l’habitat, l’éducation, la santé, l’eau qui sont les urgences du Pacte social lancé en avril dernier par Ali Bongo.

Née de la dissolution de la Direction générale du contrôle financier (DGCF) et de la Direction générale de la comptabilité Publique (DGCP) et confirmé le président Ali Bongo lors du conseil des ministres délocalisé du 4 Mars 2010 à Port-Gentil, la DGCRCP a pour mission de renforcer le contrôle de la réalité du service fait et d’assurer la surveillance générale des ressources et charges globales de l’Etat.

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