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Appels à la candidature d’Ali Bongo : Une faute politique

Ali Bongo, le 16 octobre 2014, lors de la célébration par le PDG de ses 5 ans de pouvoir. © DCP Gabon
Ali Bongo, le 16 octobre 2014, lors de la célébration par le PDG de ses 5 ans de pouvoir. © DCP Gabon
A quinze mois du terme du mandat en cours, le PDG aurait tort de se lancer prématurément dans une campagne présidentielle. Faire la lumière sur l’état-civil de son champion, réfléchir à des mesures politiques, économiques et sociales urgentes s’avèrent une nécessité pour légitimer toute nouvelle candidature du président de la République.

Le PDG vient-il d’ouvrir la boîte de Pandore ? Faustin Boukoubi et les siens peuvent toujours affirmer être dans leur rôle. Mais en enjoignant les fédérations d’appeler à la candidature d’Ali Bongo à la prochaine présidentielle (lire par ailleurs «PDG : Le Secrétariat exécutif demande aux fédérations d’appeler à la candidature d’Ali Bongo pour 2016»), ils prennent le risque de polluer l’atmosphère avec des considérations de politique politicienne et finalement de pourrir la dernière partie du mandat en cours. Parfaitement décalée, leur initiative relance involontairement le débat sur l’état-civil de leur champion tout en ouvrant la voie à un inventaire pas toujours à leur avantage. En conséquence, elle résonne comme une bravade à l’endroit des autres forces sociales et d’une grande partie de l’opinion. En poursuivant dans cette voie, le secrétariat exécutif du PDG commettrait une monumentale faute politique.

Respect des lois

Le chemin vers la prochaine présidentielle comporte une succession d’étapes. D’abord, les questions administratives. Contrairement à des pays comme la France, les lois nationales établissent un distinguo entre nationalité et éligibilité : on peut être citoyen gabonais et non éligible. Or, même s’il a été détourné, dévoyé, le débat sur l’éligibilité d’Ali Bongo préoccupe une bonne partie de l’opinion. Avec insistance, sur tous les tons, parfois avec passion, souvent avec fougue, de nombreux citoyens exigent une clarification sur cette question. Aujourd’hui encore, ils sont en attente du fin de mot de cette histoire rendue encore plus inextricable par les révélations de notre confrère Mediapart sur les dessous de la succession Omar Bongo Ondimba (lire par ailleurs «Filiation d’Ali Bongo : L’entrée en scène de la justice française» ; «Etat-civil Ali Bongo : La fuite en avant du parquet de Nantes» ; «Querelles autour de la succession Omar Bongo Ondimba : Chantal Myboto-Gondjout passe à la contre-offensive» et «Succession Omar Bongo : Mme Myboto-Gondjout disposée au test l’ADN pour sa fille»). Jusqu’ici, Ali Bongo a été protégé par son statut et sa fonction. Jusque-là, les implications politiques et diplomatiques de cette affaire ont refreiné les ardeurs éventuelles de la justice, nationale ou française. S’il venait à faire de nouveau acte de candidature à la présidentielle, Ali Bongo serait automatiquement invité à clarifier son état-civil. Pourrait-il enjamber cet écueil ? La justice pourrait-elle alors se réfugier derrière le statut du président de la République pour éluder cette question ? Rien n’est certain.

On peut douter de la plus-value d’un tel débat, en contester l’opportunité, interroger sa portée et son sens. Mais, on est obligé de se soumettre aux textes en vigueur, de respecter les lois. Implicitement l’article 10 de la Constitution réserve la présidence de la République aux seuls «Gabonais d’origine». Explicitement, la loi 37/98 portant Code de nationalité reconnait cette qualité à des catégories de citoyens bien précises. Y aurait-il donc plusieurs types de citoyens ? Y aurait-il des citoyens à part entière et d’autres entièrement à part ? Y aurait-il des citoyens de seconde zone dont les ambitions politiques sont fatalement limitées ? Malheureusement, les lois nationales laissent cette idée s’insinuer. La bien-pensance ambiante tient le débat sur l’état-civil et l’éligibilité d’Ali Bongo pour oiseux et superfétatoire. Faut-il rappeler que le corpus juridique national est d’inspiration PDG ? Doit-on inviter à se souvenir que cette formation politique dirige le pays depuis 48 ans maintenant ? A moins de refaire l’histoire, on est obligé d’exiger de la majorité au pouvoir un minimum de cohérence. Sauf à militer pour la navigation à vue, on est contraint de s’interroger sur sa capacité à scruter l’horizon, se projeter dans l’avenir, prévenir d’éventuelles situations et finalement gouverner. Ne dit-on pas que «gouverner c’est prévoir ?».

Droit d’inventaire

A l’évidence, les appels à une nouvelle candidature d’Ali Bongo sont prématurés et du plus mauvais effet. Surtout que, sur le front institutionnel, économique et social, les résultats se font toujours attendre. Dans «L’avenir en confiance», celui qui était alors candidat à la présidence de la République annonçait son ambition de «transformer le Gabon pour en faire un pays émergent et prospère, placé sous le signe de l’unité et de la solidarité». À l’orée de la dernière ligne droite avant la présidentielle de 2016, on est bien loin de cet objectif. Sur de nombreux engagements, on oscille entre échec et renoncement. Au-delà des discours, la question de l’Etat de droit est le meilleur symbole de cette capitulation : le statut de l’opposition a été enterré sans couronnes, le soutien à la presse et l’implication de la société civile se font toujours attendre, la loi 23/2005 du 20 décembre 2005 portant création et organisation du Fonds national pour le développement de la presse et de l’audiovisuel étant demeurée lettre morte alors que la loi 35/62 du 10 décembre 1962 relative aux associations n’a jamais été adaptée au contexte. Sur la gouvernance en général et les relations internationales, l’échec est cuisant : la réforme administrative n’a jamais été amorcée, le dialogue social n’a jamais été aussi critique et heurté, la récente redistribution des cartes au sein de la Cemac a confirmé la perte d’influence du Gabon au plan sous-régional.

Autant d’exemples révélateurs d’un bilan peu glorieux, lui-même contrecoup d’une gouvernance expérimentale, caractérisée par un goût du tape-à-l’œil et des réformes à l’emporte-pièce, pas toujours en phase avec les réalités et les exigences de la gestion d’un Etat. Pour se lancer dans une compétition, il faut en avoir les moyens, s’assurer d’en détenir les prérequis. Pour se porter candidat à la présidence de la République, il faut d’abord s’assurer de son éligibilité et se doter d’un projet. Condamné à défendre son bilan, le président de la République ne peut se soustraire de toute reddition de comptes. Dans la perspective d’une nouvelle candidature, il doit aussi reconnaître au peuple le droit de revendiquer un inventaire, de lui demander de faire la lumière sur les nombreuses zones d’ombre des dernières années.

Le PDG doit donc réfléchir à une voie médiane, une solution sophistiquée permettant à Ali Bongo de terminer son mandat dans la sérénité, de confondre ses contempteurs sur la question de son éligibilité et de préparer la défense de son bilan. Les appels à la candidature sont, à ce stade, contreproductifs. Ils ne peuvent qu’éloigner le président de la République des préoccupations quotidiennes des populations. Autrement dit, le retour aux fondamentaux est une urgence. Car, arrivant au moment où des tensions de trésorerie sont perceptibles par le citoyen lambda, où la note souveraine du pays vient encore d’être abaissée, les appels à candidature ne peuvent que détériorer davantage le climat socio-politique. Faustin Boukoubi et les siens ne peuvent convaincre en défendant leur initiative. Des organismes internationaux tels que le Bureau Afrique centrale des Nations-unies (Unoca), des pays amis comme les Etats-Unis d’Amérique, des agences de notations dont Fitch Ratings ont, depuis, tiré la sonnette d’alarme. Pour eux, la dégradation de la situation politique, économique et sociale du pays est patente et tout autant inquiétante. Pourquoi le PDG doit-il feindre de ne pas le voir ? Sur quels critères objectifs peut-il prétendre avoir raison seul contre tous ? Il est dans l’intérêt du pays, des populations et donc des militants PDG de voir la majorité au pouvoir faire moins de politique politicienne pour se consacrer aux politiques publiques.

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