Après les « Panama papers », les « Pandora Papers ». Une enquête publiée dimanche dernier par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) révèle que 300 responsables publics, 35 chefs d’Etat, 130 milliardaires, ont recours à des paradis fiscaux. Si la dissimulation des grandes fortunes derrière des sociétés anonymes offshore est une pratique bien partagée dans les hautes sphères dirigeantes de nombreux pays, le président de la République Ali Bongo et son épouse Sylvia Bongo font partie des aficionados présumés de ces usages, selon les révélations des «Pandora papers » en vogue.
Cinq ans après l’exhumation des centaines d’articles relatifs aux avoirs secrets de chefs d’État, de milliardaires, de sportifs et de criminels dans les paradis fiscaux baptisés « Panama Papers », le Consortium international des journalistes d’investigation (Icij) a récidivé, le 3 octobre, avec ce que les observateurs qualifient de « fuite inédite de documents financiers, épluchés » : « les Pandora papers ».
Ainsi baptisé en référence à la légende de la boite de Pandore censée contenir tous les maux de l’humanité, cette enquête dévoile les secrets financiers de 35 dirigeants mondiaux actuels et anciens, dont ceux du président Ali Bongo Ondimba et son épouse ; de plus de 330 politiciens et fonctionnaires de 91 pays et territoires, ainsi que d’un groupe mondial de fugitifs, d’escrocs, de meurtriers et de barons de la mafia.
Ali Bongo, Jean-Pierre Oyiba, Claude Sezalory…
Si les détails en ce qui concerne le président du Gabon, et certains de ses homologues africains, ne sont pas totalement livrés, les pages des « Pandora papers », soulignent néanmoins qu’Ali Bongo et deux hommes politiques gabonais à savoir Jean-Pierre Oyiba et Claude Sezalory contrôlaient une société de commerce international écran domiciliée aux Iles Vierges britanniques (IVB), dénommée Gazeebo Investments Ltd. De même, l’enquête identifie Sylvia Bongo Ondimba comme l’un des membres d’une l’entreprise de montage financier dont la raison sociale n’est pas divulguée. « Ce sont les premières annonces d’une série d’histoires qui seront publiées cette semaine », assure l’ICIJ.
Le flirt interlope entre les dirigeants du Gabon et Îles Vierges britanniques remonte à de nombreuses décennies. En 1997 déjà, en plein tourbillon de l’affaire Elf-Bidermann, Éva Joly, juge chargée de l’instruction, avait placé sous séquestre un compte bancaire « appartenant à l’État gabonais, ou même au président Bongo », ouvert au nom d’une société immatriculée dans les Îles Vierges. Si Ali Bongo ne deviendra ministre de la Défense qu’à partir de 1999, les « Pandora papers » indiquent qu’il aurait contrôlé deux sociétés offshores aux Îles Vierges britanniques à la fin des années 2000, alors qu’il était ministre de la Défense.
Îles Vierges britanniques, une vieille planque gabonaise
En 2019, alors qu’il était reproché au journal français Libération d’avoir organisé un forum lucratif au Gabon en 2015, on découvrit, par le média confidentiel Lettre A, que la télévision Edan lancée par l’épouse de Maixent Accrombessi (alors Haut représentant personnel du président gabonais) avait pour actionnaire majoritaire un fonds dénommé TransAfrica Capital… immatriculée aux Îles Vierges britanniques. En septembre 2019, une enquête de la presse britannique baptisée «Palaces of corruption», révélait que la résidence achetée en 2010 par Ali Bongo dans le quartier huppé de Mayfair en plein coeur de Londres, avait été payée par une société écran lui appartenant, située dans… les Îles Vierges Britannique.
Les « Pandora Papers » renvoient à 11,9 millions de documents dans lesquels se retrouvent les noms de plus de 336 hommes politiques à travers le monde. Ceux-ci auraient utilisé des entités dans des juridictions secrètes, pour acheter des biens immobiliers, détenir de l’argent en fiducie, posséder d’autres sociétés et d’autres actifs, parfois de manière anonyme. L’enquête menée par les journalistes qui collaborent au projet, révèle aussi comment les banques et les cabinets d’avocats travaillent en étroite collaboration avec les prestataires de services offshore pour concevoir des structures d’entreprise complexes.
50 politiciens et officiels cités dans les « Pandora Papers », sont en Afrique, apprend-on de l’Icij. Le Nigéria avec 10 politiciens, est le pays de la région qui compte le plus de cas évoqués dans les dossiers ayant fuité. Il est directement suivi par l’Angola (9 politiciens). Les autres pays africains apparaissant dans ces révélations sont le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Tchad, le Congo Brazzaville, le Kenya, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud et… bien entendu le Gabon qui visiblement ne manque jamais dans ce type de révélations.