Les humoristes gabonais tournent en rond depuis quelques années et seul un quarteron d’entre eux continue de créer des œuvres désopilantes et réussit encore à faire rire le public. Le gros du bataillon met bien souvent en rogne son auditoire, résigné à rire de son manque d’imagination.
Même si leur métier est de ne pas être sérieux, il devient important d’exiger un peu plus de sérieux dans leur travail à ces rigolos de comiques gabonais. Ils prennent leur gagne-pain tellement à la légère qu’on pourrait dire «ils font rire», comme qui dirait «ne me fait pas rire». De moins en moins, en effet, trouve-t-on encore de l’hilarité dans leurs prestations et le public, qui n’est pas dupe, en a marre de se voir répéter des blagues déjà lues dans les journaux. Un seul exemple : la blague de Defunzu sur Omar Bongo piquant une cuillère en or à la Maison Blanche, est très bien connue de tous les lecteurs des publications «100 Blagues» et «Rires en Poche». On change les noms des protagonistes, on tropicalise le gag trouvé dans un journal ou piqué à la télévision d’un pays étranger et le tour est joué. Parfois, de peur de passer pour des idiots qui ne comprennent rien, le public fait semblant de rire. Mais les plus lucides et moins hypocrites n’ont qu’une envie : sortir de la salle et demander le remboursement.
D’ailleurs, au Gabon ceux qui font ce métier ne sont même pas des comiques. Ailleurs, on parle de «chansonnier», comme l’atteste Wikipédia : «Un chansonnier est un auteur de sketches ou chansons satiriques sur l’actualité, souvent à teneur politique (par exemple : Jean Amadou et les chansonniers du Caveau de la République, Patrick Font…).» Leur travail est donc de composer et interpréter des chansons ou des monologues humoristiques liés à l’actualité. D’ailleurs, si l’épithète comique signifie «qui fait rire», peut-on donc classer les Serge Abessolo et autres Dibaku dans la catégorie des clowns ? Non, assurément. Manito, Diboti, Dibélou-La Cuisse et les autres refuseront énergiquement d’être taxés de clowns ou de Guignols. Les comiques gabonais sont des intellos, faut pas blaguer ! Et c’est pour cela qu’ils ne savent pas blaguer.
Ils ont cependant l’excuse qu’il n’y a jamais eu au Gabon une tradition de chansonniers. Le premier dans ce genre fut le défunt Dékombel. Déjà celui-ci n’avait nullement écrit de sketches : son unique album n’était en réalité qu’un recueil de vieilles blagues connues depuis toujours dans les villages, les campements et les chantiers forestiers du Gabon profond. C’est sans doute pourquoi ses héritiers artistiques ne savent pas composer ou écrire des blagues originales et que bien avant sa mort physique, Dékombel avait été artistiquement tué par les chansonniers camerounais (Dave K. Moktoi, Oncle Otsama, Jean-Michel Kankan…). Et, depuis que les comiques camerounais ont imposé le style paysan, la plupart des clowns du Gabon pensent que pour faire ce métier, il faut imiter un paysan. Pourtant les maîtres du genre dans la sphère francophone, Coluche, Thierry le Luron, Guy Bedos, Fernand Raynaud, n’ont jamais imité un paysan français avec béret basque, baguette de pain et bouteille de rouge sous l’aisselle.
Les comiques du Gabon imitent d’ailleurs fort mal le paysan gabonais. Worwho na Worwho s’est même permis de porter un bonnet de fourrure, comme un russe en hiver tandis que Souleyman, s’est longtemps habillé comme Arlequin. Quel vieillard ou quel paysan gabonais a-t-on vu ainsi fagoté ? La caricature ou la satire devrait pourtant s’efforcer de coller à la réalité.
Les comiques camerounais nous font rire, ceux de Côte d’Ivoire également. Mais quand donc verra-t-on un disque ou une vidéo de comique gabonais faire un tabac dans ces pays ? L’Afrique c’est l’Afrique et si les comiques gabonais ne peuvent pas faire rire hors de leurs frontières nationales, c’est qu’ils ne sont pas bons du tout. Mais, y a-t-il seulement des comiques gabonais ? Ne nous faites pas rire !
