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Hervé Omva Ovono : «On parle des milliards dans l’agriculture, mais nous ne savons pas à quoi servent ces milliards-là»,

HERVE-photoTrois trimestres après la première grand messe agricole, organisée par les autorités Gabonaises, pour sonner le réveil de l’agriculture dans ce pays tributaire, à près de 80% sur de l’extérieur pour ce qui est l’agroalimentaire, Hervé Omva Ovono de l’ONG Initiative développement, recherche conseil Africa (IDRC-Africa), dresse un bilan de ce qui est fait sur le terrain, afin de dispenser cette initiative de l’idée d’une simple retrouvaille d’amis.

Gabonreview : Neuf mois après la foire agricole tenue du 16 au 20 octobre 2012, quelle leçon peut-on retenir de cette rencontre d’échange et de réflexion ?

Hervé Omva Ovono : Après la foire agricole qui a été organisée avec beaucoup de succès, compte tenu de la participation des acteurs du secteur agricole, notamment des grandes entreprises, les banques, les institutions comme la FAO, les organismes comme IGAD qui gèrent des grands projets comme Prodiag et la présence de tout un ensemble d’acteurs de la filière du secteur agricole gabonais et qui pour beaucoup n’avaient pas de structure, pas une véritable organisation, nous avons pu créer des grands ensembles. Aujourd’hui il y a des coopératives qui existent grâce à la mise en place d’un cadre formel du ministère de l’Agriculture qui nous propose aujourd’hui deux types d’entreprises coopératives. A savoir, celle qui a un conseil d’administration, et l’autre type qui n’a pas besoin d’un conseil d’administration, du type familial.

Au sortir de ces rencontres, les gens ont été motivés, parce que pour la première fois, avec beaucoup de facilité, les acteurs de la filière agricole gabonaise ont pu discuter directement avec le ministre Julien Nkoghe Bekalé qui était tous les jours présent sur le site. Il y a eu cette organisation, ce rapprochement au niveau du ministère de l’Agriculture que nous pouvons assimiler à une certaine reconnaissance. Pour nous, IDRC Africa, au sortir de cette foire avons créé la plate-forme des organisations de la société civile du secteur agricole qui regroupe plus de 48 acteurs de la filière et, avec ces derniers, nous sommes en train de conduire un certain nombre de projets. Mais nous, nous impliquons beaucoup plus dans l’agriculture paysanne parce que nous sommes convaincus que, il n’y a qu’avec l’agriculture paysanne que nous pouvons résoudre, contribuer à la sécurité alimentaire au Gabon.

En termes de réalisations pratiques de projets susceptibles d’amorcer le développement de l’agriculture conformément aux souhaits du président Ali Bongo Ondimba de porter à 20% la contribution de ce secteur dans le PIB, actuellement fixée à 5%, mais également de participer à la lutte contre la faim et à l’insécurité alimentaire, qu’est-ce qui a été fait depuis votre dernier grand rendez-vous agricole ?

Très honnêtement, je dirai que rien de plus n’a été fait, malgré nos rencontres avec le ministre de l’Agriculture, malgré les échanges très intéressants pratiquement, il n’y a rien. Malheureusement, c’est ce qui nous déçoit aujourd’hui, parce que entre le discours du président de la République que nous soutenons, cette vision qui est de faire émerger le secteur agricole au Gabon, et le soutient de l’État, il y a un grand écart, sinon un grand vide. Pourtant, nous ne demandons pas grande chose à l’État, nous ne demandons pas à l’État de nous donner de l’argent. L’État est convaincu que nous avons une expertise dans le domaine, alors, nous nous posons la question de savoir pourquoi cet État, qui est convaincu que nous avons une expertise dans le domaine, cet État qui nous écoute et nous félicite par rapport aux efforts que nous faisons, ne nous appuie pas ?

Le Gabon dispose pourtant de moyens en termes d’expertise et des finances. Les mécanismes tels que Pacte national du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture (PDDAA) sont signés pour permettre de booster la filière agricole au Gabon. Selon vous à quelles difficultés le démarrage effectif du développement de l’agriculture se heurte-t-il ?

Je suis convaincu aujourd’hui que le blocage est une question de volonté politique. Il faut que les dirigeants de ce pays fassent attention parce qu’il ne peut pas y avoir des barrières contre la faim. Il n’y a aucune armée au monde qui peut arrêter une émeute contre la faim. On parle des budgets, on parle des milliards dans le domaine de l’agriculture, mais nous ne savons pas à quoi servent ces milliards-là. J’ai lu un article qui m’a interpellé et j’ai essayé de faire un bilan des dix dernières années. Je me suis amusé à faire le décompte des budgets alloués au ministère de l’Agriculture, c’est honteux et lamentable entre l’argent qui a été alloué à ce ministère durant ces 10 dernières années et ce qui a été fait sur le terrain. Il est temps qu’au Gabon on se réveille. J’ai honte quand je regarde ces engagements-là.

Au-delà de ça, les pays membres de l’Union africaine ont décidé à Maputo il y a quelques années d’investir 10% du budget de l’État au secteur agricole aujourd’hui on voit des pays comme la Sierra-Léone qui était en guerre pendant onze et qui refait son économie au point de devenir un modèle aux yeux du FMI grâce au gingembre. Ce même gingembre, ma grand-mère l’a produit dans les plaines d’Ayanabo, nous n’avons pas besoin d’engrais pour le produire dans le Haut-Ogooué. Je vois l’exemple du Burundi, il n’y a même pas une semaine les Burundais sont venus au Gabon pour une foire, lui aussi a connu une guerre civile, mais il a suffi que les politiques s’engagent fermement dans ce secteur-là, pour relever leur économie, le géant Camerounais que nous connaissons pour l’agriculture et qui ne fait que s’impliquer de plus en plus. On voit leur résultat à mi-parcours des pays qui ont signé le PDDAA, on voit ce qu’ils font.

Le PDDAA n’est pas un pacte pour le gouvernement, c’est pour l’agriculture paysanne, on voit comme ça se passe dans les autres pays, mais pourquoi au Gabon c’est un secret de Polichinelle ? Pourquoi ça reste juste une histoire d’un groupe de personnes, pourquoi le gouvernement, les dirigeants ne s’ouvrent pas ? On voit les agences qui sont en train de se créer, c’est bien, mais ces institutions vont travailler sur quelle base avec des produits cent pour cent extérieurs? Ces agences normalement doivent contribuer au développement de l’agriculture paysanne.

À quel stade se situe le concept de l’agriculture «made in Gabon», prôné par IDRC-Africa ? Est-ce un simple slogan ou une réalité ?

Nous ne pouvons pas dire que c’est un slogan. Pour nous c’est une réalité. Dernièrement nous avons été invités par le ministère de l’Agriculture pour participer à la foire Agricole du Maroc à Mecnez, IDRC Africa a été représenté avec la coopérative Moutobini. Nous avons amené un ensemble de produits 100% gabonais entre autres du piment, du poivre, du gingembre, de l’huile de palme 100% produite par une coopérative gabonaise, du chocolat gabonais, mais ces produits-là, malheureusement le peu de moyens que nous avons, ne nous permettent pas de produire à grande échelle. Mais, nous n’avons pas eu honte devant les autres, devant le roi du Maroc qui est passé sur nos stands en présence du président Ali Bongo Ondimba et d’autres responsables de la république. Tout le monde était fier des produits «made in Gabon», preuve qu’au niveau du producteur il y a un travail qui se fait, mais nous attendons comme on voit chez nos frères au Cameroun, que l’État puisse appuyer, puisse subventionner cette agriculture-là.

Je vous donne un exemple, nous produisons des pastèques. Moi je produis mes pastèques, je n’ai pas de point de vente parce que je n’ai pas suffisamment d’argent pour louer un local, où je peux exposer mes pastèques, je suis obligé d’aller vende ma pastèque à prix import, à géant CKDO, à Mbolo. Les propriétaires de ces magasins achètent ma pastèque à 500 francs le kilo et sans transformer ma pastèque la revendent 1250 francs minimum le kilo. À ce niveau, de la plantation, le taxi, le travail, finalement comment vais-je produire ce fruit pour les vendre à 500 francs si le revendeur sans le transformer le revend à un prix trois fois plus que mon prix ? C’est que je travaille dans le vide. À ce niveau-là si l’État ne nous aide pas, ne nous subventionne pas, nous ne pouvons pas avancer. Comment le même État qui subventionne des produits qui viennent d’ailleurs, ne peut pas subventionner les produits qui viennent du Gabon ?

Vous insister sur l’existence des produits agricoles «made in Gabon», pouvez-vous citer quelques exemples de ces produits que l’on peut trouver dans nos marchés ?

Mais contrairement à ce que l’on pense, est-ce que vous savez qu’il y a des camions des acheteurs Camerounais qui vont par exemple sur la route de Sam acheté de l’ananas et qui ramènent ce fruit qui, une fois au marché est appelé «ananas du Cameroun». A Mitzic, Oyem ou Bitam on produit beaucoup de banane, de l’arachide, qui sont transportés vers Libreville et après mis sous le label camerounais. On trompe la vigilance de la population du fait que le marché est entre les mains des frères Camerounais. La Remboué qui est un grenier économique produit du manioc, de la banane en quantité industrielle, mais qui connait la Remboué ? Il y a des produits «made in Gabon». Le Gabonais produit. Allez au marché de la Peyrie, allez au marché de la banane. Nous, nous avons des preuves que le Gabonais produit et nous mettons quiconque à défi pour nous prouver le contraire, mais ces produits souffrent de la négligence, du non-respect, de la non-prise en compte des autorités publiques. On ne respecte pas le travail des Gabonais.

Cette interview peut être également un appel, une interpellation, pour dire aux responsables de ce pays que nous adhérons au processus qui est de faire du Gabon un pays émergent, nous apportons notre expertise. Mais, attention, que cette expertise soit prise en compte, soit respectée. Nous en avons mare des détournements d’argent, des budgets fantômes. Il est temps qu’au Gabon on se réveille.

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